Jean-Louis Le Soumis condamné à dix ans de réclusion

Durant toute la lecture du jugement – et ce fut long ! –, Jean-Louis Denis affiche le sourire, mi-goguenard, mi-incrédule, de celui qui assisterait à une pauvre pantalonnade. Même sa condamnation à dix ans de prison n’effacera pas cette fanfaronnade. Sa vérité, il l’avait crachée, en novembre, durant l’instruction d’audience : « Je suis un prisonnier politique musulman. Le seul recruteur, c’est Allah ! » Le tribunal correctionnel de Bruxelles n’a pas vu les choses ainsi : pour lui, Jean-Louis Denis, dit Abu Yahya, dit Jean-Louis Le Soumis, est directement responsable « du départ sur zone » d’une kyrielle de candidats au djihad : dix-huit, dont onze jeunes gens – parfois mineurs – qui, tous, ont gravité selon des orbites diverses autour de deux associations créées par Jean-Louis Denis, dont le Resto du Tawhid qui distribuait des repas à la gare du Nord : de bonnes œuvres qui étaient autant d’occasions, pour « Le Soumis », de lancer ses imprécations, de prêcher la guerre sainte et de vouer pareillement aux gémonies kouffars, traîtres, mécréants et apostats – des prêches d’une grande violence qui donnaient lieu à des vidéos souvent montées par Mohamed Khemir, un autre prévenu, et postées sur YouTube, Dailymotion, Facebook ou sur le service de messagerie Paltalk où il administrait, avec Michaël Devredt, un groupe de discussion baptisé « Le phare dans les Ténèbres ». « Je mets les graines, Allah fait ce qu’Il veut » Les autorités judiciaires s’intéressent à Jean-Louis Denis à compter d’avril 2013, après le départ pour la Syrie de deux élèves de l’athénée Fernand Blum (Schaerbeek) : deux ados qui ont fréquenté assidûment le Resto du Tawhid. L’enquête se focalise rapidement sur cet ancien loufiat bambocheur qui, vers 2008-2009, s’est converti à l’islam et s’est tout aussitôt radicalisé : il a d’emblée fréquenté Sharia4belgium dont il se présentera comme « l’émir pour Bruxelles » après l’arrestation de son leader, Fouad Belkacem. Parmi les proches de ceux qui sont partis en Syrie, beaucoup ont désigné « Le Soumis » comme celui qui fut leur recruteur – « Je ne mets que les graines, Allah fait ce qu’Il veut », s’était-il défendu. Pour le tribunal, toutefois, Jean-Louis Denis n’a pas seulement été un prédicateur, un semeur de haine et un recruteur : il a été, aussi, un intermédiaire actif qui a favorisé de nombreux départs vers le « bilad el-Cham » où il avait de nombreux contacts – avec Mourad Farès, notamment, l’un des principaux sergents recruteurs de France, lui-même passé en Syrie où il est devenu, au sein de l’E.I., l’un des cadres de la « katiba des Français ». Le tribunal balaie « la provocation policière » Le tribunal, dans son jugement, balaie les arguments développés par la défense de Jean-Louis Denis qui avait plaidé l’irrecevabilité des poursuites en évoquant « une provocation policière » : selon Me Sébastien Courtoy, le véritable moteur de cette filière aurait été un certain Abdelkader El Farssaoui, alias Abu Jaber, informateur de la police espagnole et « agent infiltré » du parquet fédéral belge dans la mouvance islamique – un personnage trouble que Mohamed Merah serait venu consulter à Bruxelles en 2012 avant ses mortelles randonnées à Toulouse et Montauban. « Depuis 2011, c’est lui, El Farssaoui, qui mettait les gamins dans l’avion », avait lancé l’avocat. El Farssaoui ne fut jamais inquiété : la preuve, selon la défense, qu’il était l’instrument d’un « procédé déloyal » ourdi par les enquêteurs pour faire porter le chapeau à Jean-Louis Le Soumis. Le tribunal – faut-il le dire ? – n’a pas suivi le raisonnement. Il a, en revanche, estimé que Michaël Devred, un autre converti qu’on n’avait pas été loin de décrire comme la véritable tête pensante de la filière, n’avait occupé aucune fonction dirigeante dans le groupe du « Soumis ». Le procureur fédéral avait requis douze ans contre « Abu Rayan » Devred. Le tribunal lui en inflige cinq, assorti d’un sursis de cinq ans pour ce qui excède la durée de la détention préventive.

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