Srdjan Cvijic: «Il s’agit de compléter l’unification européenne. Il n’y a qu’à regarder une carte!»

[scald=26661608:sdl_editor_representation] La question de l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie est à l’agenda du Conseil ce mardi… mais tout indique que la décision sera reportée. Acceptable ? Absolument pas. C’est complètement illégitime de ne pas donner suite aux recommandations de la Commission au sujet des deux pays, qui ont fait tout ce qu’ils devaient faire. C’est une décision politique qui va porter atteinte aux intérêts politiques de l’UE à long terme dans la région. Pourquoi ? Car cette réticence vis-à-vis de l’élargissement de l’UE a un impact direct dans ces pays sur le soutien à l’Union européenne. En Serbie, par exemple, on est passé d’un soutien à l’adhésion à l’UE de 73 % de la population en 2009 à 41 % fin 2016. Même si c’est un peu remonté, à 55 % actuellement, c’est beaucoup moins qu’il y a dix ans. En Bosnie, ce soutien est passé de 86 % à 56 %. Et cela permet aux autres acteurs de s’insérer dans la région, comme la Russie. C’est un problème ? Cela dépend de quelle influence on parle. S’il s’agit des investissements étrangers, ce n’est évidemment pas un problème. Mais s’il s’agit d’une influence maligne, c’est le cas. On a vu en Macédoine du Nord une tentative de la part de certains intérêts russes de déstabiliser la situation en pleine négociation avec la Grèce (NDLR : sur la fameuse question du nom « Macédoine » du pays, contesté par Athènes). Il ne faut pas oublier ce qui s’est passé au Monténégro (NDLR : une tentative de coup d’Etat, selon la justice à Podgorica, visant à faire dérailler l’adhésion du pays à l’Otan). Si l’intérêt pour l’UE est si évident, comment comprendre la réticence que vous mentionnez ? Cette réticence est principalement visible dans le chef de deux Etats membres : la France et les Pays-Bas. Les politiciens ne soutiennent pas l’élargissement car ils ont peur que celui-ci ne soit pas populaire. La principale raison est donc politique. Or, c’est une perception des politiciens. Fausse ? Les politiques ne cherchent pas vraiment à savoir si un soutien à l’ouverture des négociations leur coûtera des voix ou pas. C’est plus une intuition. Quels sont les risques éventuels à maintenir la porte fermée ? D’abord, de ne pas tirer parti des opportunités. L’intégration des Balkans occidentaux est par exemple importante pour l’économie de la Grèce, qui doit sortir de la crise. Il y a un mois et demi, la Serbie a achevé une autoroute qui la relie à Athènes. Mais il faut plus de temps à un train cargo pour rejoindre Athènes depuis Bruxelles que Shanghai : il manque de fonds structurels pour développer les infrastructures. De façon plus dramatique, y a-t-il un risque de voir réapparaître les « vieux démons » dans cette région, tout juste sortie des guerres il y a 20 ans ? Pas à court terme : nous ne sommes plus dans les années ‘90. Mais à long terme, si la région reste isolée, on risque de voir ressurgir les vieux démons. Or on ne parle pas d’un « élargissement sans fin » : il s’agit simplement de compléter l’unification européenne. Il n’y a qu’à regarder une carte : il y a clairement un trou ! En même temps, la Turquie, qui négocie, en théorie du moins, son adhésion depuis 2005, n’est-elle pas « l’éléphant dans la pièce » ? Oui. A deux reprises, le Parlement européen a proposé de suspendre les négociations avec la Turquie d’Erdogan et le Conseil n’a pas donné suite. Il est très difficile de disposer d’un « bâton » pour pousser les réformes dans les Balkans occidentaux sans ces négociations. Il faut être juste avec les Balkans et les libérer du carcan de la Turquie d’Erdogan. La Commission recommande l’ouverture pour les deux pays. Un découplage est-il problématique ? Si les Pays-Bas restent sur leur position, il n’y aura pas d’ouverture pour l’Albanie. Chaque pays doit être évalué selon ses mérites propres. S’il y a consensus, on peut découpler les deux. Mais ce serait injuste pour l’Albanie, qui a fait son devoir. Et quand on parle d’ouvrir les négociations, il faut le souligner 1.000 fois : ce n’est pas l’entrée des pays dans l’UE ! La négociation, ce sont 35 chapitres, à ouvrir séparément, avec l’accord du Conseil, à l’unanimité. Même chose pour fermer des chapitres. Le Monténégro négocie depuis 2012 et n’a encore clôturé aucun chapitre…

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