Thor Hushovd: «Le maillot vert est fait pour Wout Van Aert»

La silhouette est élancée comme dans les grandes années. Le faciès, sec et hâlé. Thor Hushovd n’a pas changé depuis qu’il a raccroché, il y a quatre ans. Tout juste a-t-il cédé à cette mode de la barde rebelle qui complète une tignasse blonde absolument impeccable. Au cœur du village de la Grande Boucle, le Norvégien aux dix étapes respire l’effervescence du barnum hexagonal alors qu’il vient de quitter son poste de commentateur pour la télévision de son pays. L’occasion de taper la discussion, dans un français parfait, avec le double maillot vert (2005 et 2009), totalement sous le charme d’un Wout Van Aert qui ne cesse de l’impressionner. Thor, vous vous attendiez à voir Wout Van Aert à pareille fête sur son premier Tour de France ? C’est phénoménal, ce qu’il a fait. Wout, c’est un talent extraordinaire. Depuis le début du Tour, je me dis qu’il doit penser à lui, jouer sa carte personnelle pour le maillot vert. Il brule les étapes, je me demande où sont ses limites. Mais de là à le voir gagner un sprint massif… Pfff. Vous pensez qu’il peut, dans un futur proche, mettre fin à l’hégémonie verte de Peter Sagan ? Clairement. Pour moi, il a tout pour malmener Peter Sagan dans sa quête du vert. Wout sait absolument tout faire et sa victoire le confirme encore. Je pense vraiment que le maillot vert est fait pour lui tant il passe bien les bosses et peut donc marquer dans les étapes accidentées. Il peut en marquer dans les sprints massifs, forcément. Et il a cette capacité à se glisser dans les échappées si l’étape est difficile, histoire d’ajouter des unités à son total lors des sprints intermédiaire. Bref, il passe partout et brille partout. Pourtant, au vu du premier sprint massif à Nancy, la domination d’Elia Viviani semblait sans faille et la série, prête à se poursuivre… Comme quoi, c’est difficile à dire tant c’était vraiment le premier sprint où tout le monde était là. À Bruxelles, Dylan Groenewegen a chuté, l’arrivée était de toute façon trop difficile pour un sprint massif. Et ici, avec la bordure, les choses étaient un peu désorganisées. Donc, émettre un avis définitif me semble prématuré même si j’ai quand même la sensation que, pour l’instant Elia est le meilleur sprinter au monde. Quid de Caleb Ewan ? L’Australien de Lotto-Soudal semble peiner à trouver l’ouverture… Oui, mais je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter pour l’Australien. C’est lui qui a, à Bruxelles, sorti le meilleur sprint. C’est juste qu’il a mal géré son effort au vu du final. La route tournait un peu à droite et il s’est placé à l’intérieur. Soit exactement ce qu’il ne faut pas faire puisque, du coup, il a été bloqué à deux reprises. Mauvaise option donc. Mais, si on regarde la vitesse, c’est lui qui était le plus rapide. À Nancy, il a fait plus ou moins la même erreur… mais il est là. Je suis presque sûr qu’il va gagner une étape sur ce Tour. En tant que sprinter, comment gérer psychologiquement ces mauvais choix ? Mentalement, vous pensez qu’il se pose déjà des questions ? C’est trop tôt pour les interrogations mais pas pour la frustration. Quand tu sais que tu as fait des erreurs, tu penses trop par la suite et, du coup, la confiance, elle, se retrouve dans le camp des adevrsaires. Or, parfois, dans un sprint, il ne faut pas trop penser. Il faut y aller à l’expérience et à l’assurance parce que, je parle d’expérience, trop réfléchir rend les choses compliquées. Mais Caleb a quand même un peu d’expérience, je ne me tracasse pas pour lui. Son point faible ne tient-il pas dans l’absence de son train, qui n’a rien à voir avec celui de Deceuninck – Quick-Step ? Oui, c’est certain qu’il n’a pas les mêmes armes que Jumbo-Visma ou Deceuninck – Quick-Step mais, normalement, il sait se placer, il sait garder une place et frotter. Et il a quand même des équipiers capables de le ramener jusqu’à la flamme rouge. Après, c’est à lui de faire son boulot. Il suffit de regarder Peter Sagan, il n’a presque jamais eu un train qui le place au panneau des 200 mètres et pourtant, il gagne quand même… Si vous deviez dessiner une hiérarchie sur ce Tour, qui placeriez-vous en tête de classement ? C’est très compliqué. Je vais dire Elia Viviani mais… Vous pensez forcément à Dylan Groenewegen, qui, piégé par la bordure, n’a pas pu défendre ses chances à Albi… Exactement. S’il ne tombe pas en Belgique, je ne suis pas certain que le scénario est le même. Après, l’Italien vient de la piste et quand il marche comme sur ce Tour de France, homme contre homme, il y a très peu de coureurs capables de le dominer. Sauf, sur le coup, Wout Van Aert…

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