Axel Merckx: «Ce 50e anniversaire a été une rare occasion de réunir toute la famille»

« Ces festivités imposent à mon père une incroyable liste de sollicitations (NDLR : rien que via ASO, on relevait 120 demandes d’interviews !), qui sont parfois aussi des contraintes pour un homme qui est désormais âgé de 74 ans et qui doit logiquement surveiller sa santé. Mais s’il est un aspect de ce cinquantième anniversaire qui lui plaît, c’est la possibilité de rassembler toute la famille. Avec ma femme Jodi et nos filles (Axana, 18 ans, et Athina Grace, 14 ans), nous vivons depuis longtemps au Canada, en Colombie-Britannique (Kelowna). Luca, champion olympique de hockey avec l’Argentine (JO de Rio, en finale face à la Belgique, souvenez-vous) fils de ma sœur Sabrina, vient de terminer un Masters en business et marketing à la Johan Cruyff Academy, à Barcelone… Chacun de nous voyage beaucoup, aux quatre coins du monde. Le dernier rassemblement familial complet remontait à deux bonnes années. Dès lors, réussir à réunir toute la troupe fait vraiment du bien à papa… » Nom « Porter le nom de Merckx n’est pas forcément facile pour les générations suivantes (il sourit) mais je trouvais important, pour mes filles notamment, que chacun se rende vraiment compte de ce que ce patronyme représente en Belgique. Je tenais vraiment à ce que nous soyons tous là, autour de lui, en ce début juillet. Le temps fait son œuvre, la distance étire les liens et lisse les souvenirs. Mais en participant à toutes les festivités, en baignant dans ce Grand Départ, les petits-enfants peuvent pleinement s’imprégner du mythe Eddy Merckx. Chacun de nous peut en prendre la vraie (dé)mesure. Mon aînée Axana, qui comme sa sœur bénéficie de la double nationalité, a récemment pris part aux championnats de Belgique de natation, pour le compte du club de Stéphane Maene. Les médias ne l’ont pas lâchée. Elle a pu concrètement se rendre compte de ce qu’implique le fait de porter le nom Merckx, croyez-moi ! » 1969 « Ni ma sœur ni moi n’étions nés lorsque papa a remporté pour la première fois le Tour (NDLR : Sabrina a vu le jour en 1970, Axel en 1972). Ce que l’on retient de ce Tour de France 69 qui est entré dans la légende, nous le devons forcément aux lectures, aux photos, aux témoignages que nous avons compilés par la suite. Pas vraiment à la maison, car nos parents évoquaient peu cette carrière de sportif, ils étaient tous deux d’abord attentifs à nos parcours scolaires, avec une exigence légitime. Personnellement, l’image forte que je retiens de cet été 69 est sa victoire à Mourenx, avec près de 8 minutes d’avance -7 minutes 56 pour être précis- sur ses plus proches poursuivants (NDLR : Dancelli et Vandenbossche) alors qu’il était déjà largement en tête du général, que rien ne l’obligeait à passer à l’offensive, sinon une vague inquiétude qui traînait au fond de lui. Comme s’il avait sans cesse fallu assurer ses arrières… » Roi « Il a gagné 525 courses, sur environ 1500 épreuves disputées. Une victoire sur trois… Fouillez les statistiques du sport, je suis convaincu que vous ne trouverez pas trace d’un ratio aussi impressionnant, qui en fait le plus grand parmi les grands. On le taquine parfois avec ce titre de baron, qui lui a officiellement été attribué il y a quelques années (2014) et dont il est légitimement fier, pour lui et pour le cyclisme dont il a si bien servi la cause. Pour beaucoup, il est aussi le Roi Eddy mais dans son esprit, il n’y qu’un souverain, le Roi Philippe en l’occurrence. La lettre qu’il lui a adressée il y a quelques jours, afin de remercier mon père « au nom de la Belgique », est un moment et une démarche rares. Cela l’a beaucoup touché… » Cannibale « Il a répété cent fois plutôt qu’une qu’il n’avait jamais vraiment apprécié ce surnom, qui lui avait été attribué à son