Le retour de l’homme à la cigarette dans les fictions

Quelle surprise pour les fans de la série X-Files lorsqu’ils ont revu la silhouette du “Smoking man” sur les affiches de promotion. Le retour de ce personnage phare de la série des années 1990 n’était pas assuré. Et sa clope au bec compromise. Les spécialistes se demandaient si la Fox allait reprendre son méchant accro au tabac. L’autre grand réseau national CBS n’avait pas autorisé le héros John Constantine à fumer dans la série Constantine, une adaptation de la bande dessinée Hellblazer. Si on n’est pas près de revoir un commissariat enfumé dans une fiction, le tabac n’a pas joué sa dernière scène à la télé. Plusieurs séries américaines récentes, diffusées sur le câble, redonnent un rôle aux fumeurs. Les producteurs de Mad Men le font dans un souci d’authenticité – Qui imagine des publicitaires créatifs des années 60 sans cigarette ? –, les autres, on ne sait pas. Le prétendant à la Maison-Blanche Frank Underwood et sa femme Claire s’en grillent une par pur plaisir, chaque fin de journée dans House of Cards. Le groupe des « Guilty Remant » de The Leftovers exprime son désaccord en fumant. Homeland, Shameless, Californication, Girls, True Detective… Dans toutes ces fictions, les héros n’ont pas décroché. C’est même devenu une de leur caractéristique. [scald=637816:sdl_editor_representation] [scald=637756:sdl_editor_representation] « Aujourd’hui, faire fumer les personnages dans une série est un choix délibéré, analyse Sarah Sepulchre, professeure de communication à l’UCL. Ça veut dire quelque chose sur le personnage : il est abîmé par la vie, il n’est pas conventionnel… La perception de la cigarette a évolué en même temps que la société. Avant losque tout le monde fumait, c’était quelque chose de banal dans les fictions. Dans les années 1990, la cigarette avait complètement disparu. La décennie suivante, le personnage fumeur se posait des questions. Par exemple, le choix de Carrie Bradshaw de se remettre à la cigarette dans Sex and the city est très discuté avec ses amies. » Aux Etats-Unis, en France ou en Belgique, il n’existe pas de loi pour contrôler le tabac dans les fictions contrairement à la publicité. Par contre, les chaînes américaines nationales, celles plus familiales, peuvent refuser la diffusion de programmes avec des fumeurs comme l’a fait CBS avec Constantine pour des raisons morales. Preuve que la présence de la clope à l’écran n’est pas anodine. C’est un choix parfois mûrement réfléchi par les producteurs et scénaristes. Dans La Trève, la nouvelle série de la RTBF diffusée à partir du dimanche 21 février sur la Une, un des personnages est un fumeur. « Nous nous sommes posé la question de l’intérêt durant l’écriture, commente Benjamin d’Aoust, l’un des trois scénaristes. Notre but était d’utiliser la cigarette uniquement pour donner du sens. Ainsi, dans le premier épisode, le héros arrive dans la voiture du jeune inspecteur avec qui il va travailler. Le père de ce dernier est mort d’un cancer. Ce qui n’empêche pas le héros de fumer après ce moment. Un malaise s’instaure. La cigarette n’est pas présentée comme une norme dans le récit » L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) craint un retour de la fumée sur les écrans. Leurs dernières études démontrent que le tabac au cinéma serait à l’origine de 37 % des nouveaux consommateurs adolescents aux Etats-Unis. Pour le Dr Vincent Lustygier, tabacologue au CHU Brugmann, « c’est dangereux, car les séries, le cinéma participent à la banalisation. Le milieu médical fait tout pour dénormaliser la cigarette. Il existe un principe chez les jeunes, c’est le “modeling”. On fait comme les autres. Voir à la télévision, des acteurs fumer peut nous donner envie de le copier comme on le ferait si c’était notre meilleur ami. » En Europe, la directive « Services de médias audiovisuels » interdit également le placement de produit en faveur des produits du tabac. Mais le médecin met en garde pour les fictions américaines. « Il faut être vigilant et se demander si le retour de la cigarette n’est pas une énième manipulation de leur part. » Le “Smoking man” serait-il derrière tout ça ?

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