Damien Brevers: «La dépendance aux paris est une vraie problématique»

Parmi le public qui fréquente des centres pour le traitement des dépendances, il y a de plus en plus de parieurs, selon Damien Brevers. [scald=26155424:sdl_editor_representation] Est-ce que le risque qui existe par rapport aux paris sportifs justifierait des législations plus dures, qui encadrent la pratique ? Ce qui est sûr, c’est que l’arrivée des paris sportifs a bouleversé le paysage des jeux de hasard. D’après les études épidémiologiques, parmi les gens qui ont fréquenté au cours des dix dernières années des centres de traitement pour dépendance aux jeux d’argent, le nombre de personnes qui jouent au poker ou font des paris sportifs a augmenté, les prises en charge ont augmenté. Cette donnée permet de dire qu’on peut souffrir de dépendances à cause des seuls paris sportifs. Au niveau de la phénoménologie, les paris sportifs sont associés à des conduites bien perçues dans la société, celles liées au sport. Entrer dans un casino est plus négativement perçu que le fait de parier sur des compétitions sportives. Derrière les paris sportifs, il y a donc une permissivité différente qui augmenterait l’usage que l’on peut en avoir. C’est d’autant plus vrai chez les plus jeunes. Aujourd’hui, par ailleurs, on peut parier sur toute une série de choses : sur le prochain carton jaune, le prochain coup franc, la prochaine double faute… Le tout rien qu’en appuyant sur le bouton de son smartphone et en restant dans son fauteuil. Tout cela participe à augmenter l’attrait de ces conduites chez des personnes qui, peut-être, n’entreront jamais dans un casino. Aujourd’hui, tout fan de sport est potentiellement un joueur. En outre, il ne faut pas nécessairement jouer pour s’y connaître en paris sportifs. Par exemple, des recherches démontrent que des jeunes adolescents ont de plus en plus tendance à associer le sport aux paris sportifs, et sont également capables de donner des ratios de paris. Cela pose une question éthique, de mon point de vue : va-t-on laisser les enfants associer sport et paris sportifs ? C’est une vraie question qui se pose indépendamment des aspects liés aux troubles de comportements liés aux jeux d’argent. Que se passe-t-il dans le cerveau d’une personne devenue accro aux paris sportifs ? Pourquoi ne peut-elle plus se passer de parier ? J’ai fait une recherche sur les corrélats cérébraux liés à l’action de paris sportifs. Cela revenait davantage à traiter de l’attrait que de la dépendance. On a choisi des fans de football et on a examiné les zones qui s’activaient dans leurs cerveaux lorsqu’ils regardaient un match associé à une opportunité de parier. Il y a beaucoup plus d’activations cérébrales chez quelqu’un qui regarde et qui a parié que chez quelqu’un qui regarde et qui n’a pas parié. Pour traiter de l’addiction, il faudrait recruter des gens qui en souffrent. Cela va seulement se faire. Ce sont des projets en cours. Indépendamment des recherches en neurosciences, il y a beaucoup de recherches épidémiologiques, au niveau psychologique, au niveau sociologique, qui démontrent qu’il y a bien une problématique au niveau de la dépendance aux paris sportifs. Y a-t-il davantage de joueurs pathologiques qu’avant ? Je n’ai pas de données pour vous le dire. Mais ce qui est sûr, c’est que l’accessibilité des paris a augmenté la place des jeux de hasard dans la société et, partant, le risque de développement de troubles, de dépendances, d’addictions. Mais c’est comme pour beaucoup de choses, comme l’alcool. Il y a beaucoup de gens qui parviennent à parfaitement gérer leur consommation : une petite part seulement va trop loin. Par rapport à cela, il faut un débat pour savoir comment construire des stratégies de prévention, comment prendre en charge… Il ne faut pas stigmatiser mais il ne faut pas non plus dire : « Tout va bien » ou « C’est moins dangereux de parier que de jouer à la roulette au casino ».

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