corps défendant. Cela ne correspond pas à son caractère, tout simplement. Mon père est un gagneur, qui ne conçoit pas un travail, un projet sans y mettre tout son cœur, y donner le meilleur de soi-même. Quand on entreprend quelque chose, c’est pour essayer d’être le meilleur, vous connaissez sa formule. Pourtant, il a dans sa carrière sportive et dans sa reconversion (Cycles Eddy Merckx) toujours été respecté par ses adversaires, parce qu’il n’a jamais cherché à les écraser. Ce n’était pas son propos, pas sa motivation profonde. » Frissons « Quand je revois les images de son entrée en 69 sur le Vélodrome de Vincennes, La Cipale, parmi tous ces gens qui scandent « Eddy ! Eddy ! Eddy ! », ou les reportages en noir et blanc consacrés à son retour triomphal au pays, avec cette apparition sur le balcon de l’Hôtel de ville devant une foule compacte que seuls les Diables rouges ont ensuite été capables de réunir, en 1986 puis en 2018, j’en ai chaque fois la chair de poule. Cela a dû être un truc extra à vivre ! » Pudeur « Pas plus qu’il n’aime s’épancher sur les anecdotes et moments forts de sa carrière, mon père n’évoque ouvertement les moments plus difficiles. L’hostilité d’une partie du public français, là où les Italiens lui ont toujours témoigné énormément de respect par exemple, est une thématique qu’il n’aborde pas. Il préfère ne pas parler de tout cela, par pudeur. C’est l’un de ses traits de caractère, sans doute aucun. C’est pour cela que j’ai toujours adoré les moments que nous avons pu passer ensemble, lorsqu’il me disait : « Viens, prends ton vélo, on va rouler… » Lors de ces sorties à deux, on s’est dit des choses que jamais, dans d’autres circonstances, on n’avait partagées. Cette complicité, j’y tiens énormément… » Hostilité « En jouant au foot, sous le maillot d’Anderlecht, puis en devenant moi-même coureur cycliste, j’ai parfois pu mesurer la bêtise de certaines personnes, qui prenaient un malin plaisir à critiquer ou compliquer les choses sous prétexte que je suis le fils d’Eddy Merckx. Mais ces quelques péripéties n’ont évidemment rien de comparable avec ce que mon père a dû subir, au plus fort de sa domination, lorsqu’un sentiment « anti-merckxiste » est apparu et s’est intensifié, en France surtout. Quand on explique qu’il a couru (et gagné) la Vuelta 73, plutôt que le Tour de France la même année, pour faire un peu retomber la pression, c’est un peu dingue ! Le moment le plus difficile, c’est évidemment ce coup de poing porté par un spectateur débile (NDLR : 11 juillet 1975, dans l’ascension du puy de Dôme), excédé par la domination que mon père avait jusque-là exercée sur le Tour de France (cinq victoires). Comment peut-on exprimer une telle animosité contre un athlète qui est simplement en train de faire son métier ? C’est du hooliganisme pur, révulsant. » Bruxelles « Mon père est très attaché à sa ville, ce n’est un secret pour personne. S’il reste par nature assez discret, je sais qu’il est très sensible aux efforts qui ont été consentis par les autorités bruxelloises pour organiser ce Grand Départ et lui rendre hommage. Initialement, c’est la Vendée qui avait été choisie pour donner le coup d’envoi de cette édition 2019, mais la force de conviction de la Ville de Bruxelles et de Christian Prudhomme, du côté d’ASO, notamment ont permis de rendre ce projet possible. Il en est très touché, la charge émotionnelle est intense. » Belgique « Mon père a vu le jour dans une famille où le néerlandais et le français cohabitaient naturellement, c’est sur ces bases-là que nous avons également grandi et été éduqués. Mon père est belge, à 100 %, profondément fédérateur. Il a rassemblé tout le monde sous un même drapeau, comme seuls les Diables rouges ont ensuite réussi à le faire… »

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