L’heure de vérité pour la déchéance de nationalité

Oui, c’est du bricolage. Il s’agit de faire entrer l’édredon dans une petite valise ». La formule est signée du patron du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis. Elle résume plutôt bien les laborieux efforts déployés par l’exécutif pour faire enfin voter le projet de « déchéance de nationalité » qui empoisonne la vie politique depuis plus de deux mois et avec lequel l’Elysée s’est lui-même piégé. Nouveau revirement Le texte de la révision constitutionnelle a été présenté ce mercredi en Conseil des ministres pour un examen à l’Assemblée nationale à partir de vendredi et un vote mercredi prochain. Au-delà de la prolongation de trois mois de l’État d’urgence, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll s’est vu refiler la corvée : vendre aux médias et donc à l’opinion la « énième » version d’un texte censé convaincre suffisamment d’élus de gauche comme de droite pour obtenir une majorité de trois cinquièmes nécessaire à son adoption. « La déchéance ne sera plus prononcée par un décret administratif mais elle deviendra une peine complémentaire prononcée par un juge judiciaire », a-t-il souligné, en guise de geste à la gauche. Et d’ajouter : « Ce projet de loi unifie les régimes de la déchéance applicables aux personnes condamnées quelle que soit l’origine de leur appartenance à la nation ». Autrement dit, plus de référence ni aux binationaux, ni à l’apatridie. Le porte-parole du gouvernement a refusé de le dire clairement, même après une séance musclée avec les journalistes. Mais c’est bel et bien un nouveau revirement – encore un !- qu’il a acté. La déchéance devrait bien concerner tous les Français, binationaux ou non. Après la formule prétendument magique trouvée la semaine dernière par Manuel Valls (« La loi fixe les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci », avait-il indiqué quelques heures après la démission de Christiane Taubira), les élus socialistes étaient repartis mardi pour un nouveau tour de manège, découvrant que le mot « apatridie » risquait tout de même de se retrouver dans le texte. Si la simple mention « d’apatridie » était mentionnée, c’est bien que la déchéance ne concernerait de fait que les binationaux… Un « désaccord majeur » Un chat n’y retrouverait plus ses jeunes. Pour un « symbole » qui devait être adressé aux terroristes comme l’avait indiqué François Hollande au congrès de Versailles trois jours après les attentats du 13 novembre, on aurait imaginé plus lisible… Mais là n’est même plus la question depuis que l’opération a viré au sauve-qui-peut. Pour François Hollande, qui a déjà dû se séparer de sa ministre de la Justice à la suite de ce qu’elle a qualifié de « désaccord majeur », il s’agit de ne pas essuyer un nouvel affront. Or non seulement la gauche est pleine d’états d’âme mais la droite elle-même n’est plus sûre de vouloir voter le texte ! Nicolas Sarkozy, le patron des Républicains, avait marqué son accord lorsqu’il avait obtenu de François Hollande une concession : la déchéance ne concernerait pas seulement les crimes mais aussi les délits. Mais voici que François Fillon, qui dispose de nombreux soutiens parlementaires, ne veut plus voter la réforme. Et que d’autres cadors de la droite, comme Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko, embraient. « C’est un débat complètement inutile », lance celle-ci alors que le patron LR du Sénat Gérard Larcher propose qu’on « arrête là ». Sans parler d’Alain Juppé qui multiplie les contorsions… La mesure est toujours plébiscitée par l’opinion. Mais le risque d’un fiasco parlementaire n’est pas écarté. Pour François Hollande, déjà retombé dans les abysses de l’impopularité après son éphémère remontée dans l’opinion après les attentats, ce serait une nouvelle et dangereuse perte de crédit alors qu’une partie de son camp conteste déjà son leadership et réclame une primaire pour désigner le candidat de la gauche à la présidentielle de 2017.

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