Il était Saint-Gilles une fois

D ans la vie il y a les grands rêves et puis les petits rêves, des envies personnelles comme celles-ci ». L’objet du désir du bourgmestre Charles Picqué a la Porteuse d’eau en guise d’étendard. Une couverture de choix derrière laquelle se cachent 250 pages de récits, d’anecdotes et de témoignages. Le tout porté par une kyrielle de visuels d’hier et d’aujourd’hui réunis dans un livre retraçant les huit siècles d’histoire affichés au compteur saint-gillois. Un ouvrage d’autant plus attendu que la dernière synthèse du genre datait déjà de 1904, a souligné le socialiste. Un retard effacé, donc, doublé d’une belle occasion de replonger dans le passé et même jusqu’en 1216 date à laquelle fut érigée une paroisse dédiée à saint-Gilles dans ce qui était alors le Obbrussel soit le Haut Bruxelles qui englobait également la Ville de Bruxelles et une partie de Forest (aux environs de l’Altitude 100). « Sachant que les entités administratives sont nées bien plus tard », a précisé le socialiste. C’est ainsi que le baptême politique de la commune est daté le 14 fructidor an III de la République soit, le 31 août 1795. Saint-Gilles ? « Il s’agissait d’un saint vénéré partout en Europe, protecteur contre les maladies mais aussi généreux puisqu’il était le saint des mendiants », poursuit Charles Picqué. [scald=574942:sdl_editor_representation] Le choix du saint répondait donc à plusieurs préoccupations, lit-on dans l’ouvrage. « Profiter de la renommée internationale de Gilles l’Ermite, honorer la mémoire de celui qui avait le don de la guérison, la paroisse hébergeant à cette époque une léproserie, et saluer le patron des infirmes et des forgerons, le hameau étant réputé pour ses forges, la fabrication d’outils et de matériaux de construction ». On apprend aussi pourquoi la commune abrite, à l’instar de la Ville de Bruxelles, un hôtel de ville (inauguré en 1904) et non une maison communale : car elle comptait un fort, celui de Monterey, sur son territoire. Érigé en 1675, il était situé à hauteur des bien nommées rues du Fort et des Fortifications. [scald=574941:sdl_editor_representation] Au gré des pages, on (re)découvre aussi les nombreux fleurons qui ont marqué l’histoire de la commune. Comme l’Hôtel où l’on frappait la monnaie dont seule l’artère homonyme mentionne encore l’existence. Ou la Glacière, toujours en place même si elle a changé d’affectation. Un bloc de 42 mètres sur 42 profond de 15 mètres dans lequel on entreposait de la glace provenant des étangs voisins d’Ixelles et de Boitsfort mais aussi de Norvège, paraît-il. Glacière qui servit aussi à dresser une patinoire tandis que les condenseurs des machines à vapeur ont longtemps permis l’alimentation en eau du Bain Van Schelle. Ouverte à la fin du XIXe, la glacière fondit en 1993 pour laisser place aux activités artistiques. La liste des fleurons mentionnés dans le livre est aussi longue que richement illustrée, s’étirant de l’Hôtel Hannon au Musée Horta en passant par le truculent Aegidium dont la restauration se poursuit sur le Parvis. [scald=574940:sdl_editor_representation] Au rayon toponymie, on apprend que la chaussée de Waterloo est bien antérieure à la bataille du même nom. À laquelle fait plutôt allusion la rue de la Victoire qui célébrerait ceux qui ont vaincu les troupes napoléoniennes. Des briques mais aussi des femmes et des hommes de renom parmi lesquels de nombreux résistants comme Sophie Poznanska membre de l’Orchestre rouge qui fut incarcérée et torturée à la prison de Saint-Gilles. Cité aussi Paul-Henri Spaak, bourgmestre de Saint-Gilles de 1952 à 1957 et ancien premier ministre. On parle encore de Victor de Laveleye, un ancien conseiller communal et ministre qui gagna Londres durant la guerre où il devint speaker de Radio Belgique à la BBC. « C’est lui qui imagina, en 1941, le signe V pour victoire qui fut repris et immortalisé par Winston Churchill ». Des anciens mais aussi des nouveaux, comme ces patron de café, coiffeur, acteur, chanteur ou boulanger, connus ou moins connus qui racontent le Saint-Gilles qu’ils aiment. Bref une très jolie balade au cœur d’un village saint-gilllois qui, 800 ans plus tard n’a rien perdu de son âme. Un livre, qui comme le résume très bien le coordinateur de l’ouvrage, Pierre Dejemeppe, « n’est pas guindé mais vivant et coloré, à l’image de la commune ». Cachez ce sein... [scald=574943:sdl_editor_representation] Elle est si belle, le regard pointé vers la barrière de Saint-Gilles. Et pourtant, la malheureuse fut longtemps condamnée à la cave de l’hôtel de ville où elle avait été remisée par quelques élus chagrins la trouvant à l’époque un brin osée voire carrément indécente. Telle est l’histoire de la Nymphe ou de la Déesse du Bocq imaginée par le sculpteur Jeff Lambeaux en 1894. Dont l’œuvre dut attendre 1976 pour se refaire une place au soleil. Amusant, il est alors apparu que durant son séjour en sous-sol, ouvriers et employés avaient pris l’habitude de caresser le sein gauche de la déesse, en guise de porte-bonheur. « Lorsque la sculpture apparut à l’air libre, l’ensemble était patiné sauf une petite partie du côté gauche qui luisait », lit-on dans l’ouvrage. [scald=574944:sdl_editor_representation] Saint-Gilles, huit siècles d’histoire(s) 1216-2016 , Aux éditions Mardaga Sous la direction de Pierre Dejemeppe, 256 pages, 25 euros

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