La nouvelle vague des réalisateurs belges

Vingt ans, l’âge des possibles et l’âge d’une génération. Quand on a découvert la bouille du jeune Jérémie Renier et le corps bourru d’Olivier Gourmet chantant ensemble « Siffler sur la colline », on a senti qu’il se passait quelque chose dans le cinéma belge. C’était en 1995, il y a donc vingt ans. Cinq ans avant, Jaco Van Dormael avait déjà secoué l’arbre cachant la forêt avec Toto le héros. Deux ans plus tard, Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde créaient le buzz au Festival de Cannes avec un ovni frontal filmé en noir et blanc, C’est arrivé près de chez vous. Cette période voit l’éclosion de toute une génération de jeunes réalisateurs belges, d’Alain Berliner à Lucas Belvaux, de Frédéric Fonteyne aux frères Dardenne. Des auteurs aux univers très différents, insufflant tous envie et confiance. C’est ainsi qu’aux alentours des années 2000, émergèrent d’autres noms : Joachim Lafosse, Bouli Lanners, Benoît Mariage, Ursula Meier, Sam Garbarski, Abel et Gordon, Olivier Masset-Depasse, Fabrice du Welz, Micha Wald, Nabil Ben Yadir, Aubier et Patar… [scald=639693:sdl_editor_representation] Une nouvelle génération Aujourd’hui, c’est au tour d’une nouvelle génération de prendre ses marques et de s’imposer. Ils ont entre 27 et 40 ans, semblent plus cérébraux que punk, pas vraiment dans la lignée d’un Xavier Dolan hyperprécoce mais ils se sont croisés à l’école, au Festival du court-métrage de Bruxelles. Ils ont tissé des liens, se voient, bossent ensemble, se font lire leurs scénarios. « C’est hyperexcitant ce qui se passe en ce moment, s’enthousiasme le jeune Antoine Cuypers dont le premier long Préjudice a ouvert le Festival de Namur l’automne dernier. Il y a énormément de jeunes réalisateurs à qui on a donné leur chance récemment et qui arrivent avec des cinémas très différents. Ils méritent tous d’être regardés attentivement. » Guillaume Senez, multiprimé depuis la présentation de son premier film Keeper à Locarno, abonde dans ce sens : « Le premier livre de Luc Dardenne Au dos de nos images a été l’un de mes livres de chevet. Mais là, je me sens proche d’une génération qui arrive et je suis fier d’en faire partie. On a grandi avec nos courts-métrages et là, on arrive au long. Il y a un élan qui est présent et qui est agréable à porter. » Et Philippe de Pierpont d’enfoncer le clou : « Avant, le cinéma belge c’étaient quelques noms que l’on pouvait citer. Maintenant, ce sont des dizaines de noms et toute une nouvelle génération de gens très talentueux. C’est extraordinaire. » Miracle, artisanat, liberté La volonté n’est pas de renier les pères. Même si certains comme Vania Leturcq (L’année prochaine) affirment : « Je me sens beaucoup plus inspirée par les gens de ma génération avec qui on travaille. » Savina Dellicour, en lice pour les Magritte avec Tous les chats sont gris, elle, assume l’héritage : « Pour moi, Toto le héros est vraiment un film formateur, qui capture vraiment l’essence de ce qui est chouette en Belgique et du genre de films que j’avais envie de faire. » Il y a bien conscience de la voie royale offerte. « On bénéficie d’un regard particulier car les Dardenne ont fait briller le cinéma belge à l’étranger. Ils ont ouvert une voie », dit Antoine Cuypers. Pour Valery Rosier, dont le premier long Parasol, drame à la Ulric Seidl, arrive en salles, « les frères ont permis aux pouvoirs politiques de se rendre compte que le cinéma d’un pays permettait de rayonner à l’étranger. Ils ont mis les bouchées doubles pour créer un cinéma. C’est magique. » À côté de l’héritage, qu’apporte de neuf cette génération ? Elle reste dans une continuité quand elle prononce des mots comme miracle, diversité, artisanat, singularité, forme de liberté et liberté de ton. Mais elle est aussi plus tournée vers le monde. La preuve avec Vanja d’Alcantara, Belge aux origines francophone et flamande. « Mon premier long Beyond the steppes a été tourné au Kazakhstan, avec une équipe parlant russe, polonais, flamand, anglais et français. Le cœur régulier (sortie en salles le 30 mars en France et le 20 avril en Belgique), tourné au Japon avec une équipe et des acteurs français, belges, canadiens et japonais ! C’est ça le cinéma belge ! » La peur de perdre ses libertés Y a-t-il des peurs ? Oui, celle de perdre une liberté de ton et cette faculté de faire sérieusement les choses sans se prendre au sérieux. Mais ce qui attriste le plus Bernard Bellefroid, en lice pour les Magritte avec son deuxième long Melody, c’est d’entendre des jeunes dire que le plus beau compliment est de leur dire « c’est génial, on ne dirait pas un film belge. » « Cela veut dire qu’il y a une image mentale du cinéma belge, peut-être celle d’une fille qui vit en bottes et dort dans une caravane ?! C’est dommage de se limiter à ça. Notre cinéma est beaucoup plus puissant. À nous aussi de susciter la curiosité, de réinvestir dans la télé et asseoir une industrie, soigner les scénarios… » Il ajoute : « Arrêter de ne regarder que du côté de la France et nous inspirer des Flamands. » [scald=639727:sdl_editor_representation] Les jeunes cinéastes francophones espèrent créer des ponts avec la génération montante flamande et avec le monde. Echanges artistiques. Adil El Arbi écrit avec Nabil ben Yadir. Il veut recréer l’ambiance des Barons en Flandre. Après Black en français, il tournera en néerlandais. Car comme dit Vanja d’Alcantara « le cinéma belge n’est pas une catégorie en soi, car son éventail s’élargit de génération en génération. Et c’est justement sa force. » L’infographie sur mobile

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