Les Gilets jaunes, héritiers des combattants pour le Suffrage universel

En janvier dernier, à la suite d’un débat organisé par Télésambre, télévision locale de Charleroi, la constitutionnaliste Anne-Emmanuelle Bourgaux rencontre Johan Bruyère, le porte-parole des Gilets jaunes à Charleroi. « J’ai été frappée de la maturité des propos qui étaient émis, à un moment où les discours sur les Gilets jaunes étaient uniquement disqualifiants. De leur côté, les Gilets jaunes et Johan Bruyère voulaient en savoir plus sur ma position consistant à dire qu’ils étaient les héritiers des combattants pour le Suffrage universel. Ils étaient également très demandeurs de comprendre mieux le système très compliqué de la Belgique. » Créer un espace de dialogue C’est comme ça qu’est née l’idée d’organiser des « ateliers constitutionnels » un samedi par mois jusqu’en juin. En février, un premier d’entre eux s’est tenu dans un auditoire de l’UMons. La salle était comble. La prof de droit y a resitué l’action des Gilets jaunes dans le cadre plus général des luttes pour les droits politiques en Belgique. « Cela été un moment unique de convivialité, de dialogue et d’échange », se souvient l’enseignante. « Ces ateliers sont plus largement ouverts aux associations, de plus en plus nombreuses, qui travaillent sur la démocratie. Ils sont donc l’occasion de faire d’une pierre quatre coups. Ouvrir aux Gilets jaunes et aux différents mouvements actifs dans le domaine de la démocratie un espace constructif de dialogue, et non de répression ou de déni. Il s’agit d’en faire un pont entre ces révoltés et “le système”, d’établir des liens, de limer les rugosités, afin de contribuer au fonctionnement pacifique et démocratique de notre pays. Il s’agit aussi d’ouvrir les portes de l’université à un public qui n’y a pas accès, de démocratiser le savoir sur le fonctionnement de la Belgique, qui ne peut être le monopole d’une élite et, enfin, de créer un espace de rencontre entre les différents mouvements actifs dans le domaine de la démocratie, pour dépasser les clichés et les préjugés selon lesquels élus, gilets jaunes, syndicats, journalistes… sont, chacun dans sa catégorie, “tous pareils”. » Dans les travées de l’auditoire universitaire, les Gilets jaunes confient leur sentiment d’être « transparents » aux yeux des médias, par exemple. Ils se sentent à la fois muselés et stigmatisés, allant même jusqu’à se demander s’il n’y a pas collusion des sphères politique et médiatique. « On montre surtout ce qui se passe en France, quand ça chauffe, mais pas ce qu’on fait de positif en Belgique. Tous les dimanches, à Charleroi, on distribue de la nourriture et des vêtements aux SDF ! » Les travaux menés dans les ateliers ont donné des ailes aux Gilets jaunes. Dalvy Mouthier, électricien sans formation universitaire, s’est saisi des enseignements de la constitutionnaliste pour effectuer un minutieux travail d’analyse des votes sur les articles constitutionnels à réviser, au sein de la Chambre et du Sénat : qui a voté comment ? qui s’est abstenu ?… « On a préféré se former, s’éduquer et apprendre à se connaître les uns les autres. Il y a des gens qui bossent jour et nuit pour faire évoluer positivement le mouvement né d’une impulsion et de l’exemple français. » [scald=26539019:sdl_editor_representation] Structurer des revendications Les ateliers ont aussi aidé les Gilets jaunes à structurer leurs revendications. La première d’entre elles est l’instauration d’un Référendum d’initiative citoyenne, à la fois abrogatoire, législatif, constituant et révocatoire, auquel un atelier était consacré en avril. Descendus dans la rue pour porter des revendications relatives au pouvoir d’achat et aux taxes, ils veulent aussi être entendus de ceux qu’ils ont élus pour les représenter. Sur le plateau de Télésambre, le gilet jaune Nathan Reniers affirmait que « les électeurs sont un peu les employeurs du gouvernement ». L’atelier constitutionnel de début mai était justement consacré à la question du mandat impératif et de la révocation des mandats. Le prochain et dernier atelier abordera la question du droit de manifester. Ce dimanche, dans un esprit de convergence des luttes, les Gilets jaunes rejoignaient « Right(s) Now », la marche pour une justice sociale et climatique, où ils tenaient deux stands : l’un au départ de la marche, pour distribuer les tracts portant leurs revendications, l’autre à son arrivée, pour présenter tous les outils didactiques conçus pour les argumenter.

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