Les galères de Facebook passent (aussi) par la Belgique

La Belgique avait été la première à dégainer. Elle ne lâche pas l’os. Ces jeudi et vendredi, devant la Cour d’appel de Bruxelles, se joue le dernier round du bras de fer opposant l’Autorité de la Protection des Données (l’APD) et Facebook, noyé sous un torrent de controverses depuis le scandale Cambridge Analytica et la mise en place du règlement européen sur la protection des données (RGPD), le 25 mai dernier. [scald=26225788:sdl_editor_representation] L’affaire date de 2015. A l’époque, la Commission de Protection de la vie privée (ancêtre de l’APD) décide, seule, d’attaquer en référé le réseau aux 2,3 milliards d’utilisateurs. En cause, avance-t-elle : le non-respect des règles belges et européennes en matière de respect de la vie privée. Circonstance aggravante : le traitement des données à caractère personnel concernerait aussi les non-utilisateurs du réseau. David contre Goliath ? Pas sûr : la justice belge donne alors entièrement raison à la Commission. En appel, Facebook remporte toutefois la deuxième manche : le caractère urgent de la procédure est rejeté. Un partout, balle au centre. On reprend la procédure, calmement cette fois, sur le fond. Rebelote, le 16 février 2018, le tribunal de première instance de Bruxelles confirme tous les arguments de la Commission Vie privée. Sans surprise, comme ils le font systématiquement pour les dizaines de dossiers qui lui collent aux semelles, Facebook contre-attaque en appel. C’est précisément cet ultime round qui se joue en ce moment à Bruxelles. [scald=26225786:sdl_editor_representation] Sauf que, entre-temps, le RGPD, et son cadre encore plus contraignant en matière de données personnelles, a fait son apparition. Et que, plaide l’APD, Facebook ne s’est toujours pas conformé aux règles. Le réseau social « viole encore les droits fondamentaux de millions d’habitants en Belgique ». Les rappels à l’ordre de la Commission européenne, ni les promesses fermes de Mark Zuckerberg de s’autoréguler, n’auraient eu d’effet significatif. [scald=26225787:sdl_editor_representation] Des millions d’internautes belges De quoi Facebook est-il accusé ? Sans surprise : de collecter chaque jour des informations sur les habitudes de navigation des internautes belges, notamment à travers ses cookies (ces « mouchards » glissés subtilement dans votre PC), les modules de connexion à des services (le « Facebook conect ») ou des pixels « espions » incrustés dans le code de leurs pages web. Là, plaide l’ADP, Facebook pousserait le bouchon un peu trop loin. Car, grâce à ce mécanisme, il ne suivrait pas seulement « les habitudes de navigation de ses propres membres mais également de millions d’autres internautes en Belgique qui n’ont pas de compte Facebook ». « Étant donné que les modules sociaux et les pixels de Facebook sont présents sur des millions de sites internet », poursuit l’Autorité, « Facebook peut analyser une grande partie des habitudes de navigation de tout un chacun. Cela peut aussi concerner des sites internet de nature très sensible, comme ceux traitant de problèmes de santé, de l’orientation sexuelle et des préférences politiques. Facebook utilise ensuite ces informations pour profiler les habitudes de navigation et utilise ce profilage pour afficher de la publicité ciblée, comme de la publicité sur des produits et services d’entreprises commerciales, des messages de partis politiques, etc. » 15 enquêtes en Irlande Si la procédure recèle un caractère pour le moins exceptionnel dans notre pays, la Belgique est loin d’être le seul État à s’être lancé dans ce combat. L’année est intense pour les géants du web depuis la mise en place du RGPD. C’est le cas en particulier pour le régulateur irlandais qui, actuellement, mène 15 enquêtes simultanées sur Facebook. Logique, puisque l’Irlande est le centre névralgique de nombreuses entreprises technologiques, comme Facebook. Le RGPD indique par ailleurs que les plaintes relèvent des autorités du pays abritant le siège social de l’entreprise incriminée, pas celui de l’autorité saisie. C’est pour cela, par exemple, que la plainte introduite en Belgique par l’avocat autrichien Max Schrems, devenu le symbole de la lutte pour le respect des données personnelles par les Gafa, est actuellement traitée à Dublin. Mais c’est aussi en raison de cette disposition que l’ADP pourrait perdre son dernier round… En France, l’ONG Internet Society a annoncé, ce mercredi, qu’elle assignerait Facebook devant la justice française en septembre prochain pour différentes violations de données personnelles de ses utilisateurs. Il s’agira de la première action groupée par voie judiciaire lancée dans le cadre du RGPD. La Quadrature du Net, particulièrement prompte sur la balle dans ce dossier, avait, elle, choisi la voie administrative (qui ne permet pas d’obtenir d’indemnité financière). 95.000 plaintes Globalement, fin janvier, plus de 95.000 plaintes tous azimuts avaient été déposées dans l’UE depuis l’entrée en vigueur du RGPD en mai 2018, dont 15.000 rien qu’aux Pays-Bas, champions toutes catégories. Quelque 225 enquêtes ont été ouvertes. Ces plaintes ont déjà débouché sur trois sanctions financières selon l’exécutif européen, dont l’amende record de 50 millions d’euros infligée le 21 janvier en France à Google, pour ne pas suffisamment informer ses utilisateurs sur l’exploitation de leurs données. Combien de dossiers concernent Facebook ? Mystère. Ce que l’on sait, en revanche, depuis les documents internes révélés par le Computer Weekly et The Observer, c’est que le réseau social a mis tout en œuvre, dont ses plus fins lobbyistes, pour que, jamais, ce règlement européen ne voit le jour. ► Protection des données: la Belgique toujours «frustrée»

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