Eric Maurice: «Trouver un équilibre entre perspective européenne et dire non au dumping social»

[scald=26661678:sdl_editor_representation] La Commission européenne insiste sur l’enjeu stratégique du maintien d’une perspective d’adhésion à l’UE pour les pays des Balkans occidentaux. Mais certains, le président Macron en tête, arguent qu’il faut d’abord réformer l’Europe avant d’accepter de nouveaux Etats membres. Comment comprendre cela ? On voit bien, au sein de l’UE, que beaucoup de déséquilibres subsistent après la crise financière, en matière de convergences économique et sociale. Macron a poussé les feux pour répondre à ces préoccupations. La Commission a aussi proposé des outils de convergence. Mais il y a des réticences à ouvrir ces négociations au moment où les divergences entre nouveaux et anciens Etat membres ne sont pas encore comblées. Il y a une inquiétude à avoir dans l’UE des pays qui n’ont pas achevé leur transition économique. La Macédoine du Nord, l’Albanie et même la Serbie partiraient de beaucoup plus loin que la Pologne, la Hongrie, la Roumanie ou la Bulgarie. Lesquels, 15 ans après leur adhésion, n’ont pas rattrapé leur retard… Mais il ne s’agit que de petits pays : Macédoine du Nord et Albanie, ce sont 5 millions d’habitants… Du point de vue économique, cela ne fait pas une différence énorme. Par contre, beaucoup aspirent à travailler en Allemagne… C’est le retour du spectre du « plombier polonais »… Oui, voilà. Et dans un pays comme la France, on n’a pas encore digéré ce débat. On l’a vu lors de la réforme de la directive sur les travailleurs détachés ou sur le transport routier. Dans les pays (membres) d’Europe centrale et de l’Est, il y a une volonté de profiter de cet avantage compétitif. Le gouvernement, sous Hollande comme Macron, est sous la pression du Rassemblement national et sous forte pression sociale à cet égard, en faveur d’une préférence nationale. Pourtant, les pays d’Europe centrale et orientale ont vigoureusement plaidé pour l’ouverture des négociations avec Skopje et Tirana qui, à terme, pourraient les concurrence aussi… Les derniers arrivés ne ferment pas la porte derrière eux ! Ceux-là connaissent cette aspiration à entrer dans l’UE. Et certains sont proches de la région, pour des raisons historiques, comme la Hongrie. De toute façon, les travailleurs de ces pays-là iraient à « l’Ouest », même s’il y a une pénurie de main-d’œuvre en Hongrie ou en Tchéquie. On peut entendre les arguments des réticents. Reste que ne pas suivre la recommandation limpide de la Commission pose un vrai problème pour la crédibilité des institutions ? Oui. La position de la France se trouve en porte-à-faux entre la volonté de stabiliser la région, maintenir une présence de l’UE face à la Turquie, la Russie ou la Chine, et la pression politique interne, l’adhésion des deux pays faisant office d’épouvantail pour l’extrême droite, pour Wauquiez (Les Républicains)… Les gouvernements ont conscience à la fois de ce besoin de perspective d’association à l’UE et de ces peurs un peu irrationnelles sur lesquelles jouent les populistes. Nathalie Loiseau (NDLR : la cheffe de file du président Macron pour le scrutin européen) se vantait durant la campagne d’avoir bloqué l’adhésion ! Alors que la position officielle française, c’est la perspective européenne pour ces pays. C’est un équilibre difficile à trouver. Macron essaie de trouver cet équilibre entre assurer à Bruxelles la perspective européenne pour les Balkans et, à Paris, dire non au dumping social. C’est un dilemme classique en France depuis quinze ans. La Macédoine du Nord ne risque-t-elle pas de faire les frais de la crise politique qui agite l’Albanie ? Il est clair que le problème se situe davantage du côté de l’Albanie que de la Macédoine du Nord, en particulier depuis l’accord de Prespa avec la Grèce et la victoire (du candidat pro-européen) de Pendarovski à l’élection présidentielle. Mais du point de vue de l’UE, il est difficile de dire non seulement à l’Albanie, qui est plus importante. C’est injuste par rapport à la Macédoine du Nord. En Albanie, il y a l’instabilité, les problèmes judiciaires, l’argument des Pays-Bas (et de la France) selon lesquels il y a ces mafias qui viennent chez nous… C’est difficile pour la Commission de le dire clairement – et certains Etats membres comme les Pays-Bas s’en chargent.

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