Le travail d’enfants nourrit toujours nos smartphones

J’ai travaillé dans les mines de cobalt parce que mes parents n’avaient pas les moyens de me payer à manger et de m’acheter des vêtements, papa est au chômage et maman vend du charbon », explique Arthur, qui a travaillé dans une mine de cobalt dans le sud de la République Démocratique du Congo entre 9 et 11 ans. Selon l’Unicef, 40.000 enfants ont travaillé dans mines en RDC en 2014, dont beaucoup dans des mines de cobalt. « Voilà pourquoi on meurt » Amnesty International (AI) et Afrewatch (Observatoire africain des ressources naturelles) viennent de publier un rapport intitulé « Voilà pourquoi on meurt » consacré aux atteintes aux droits humains en RDC qui alimentent le commerce mondial du cobalt. « Je passais 24 heures d’affilée dans les tunnels, a raconté aux enquêteurs Paul, un orphelin de 14 ans qui a commencé à travailler dans les mines à 12 ans, sans le moindre équipement de protection. J’arrivais le matin et je repartais le lendemain matin. Je devais me soulager dans les tunnels. Ma mère adoptive m’envoyait à l’école mais mon père adoptif était contre, il m’exploitait en m’envoyant travailler dans la mine ». Depuis, Paul souffre d’une maladie respiratoire chronique. Entre septembre 2014 et décembre 2015, au moins 80 mineurs artisanaux sont morts sous terre dans le sud de la RDC, mais de nombreux accidents ne sont même pas signalés. « En raison des risques pour la santé et la sécurité, l’extraction minière est l’une des pires formes de travail des enfants, estime Mark Dummet d’AI. Comment des entreprises dont les profits à l’échelle mondiale se montent à 115 milliards d’euros osent-elles affirmer qu’elles sont incapables de vérifier d’où proviennent des minerais essentiels à leur production ? Car les vitrines des boutiques chics et le marketing des technologies de pointe contrastent vivement avec les enfants ployant sous les sacs de roche et les mineurs s’affairant dans les étroits tunnels qu’ils ont creusés, exposés au risque de contracter des affections pulmonaires permanentes. Il est temps que les grandes marques assument leur part de responsabilité dans l’extraction des matières premières qui rendent leurs produits si lucratifs ». Le Cobalt utilisé pour fabriquer les batteries Le rapport dévoile en effet que les négociants achètent le cobalt extrait dans des zones où le travail des enfants est très répandu et le vendent à la Congo Dongfang Mining (CDM), filiale détenue à 100 % par le géant chinois de l’exploitation minière Zhejiang Huayou Cobalt Ltd. D’après AI, Huayou Cobalt et sa filiale DCM traitent le cobalt puis le vendent à trois fabricants de composants de batteries : Ningbo Shanshan et Tianjin Bamo en Chine, et L&F Materials en Corée du Sud. Ces trois firmes, qui ont acheté pour plus de 85 millions d’euros de cobalt à Huayou Cobalt en 2013, vendent ensuite leurs composants à des fabricants de batteries qui affirment fournir Apple, Microsoft, Samsung et d’autres mais aussi des entreprises du secteur automobile comme Daimler et Volkswagen. AI a contacté les 16 multinationales inscrites sur la liste des clients des fabricants de batteries achetant du cobalt à Huayou Cobalt. L’une d’entre elles a reconnu ce lien, mais quatre autres n’ont pas pu dire avec certitude si elles achètent du cobalt provenant de RDC (qui fournit 50 % de la production mondiale de cobalt) ou fourni par Huayou Cobalt. Six ont indiqué enquêter sur ces affirmations, cinq autres ont nié être indirectement clientes de Huayou Cobalt alors qu’elles figurent sur la liste des clients des fabricants de batteries, et deux ont nié utiliser du cobalt de RDC. Mais aucune n’a fourni d’informations suffisantes pour vérifier de façon indépendante la provenance du cobalt utilisé dans leurs produits de haute technologie. « C’est le grand paradoxe de l’ère numérique, conclut Emmanuel Umpula, directeur exécutif d’Afrewatch : des entreprises parmi les plus florissantes et innovantes du monde sont capables de commercialiser des produits incroyablement sophistiqués sans être tenues de révéler où elles se procurent les matières premières incluses dans leurs composants. Les violations des droits humains perpétrées dans les mines demeurent hors de la vue et des consciences : les consommateurs n’ont aucune idée des conditions de travail dans les mines, les usines et les chaînes de montage ». Pour Mark Dummett de AI, « la plupart de ces multinationales assurent appliquer une politique de tolérance zéro s’agissant du travail des enfants : ce ne sont que des paroles et elles ne sont pas crédibles, puisqu’elles ne se renseignent pas sur leurs fournisseurs. Tant que les entreprises ne seront pas tenues légalement de contrôler la provenance des minerais et leurs fournisseurs et de rendre ces informations publiques, elles continueront de tirer profit de violations des droits humains ».

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