Les séries, votre prof de langues à domicile
Regarder des séries en version originale permet d’intégrer une langue plus facilement. Ou comment lier l’utile à l’agréable, surtout pour les étudiants.

Comme écouter la radio et lire en langue étrangère, on a toujours conseillé de regarder les séries télé et les films en version originale (VO) pour se perfectionner dans la langue de Shakespeare. Mais pas uniquement. Les plateformes de vidéos à la demande s’ouvrant davantage au monde, les séries venues d’ailleurs abondent. Comme de tout temps, certains fans de Friends, ou autres sitcom aux saisons sans fin, ont déclaré avoir appris l’anglais en regardant leur programme préféré. Aujourd’hui, l’écran de télévision est rejoint par Netflix, Amazon et compagnie. Le nombre de séries explose. Des outils et extensions sont créés pour pousser plus loin l’apprentissage des langues en les regardant. Les séries deviennent un laboratoire en la matière. Si pas, pour beaucoup, un véritable prof de langues à domicile.
Enrichir son vocabulaire
Certains s’étonneront de pouvoir lier l’utile à l’agréable. Des mordus regardent des séries en VO par amour pour l’accent, pour s’imprégner de l’histoire ou du pays, ou par dégoût pour les mauvais doublages. La plupart assimilent sans le vouloir des mots dans la langue originale de la série. « On intègre, même inconsciemment, beaucoup de mots, y compris les plus complexes », avance Mathieu de Wasseige, responsable du département des langues à l’Ihecs et auteur du livre Séries Télé US : l’idéologie prime time. « C’est dû à la répétition, la récurrence, qui fixe un vocabulaire. Il y a évidemment des séries plus riches que d’autres lexicalement ». Le processus est accéléré et plus profond si l’on est du genre à rentabiliser son abonnement Netflix, en bon adepte du binge-watching (enchaîner plusieurs épisodes d’une série à la suite). Dans ce cas, un vocabulaire relativement commun revient, chaque série ayant son champ sémantique. « Dans les séries médicales, il y a un paquet de mots techniques qui ressortent », indique le professeur. « Même Big Bang Theory qui est considérée comme une bête sitcom un peu geek, est très riche, pleine de belles expressions. Ce sont des chercheurs qui maîtrisent bien leur langue maternelle et s’expriment avec de belles métaphores. C’est du petit-lait pour un prof d’anglais ! »
Une question de culture
Cette pratique d’une langue étrangère via la VO des séries ne concerne pourtant qu’une poignée de téléspectateurs. La démarche est plus rare dans le sud de la Belgique. « C’est une démarche localisée culturellement », estime Mathieu de Wasseige. « Quand on est dans une culture minoritaire comme la Flandre, il n’y a pas d’argent pour doubler. Dès qu’on est jeunes, on regarde des émissions américaines sont sous-titrées ». Ce n’est donc pas une question d’intelligence ou de maturité du public, mais de culture et de marché. Les téléspectateurs habitués aux sous-titres sont aussi habitués à entendre les vraies voix et apprécient l’expérience que cela procure. En Wallonie, la version originale est absente de la télévision. Les programmes étrangers sont doublés, peu de cinéma propose des films sous-titrés, contrairement à Bruxelles. Si un Belge francophone franchit le pas de la VO, c’est un choix motivé.
Plus d’offre, plus de langues
Une des raisons pour lesquelles de nombreux abonnés l’adoptent, c’est l’accès à un énorme catalogue de séries en langues étrangères et au large choix de sous-titres. « C’est un des éléments positifs de la fragmentation du marché audiovisuel. Pour les plateformes, les sous-titres ne coûtent pas trop cher. Ils achètent une série et ils la diffusent dans 120 pays. Ça démultiplie les options », explique le professeur. Il y a donc une question de culture et une question d’offre. Combien se sont constitués un bagage de mots en espagnol en avalant La Casa de Papel, Les Demoiselles du téléphone ou Elite ces derniers mois. Ou le Danois avec Borgen, Dark et Rain, l’Italien avec Suburra et Baby. Des séries qui ne volent pas la vedette à l’anglais, l’indétrônable. Rien que Grey’s Anatomy offre 240 heures d’anglais pratiqué.
Ce n’est pas tout d’intégrer la langue de son personnage préféré et d’en rêver la nuit. La fiction peut rejoindre la réalité. Les mots absorbés devant l’écran ressortent autour d’un café ou au repas du dimanche. « Des néologismes ou des mots en anglais remplacent ceux qui existaient en français. Comme un crush, un endroit cosy, un thug… C’est le résultat de notre contact plus régulier avec la culture anglo-saxonne », observe Mathieu de Wasseige. Au-delà de la langue, les séries traversent l’écran. Les plus fous ont appris à fabriquer de la méthamphétamine en regardant Breaking Bad. D’autres à sauver une vie grâce à Grey’s Anatomy. Les Experts ont modifié le rapport aux preuves scientifiques dans les tribunaux américains.
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Tres bon article ,tres instructif et assez évident pour l’avoir vécu Merci beaucoup