Mimi Solvay, mécène depuis 65 ans

Ne le dites pas aux ennemis de la science : il y a depuis ce lundi un véritable nid de scientifiques de très haut niveau, rassemblés pour un congrès autour de la théorie des cordes (ce mardi à Flagey), mais aussi pour rendre hommage à une mécène d’exception, Mimi Solvay. Celle-ci soutient financièrement et moralement les conférences internationales Solvay depuis… 65 ans. Entourée de ses petits enfants, mais aussi de David Gross, prix Nobel de physique 2004, Kurt Wüthrich, prix Nobel de chimie 2002, Lars Brink, ancien président du jury Nobel de physique, Thomas Hertog, le « dernier étudiant » de Stephen Hawking. Et puis « notre » Nobel aussi, François Englert, à qui tous rendent hommage. [scald=26722202:sdl_editor_representation] Mis à part la tenue, plus décontractée, et la présence (à peine) plus importante de femmes, on pourrait se croire en ce jour de 1911 où Ernest Solvay fut le mécène et organisateur des toutes premières conférences qui portaient son nom. Réunis au célèbre hôtel Métropole, les chercheurs de l’époque incarnaient l’excellence dans ce domaine : Marie Curie, Henri Poincaré, Ernest Rutherford ou encore Albert Einstein. Solvay figure aussi sur le cliché, mais il n’était pas là, il a été rajouté ensuite. C’est que l’homme, qui avait lui même ses théories plutôt élaborées sur la physique, aimait cotoyer ces grands de la pensée, mais ne se confondait pas avec eux. Jusqu’en 1922, date de sa disparition, il veilla de près à la qualité des personnalités invitées et des débats qui suivaient les présentations centrées autour d’un thème. C’est ainsi qu’à la liste trop allemande de Lorenz, le premier président scientifique, lui-même Nobel, il fait ajouter Marie Curie et Poincarré. Le comité scientifique gardera son flair. Comme le rappelle Marc Henneaux, professeur à l’ULB et directeur des Instituts internationaux de physique et de chimie Solvay, en 1954, lors du congrès de physique auquel contribua Mimi Solvay, il y avait 26 participants. Pas moins de sept recevront le prix Nobel dans les années qui suivront. L’action de Solvay déterminante ? Chaque organisation des Instituts Solvay rappelle et incarne le rôle joué par Ernest Solvay dans le développement de l’esprit scientifique. « Par son mécénat d’une ampleur inégalée en Belgique, Solvay est un acteur clé de l’institutionnalisation des sciences dans son pays natal, mais aussi à l’international », soulignent ses historiographes. Il confie au médecin Paul Héger (président du conseil d’administration de l’ULB) la mission de développer un Institut de physiologie à partir de 1885, alors que l’ingénieur Emile Waxweiler est le grand organisateur de l’Institut de sociologie Solvay (1902) et de l’Ecole de commerce Solvay (1903). Ces trois instituts, implantés au cœur de la « cité scientifique du Parc Léopold de Bruxelles », seront ensuite rattachés à l’ULB. [scald=26722215:sdl_editor_representation] L’action de Solvay, industriel richissime mais mécène attentif et passionné, fut-elle déterminante ? On peut le croire, quand on voit ce que ces conseils ont pesé à une époque où le rassemblement de scientifiques n’était pas aussi fréquent qu’aujourd’hui. Les conseils vont être le berceau de plusieurs révolutions de la physique, notamment en ce qui concerne la physique quantique. Einstein participe, dès 1911, à ces fameux conseils et y joue un rôle prépondérant. Ceux auxquels il participe sont le théâtre de la « révolution quantique » : les discussions de Bruxelles ponctuent les étapes successives de cette révolution. Elles auront un profond impact sur les travaux et la pensée d’Einstein, principalement sur son attitude vis-à-vis de la mécanique quantique. De retour à Prague (après le conseil de 1911), Einstein ne se contente pas de développer sa théorie de la gravitation. Il tient aussi à élucider le mystère soulevé par son hypothèse des quanta de lumière. Il montre dès 1912 que cette hypothèse est en accord avec les principes généraux de la thermodynamique. Il n’en reste pas moins conscient de la difficulté de concilier ces quanta avec le caractère ondulatoire de la lumière. La présence d’Einstein au premier conseil de physique a aussi fortement contribué à faire reconnaître son génie par les plus éminents physiciens de l’époque, et en particulier par les deux « gloires » de la science allemande : Max Planck et Walther Nernst, qui sont étroitement associés aux débuts des conseils Solvay et de l’Institut international de physique Solvay (IIPS) créé en 1912.

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