Les «petits porteurs» de Nyrstar dénoncent un hold-up

En octobre 2007, lors de l’introduction en Bourse de Nyrstar, ses deux géniteurs – les groupes belge Umicore et australien Zinifex – vantaient la naissance d’un géant mondial du raffinage du zinc. La société venait tout juste d’être créée, via la mise en commun d’une activité dont les deux groupes avaient décidé de sortir, Zinifex pour se recentrer sur les mines, et Umicore pour se spécialiser dans les technologies des matériaux. La vie n’allait cependant pas être un long fleuve tranquille pour Nyrstar, qui, actif dans une activité cyclique, était rapidement rattrapé par la Grande récession – et dont l’action ne flirterait plus jamais avec son cours d’introduction. [scald=26674349:sdl_editor_representation] On a souvent mis en cause la stratégie d’intégration en amont – comprenez : le rachat de mines – financé massivement par l’emprunt, mais aussi les déboires de certains de ses partenaires, notamment le finlandais Talvivaara. Un plan de sauvetage Près de douze ans plus tard, l’entreprise est en passe d’être liquidée. En Bourse, l’action s’échange à 19 centimes ; de sorte que la société est valorisée à un peu plus de 20 millions d’euros. Les actionnaires ont donc pratiquement tout perdu. Surtout : les « petits porteurs » s’interrogent, depuis plusieurs mois, sur les agissements de l’actionnaire de référence, Trafigura, un géant du négoce de matières premières, qui est entré dans le capital de Nyrstar en 2014 et dont il détient 24,42 %. A la mi-avril, Trafigura a annoncé, mais sans donner de détails, un accord avec les créanciers et un plan de restructuration qui prévoit le transfert des activités vers une nouvelle société qui serait détenue à 98 % par le négociant. De sorte que Nyrstar n’aurait plus, comme seul actif, qu’une participation de 2 % dans cette nouvelle société. Nombreux sont les petits porteurs qui suspectent « un hold-up. » Des interrogations sur le rôle de Trafigura Trafigura est un fournisseur et un client quasi-exclusif de Nyrstar. Peu de détails sont connus sur les contrats qui lient le raffineur à son actionnaire de contrôle. Mais les petits actionnaires soulignent un fait troublant : depuis 2016, le résultat opérationnel de Nyrstar est en chute, alors que celui de Trafigura est en hausse. Un soupçon les taraude : que Trafigura ait mis Nyrstar en coupe réglée. Il faut savoir également que le réviseur n’a pas certifié les comptes de 2018, qui doivent être soumis aux actionnaires lors de l’assemblée générale prévue ce mardi 25 juin. Un certain nombre de « petits porteurs » ont fait appel au bureau d’avocats Watt Legal, de Robert Wtterwulghe et Laurent Arnauts, pour défendre leurs intérêts. Une « première » pour la FSMA Début juin, les avocats ont mis Nyrstar en demeure de faire toute la clarté sur les comptes 2018, sur les conventions commerciales liant la société et son actionnaire de contrôle et sur le plan de restructuration. Face au refus de Nyrstar, ils ont porté l’affaire devant la FSMA, l’autorité des services et des marchés financiers, dont l’une des missions est de contrôler les informations que doivent publier les sociétés cotées. Selon les actionnaires mécontents, les créanciers de Nyrstar auraient été largement informés durant les négociations visant à restructurer les dettes de l’entreprise. Mercredi, la FSMA est sortie du bois, jugeant que les actionnaires de Nyrstar « ne dispos(ai)ent pas d’informations suffisantes pour approuver les comptes annuels de l’exercice 2018 lors de l’assemblée générale programmée le 25 juin ». Le gendarme financier a demandé au conseil d’administration de Nyrstar de proroger à cinq semaines la décision relative à l’approbation des comptes annuels et « d’apporter toute la transparence » sur le plan de restructuration. C’est véritablement « une « première », comme le confirmait ce vendredi matin Jean-Paul Servais, le président de la FSMA, lors de la présentation du rapport annuel de l’institution. « Il s’agit d’une décision exceptionnelle qui répond à une situation exceptionnelle », a confirmé le président Servais, refusant d’en dire plus. Nous avons pris nos responsabilités et nous continuerons à le faire, Nous agrions en fonction de l’évolution du dossier. » Rendez-vous lundi Dans la nuit de jeudi à vendredi, Nyrstar a rendu public un rapport des administrateurs sur le plan de restructuration – des informations jugées insuffisantes par les avocats des « petits porteurs ». Mais Nyrstar leur a fait savoir qu’ils n’auraient rien de plus. Via une action en référé, les deux avocats pourraient donc mettre à exécution leur menace de demander à la justice de suspendre l’assemblée générale. Me Arnauts, que nous avons joint vendredi après-midi, refusait de dévoiler ses batteries et donnait rendez-vous lundi.

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