Franck Berrier, ancien joueur du Standard: «Si j’avais joué la saison dernière, je serais peut-être mort»

Le rendez-vous est fixé dans le prestigieux cadre du Thermae Palace d’Ostende, le long de la digue, à quelques mètres du casino. Franck Berrier vit à un quart d’heure de route de là et va régulièrement y prendre un bon bol d’air. Comme pour se vider l’esprit, même s’il n’a pas réussi à quitter le milieu du football, lui qui est désormais scout à Malines. Franck, il y a un an, après une préparation sans encombre avec le KV Malines, vous apprenez que vous souffrez d’un problème cardiaque sérieux. Comment avez-vous vécu cette situation ? Dix jours avant le premier match officiel, ce problème est détecté. La veille, je disputais les nonante minutes d’un match amical, je n’étais pas fatigué. Un jour plus tard, les médecins me disent : « On a vu les résultats des tests, il faut que tu arrêtes complètement la pratique du football, sinon tu peux mourir ». En fait, j’ai probablement eu une infection virale et le muscle cardiaque ne fonctionnait plus qu’à 37 %. C’est suffisant pour vivre, pas pour réaliser de gros efforts car le risque de crise cardiaque est réel. On a parlé pendant une heure ou deux et ça a été un vrai choc. Ils m’ont dit qu’il y avait une chance de guérison, que je pourrais peut-être revenir après trois ou six mois. Je suis donc resté positif mais la situation ne s’est jamais améliorée. J’ai alors pensé à ma santé avant tout et me suis dit qu’à 34 ans, ma carrière était derrière moi, même si cette décision a été difficile à prendre. Si j’avais joué ne fût-ce qu’un match la saison dernière, je serais peut-être mort. Les matches me manquent, les entraînements tôt le matin dans le froid moins. Vous n’aviez jamais eu de soucis de santé auparavant ? Non, jamais. Ils ont fait une échographie du cœur, puis un scanner approfondi et ont constaté le problème. Je n’avais jamais été essoufflé après un effort physique, rien n’avait changé dans ma vie, mais, du jour au lendemain, je ne pouvais plus jouer au football. Je préfère évidemment ne rien ressentir mais cette impression de vivre normalement tout en étant privé de sa passion est difficile à accepter. Parvenez-vous à vous maintenir en forme ? Le sport est autorisé dans certaines limites mais durant près d’un an, je n’ai plus rien fait. J’avais peur de faire un dribble quand je jouais avec mon fils dans le jardin, j’avais peur d’aller courir. Je devais me maintenir en forme mais je n’osais plus rien faire. Franchir le cap a été compliqué mais je m’y suis enfin remis. Il m’arrive d’accompagner Xavier Luissint et Baptiste Schmisser, deux anciens équipiers d’Ostende, quand ils vont courir, mais sans forcer. Votre vie a complètement changé mais vous gardez le sourire. Est-ce le paysage ostendais qui vous permet de conserver le moral ? Quand mon épouse Yamina et moi sommes arrivés à Ostende, on s’est dit qu’on y passerait peut-être deux ou trois ans de notre vie puis qu’on partirait. Mais plus les années passent et plus on se dit qu’on y est bien. On habite à dix ou quinze minutes d’Ostende mais on y vient souvent. C’est une des plus belles villes de Belgique, il y a la plage et de bonnes écoles pour les enfants, c’est calme, les gens sont accueillants. On ne peut pas rêver mieux. Je ne parle pas du tout néerlandais, et je ne veux pas l’apprendre, mais mon fils de huit ans (NDLR : il a aussi une fille de six ans) et ma femme, française mais qui a appris la langue, m’aident. Quand vous avez raccroché les crampons, vous n’avez pas envisagé de repartir vous installer en France ? Non, jamais. On y retourne pour la famille, la mienne en Normandie et celle de ma femme à Avignon et Marseille, plus fréquemment qu’avant à savoir une fois par mois, mais on est bien ici et je me sens autant Belge que Français, j’ai même plus d’amis ici maintenant. Par contre, en football, je suis à 100 % derrière les Bleus. En fin de saison dernière, vous avez été consultant sur la chaîne VOO durant les playoffs. Et maintenant, vous êtes scout pour le KV Malines. Une trajectoire logique ? Au début, je ne regardais plus les matches, en tout cas plus ceux de Malines et Ostende car ça me faisait mal de voir mes amis sur le terrain. Après un an sans jouer, on commence à se faire une raison, à s’habituer quelque peu à sa nouvelle vie. Depuis tout jeune, j’avais envie de devenir footballeur, consultant et recruteur. Je pourrai dire que j’ai exercé ces trois fonctions. Comment cela s’est-il mis en place ? Concernant mon rôle de consultant, VOO m’a invité plusieurs fois en plateau et le contact est bien passé. J’aimerais d’ailleurs renouveler l’expérience. Concernant celui de scout, il s’agit d’un accord trouvé avec le club. En fin de saison dernière, il me restait un an de contrat à Malines. J’ai dit aux dirigeants que j’acceptais de le casser en mai s’ils me trouvaient un autre travail, car j’avais envie d’y laisser une trace. C’était trop frustrant de n’avoir rien pu amener au club. Différentes options ont été évoquées. J’aurais aimé être entraîneur adjoint mais je n’ai pas encore les diplômes adéquats et je me suis dit que c’était sans doute trop tôt. Ils m’ont proposé de coacher des jeunes mais j’ai refusé pour les mêmes raisons. Finalement, devenir recruteur était la meilleure solution. Participez-vous déjà activement à l’actuel mercato ? Non. J’ai signé pour six mois, jusqu’en janvier prochain, puis on verra si on poursuit la collaboration. L’idée à moyen terme est de prendre en charge les clubs du Nord de la France, à savoir Lille, Lens, Valenciennes, Calais, Boulogne-sur-Mer. Actuellement, je prends mes marques et via la plateforme Wyscout, j’observe des dizaines de joueurs et j’établis des rapports que j’envoie aux scouts principaux. Car le KaVé possède une réelle structure pour le scouting. Vous parliez de la fonction d’entraîneur. Suivez-vous les cours pour obtenir le précieux sésame ? Oui, je me suis lancé en janvier. Ne parlant pas néerlandais, je vais à Rebecq, où, en tant qu’ancien joueur, je bénéficie de cours en accéléré, par cycles de six mois, à raison de quatre heures tous les mercredis. J’ai déjà les brevets C et B. Puis, il y aura l’UEFA B, de septembre à janvier prochain. Je pourrai alors entraîner jusqu’à la première provinciale, et être crédible comme adjoint partout. L’idée est d’être recruteur pendant deux ans puis de devenir entraîneur. En fait, dire adieu au football était impossible pour vous ? Quand j’ai raccroché les crampons, je pensais que je serais vite oublié. J’ai été surpris de constater que j’étais encore pas mal sollicité. Les propositions sont vite arrivées. Et vous savez, je me suis plongé dans le milieu quand j’avais 13 ans, j’ai quitté ma famille, j’ai fait des sacrifices. C’est dur d’oublier ce qui a été votre vie durant plus de vingt ans. Dire adieu au football n’est pas une option. Et le problème, c’est que je ne sais pas faire autre chose.

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