Primark, Zara et H&M: la fast fashion mais à quel prix?

A peine un demi-siècle que ça dure. Avec l’avènement du prêt-à-porter, dans les années 1960, les enseignes de « fast fashion » ont commencé à voir le jour : les suédoises Hennes et Mauritz ont fusionné en 1968 pour jeter les bases de l’empire H&M, l’espagnole Zara est née en 1975, la japonaise Uniqlo en 1984, tandis que l’irlandaise Primark fête aujourd’hui ses 50 ans… Leur déploiement à l’international remonte quant à lui aux années 1990 et 2000. Un réseau tentaculaire de magasins qui a bouleversé l’industrie de la mode en imposant des prix mini – et des salaires à l’avenant. L’effondrement du Rana Plaza, qui a fait plus d’un millier de morts dans une usine de production au Bangladesh en 2013, a éveillé les consciences, mais la course poursuite de la mode à petits prix ne s’est pas arrêtée. « Comme au McDonald’s », pour reprendre l’analogie de Virgil Abloh, créateur de la marque Off-White, c’est le fast and furious de la production qui séduit la clientèle actuelle. Et tant pis si c’est de la malbouffe ou, en l’occurrence, de la mauvaise qualité… [scald=26705970:sdl_editor_representation] La chaîne de vêtements irlandaise se profile comme un véritable rouleau compresseur de cette tendance au moindre coût, avec des prix allant jusqu’à 35 % de moins que ses concurrents. « Les prix sont vraiment très bas et Primark propose très souvent de nouvelles collections, encore plus rapidement que les autres enseignes vestimentaires », explique Frédéric Godart, sociologue de la mode et professeur à l’INSEAD (Institut européen d’administration des affaires). [scald=26705969:sdl_editor_representation] Moins cher que pas cher « La fast fashion, c’est le prêt-à-porter extrême, celui qui ne coûte pas cher et perd en valeur esthétique en privilégiant la copie au détriment de la créativité », dénonce le sociologue. La logique consumériste impose en effet de produire à bas prix et vendre en grande quantité, avec un renouvellement constant. [scald=26705971:sdl_editor_representation] Selon Frédéric Godart, les chaînes d’habillement aux ventes explosives imitent les tendances des grandes maisons vues aux défilés et s’en inspirent aussitôt pour leurs nouvelles collections. « Cela permet aux gens de changer très rapidement de style et de s’identifier à des groupes de modes ou des groupes sociaux », poursuit l’auteur d’une Sociologie de la mode. Si la mode est un phénomène social total, comme l’a analysé le sociologue et anthropologue français Marcel Mauss, la fast fashion l’a rendu global et l’a démocratisé. Un avenir plus vert et responsable Pour autant, le modèle commence à montrer ses failles. L’industrie textile est parmi les plus polluantes et le consommateur lambda ne l’ignore plus : « La fast fashion ne cadre plus trop avec les priorités environnementales, elle risque donc de rentrer en crise », prédit Frédéric Godart. « Le problème avec ces marques, c’est que c’est facile d’acheter pour rien et de mettre le vêtement une fois ou deux, d’éventuellement ne même pas le laver, puis de le jeter », dénonce pour sa part Alexandra De Raeve, professeure de textile à la Hogeschool Gent. « Tous les ans, près de 150 millions de tonnes de vêtements et chaussures sont vendues dans le monde, dont 85 % finissent dans les décharges ou sont brûlés plutôt que d’être recyclés », calcule pour « Cosmopolitan » Paul Dietzsch-Doertenbach, manager d’ICO, principal prestataire de H&M pour la collecte de vêtements et le recyclage. [scald=26705968:sdl_editor_representation] Le modèle, par essence périssable, de cette mode qui devance les saisons avec des rotations de collections constantes cherche donc aujourd’hui à se réinventer pour se conformer à l’air verdi du temps. Dans leur communication, les enseignes de fast fashion se disent plus soucieuses de l’environnement et des droits humains. Souvent critiqué pour ses conditions pénibles de travail, Primark affirme dans son communiqué « s’engager à offrir des produits fabriqués avec soin et respect, pour ceux qui les fabriquent et pour l’environnement ». Dans les faits, d’autres enseignes comme celles du groupe H&M proposent désormais de ramener ses vêtements… en échange d’un bon d’achat. La volonté de recyclage n’éclipse pas l’incitation au shopping.

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