Parme, berceau de Varesi et Soneri

Quand les deux journalistes de Parme débarquent sur la Piazza Duomo que Valerio Varesi est en train de nous faire visiter, ce n’est pas lui qu’ils veulent interroger et photographier. Ce sont les journalistes étrangers qui sont venus jusqu’ici pour rencontrer un de leurs collègues. Auteur de polar, Varesi est d’abord un journaliste qui a traîné ses guêtres dans toute la région. Et c’est en enfant du pays qu’il est traité par ses pairs. [scald=26522635:sdl_editor_representation] Pourtant, depuis plusieurs années, sa notoriété a franchi les frontières. En 1998, âgé de presque 40 ans (il est né le 8 août 1959), il publie son premier roman donnant naissance au personnage du commissaire Soneri. Une douzaine d’autres suivront. Il faudra pourtant attendre 2016 pour que Le fleuve des brumes soit traduit en français. Depuis deux autres titres ont suivi avant, en 2018, Les Mains Vides. Mais on compte aussi des traductions en allemand, en anglais, en espagnol, en polonais, en turc et en néerlandais. L’âme de la ville Cet auteur dont plusieurs livres ont aussi fait l’objet d’une adaptation télévisée se révèle néanmoins d’une simplicité et d’une gentillesse peu communes. À notre arrivée à Parme, il nous attend dans le hall de l’hôtel proposant de nous emmener pour une petite promenade dans la ville. Celle-ci durera deux jours. Du Palazzo della Pilotta au fameux Duomo, il détaille avec passion chaque bâtiment, chaque statue (notamment celle de Verdi, autre enfant du pays) avant de nous faire visiter le magnifique baptistère en marbre rosé de Vérone. « Les monuments de Parme, c’est le lieu de l’âme de la ville » confie-t-il. « Si je dois imaginer une ville pour un roman, c’est toujours à Parme que je pense. Comme si j’y étais relié par un cordon ombilical. Pourtant, je suis né à Turin et j’habite à Bologne mais ici, je ressens une identification totale avec la langue, l’argot, les mentalités, les traditions… » Parme et le brouillard Comme lui, le commissaire Soneri a une part intime qui ne change jamais. « On peut voyager dans le monde entier mais on est toujours lié au lieu d’où on vient, même quand le monde change. Et aujourd’hui, il change très vite. Regardez la politique en Italie, le climat dans le monde. Face à tout cela, il faut avoir une identité et j’écris à partir de cette identité. Comme dit Tchekhov : si tu veux être universel, tu parles de ton pays. » Valerio Varesi le fait avec brio… et sans rien enjoliver. « Mon traducteur anglais dit que le bureau du tourisme va me faire un procès car je décris Parme avec de la pluie, du brouillard… mais Parme sans le brouillard, ce n’est plus Parme » rigole-t-il. Par contre, comme son commissaire, il connaît et nous fait découvrir quelques trattorias à damner un saint. Une certaine mélancolie Au fil de nos déambulations sur les traces de Soneri, il confesse son admiration sans borne pour Simenon, nous raconte l’histoire de chaque quartier de sa ville, son travail de journaliste qui a nourri ses romans, la Ndrangheta de Calabre qui investit en masse dans la région pour blanchir l’argent sale, la laïcité farouche de sa ville, la cohabitation complexe dans le Borgo Gazzola (du nom d’un jeune héros antifasciste) entre drogue, prostitution et populations immigrées de l’Est ou d’Afrique. Autant de thèmes abordés dans les romans par Soneri. « C’est vrai que je parle à travers lui. Je regarde le monde avec ses yeux. Il parle beaucoup de politique, a un côté mélancolique. Sa mélancolie vient du fait qu’il ne retrouve plus cette révolte, cet appel à la résistance qui caractérise cette ville. » Transmettre la mémoire En arrivant au fleuve, il montre avec fierté les anciens quartiers ouvriers et le pont où la jeunesse de Parme a arrêté les fascistes lors de la Marche sur Rome de 1922. « Les fascistes n’ont pas réussi à entrer dans Parme. Si les autres villes avaient réagi de la même manière, l’Histoire aurait peut-être différente. » Dans le quartier où se situait la rédaction de la Gazzetta di Parma où il travaillait de 1987 à 1990, il s’arrête devant un immeuble à appartements : « Voilà, c’était ici. Il n’en reste rien, envolé, remplacé par des appartements. Soneri est nostalgique de tout ça. Et moi, j’ai hérité des valeurs d’ouverture de mes ancêtres. Mon grand-père antifasciste, mon père partisan. Les livres, c’est une manière de transmettre la mémoire. Aujourd’hui, la politique retourne à des solutions qui se sont déjà avérées mauvaises par le passé. La situation de l’Italie actuelle le prouve, nous sommes un peuple atteint par Alzheimer. » Les Mains vides ***, Valerio Varesi, Traduit de l’italien par Florence Rigollet, Agullo. 258 p., 21 € ; ebook 12,99 €

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