Hormones, dopants, bronzants... le danger des injectables illégaux

L’Institut belge de santé Sciensano publie mardi une étude de long terme sur les contrôles qu’il contribue à effectuer sur les préparations injectables vendues sur internet. Ces préparations illégales à base de peptides sont populaires pour, par exemple, atteindre rapidement et facilement un idéal physique ou pour renforcer les aptitudes sociales. Conclusion : ils peuvent présenter un risque grave pour la santé, laisser de lourdes séquelles et même parfois tuer. 1 De quelles substances s’agit-il ? Cette étude a examiné les 10 préparations peptidiques illégales les plus souvent saisies, notamment des produits de dopage illicites, comme la « drogue Barbie » Melanotan II et l’ocytocine, aussi appelée « l’hormone de l’amour ». Le Melanotan est un assemblage de 13 acides aminés qui provoque un bronzage artificiel en mimant les effets de la MSH (Melanocyte Stimulating Hormone), une hormone naturelle qui active les cellules responsables de la pigmentation de la peau, les mélanocytes. Conduites fin 2001 en Australie sur des volontaires, les premières études ont montré que l’injection sous la peau de Melanotan augmentait la quantité de mélanine, la substance responsable de la pigmentation cutanée. Mais l’effet de bronzage semble avoir été modeste, alors que les suspicions sont grandes face à une substance qui mime la MSH, un facteur de croissance épidermique, une hormone qui joue un rôle dans l’immunité locale de la peau. Il existe donc un risque théorique de cancer et de modification du système immunitaire. L’ocytocine, quant à elle, affiche un rôle connu chez les êtres humains, notamment en ce qui concerne la confiance, l’empathie, la générosité et la sexualité. Elle est impliquée dans la reproduction sexuée particulièrement pendant et après la naissance. Elle est libérée en grande quantité après la distension du col de l’utérus et de l’utérus pendant le travail, ce qui facilite la naissance et après stimulation des mamelons, l’allaitement. À la fois la naissance et l’éjection de lait proviennent d’un mécanisme de rétroaction maternelle positive. L’injection d’ocytocine est recommandée lors de la troisième phase de l’accouchement (qui correspond au moment où le bébé est sorti, et il reste à expulser le placenta) pour prévenir les hémorragies de la délivrance, première cause de mortalité maternelle. 2 Qu’ont trouvé les scientifiques ? Ces préparations, de marques populaires (selon des forums en ligne), ont fait l’objet d’une analyse biochimique afin de déterminer, outre la substance active, si des substances nocives entraient dans leur composition. « Il s’est avéré que les préparations contenaient des médicaments ou substances non autorisés, encore souvent en phase de test clinique ou n’y ayant jamais été soumises, étaient mal dosées, contenaient des substances autres que les substances actives supposées, contenaient des éléments toxiques, par exemple le plomb et l’arsenic, et contenaient des bactéries toxiques », explique Céline Vanhee, biochimiste à Sciensano et co-auteur des nombreuses publications scientifiques qui rendent compte des résultats de cette recherche. « Même si cette étude se concentrait uniquement sur certaines préparations, on peut raisonnablement penser que d’autres produits thérapeutiques illégaux ou falsifiés comme l’insuline, le botox, les hormones de croissance ou encore les anticorps utilisés pour le traitement du cancer et des maladies inflammatoires (par exemple, les maladies auto-immunes) pourraient également être concernés », insiste l’experte. 3 La mise en garde « Nous ne pouvons recommander qu’une chose : n’utilisez pas de préparations peptidiques injectables illégales. Quand elles sont utiles, ces substances sont délivrées sur prescription médicale, et doivent donc être délivrées dans une pharmacie de ville ou à l’hôpital, jamais via un site internet, même si celui-ci affiche toutes les apparences du sérieux ou des garanties. Seuls les médicaments vendus sans prescription peuvent être délivrés par des pharmacies en ligne. Celles-ci, pour être légales, doivent dépendre d’une pharmacie physique et doivent être authentifiées par la présence sur leur site du logo de l’Agence fédérale du médicament, qui doit renvoyer à la liste des pharmacies autorisées à ce commerce (www.afmps.be) », explique Céline Vanhee. S’il n’y figure pas, n’achetez pas. 4 La tentation Le docteur Steven Janvier, scientifique chez Sciensano et co-auteur de l’étude, met en garde sur les dangers liés à l’injection de telles préparations peptidiques illégales : « Les préparations peptidiques injectables illégales, qui font souvent l’objet d’une promotion via internet, peuvent être dangereuses. Elles sont souvent présentées comme un moyen idéal pour atteindre rapidement et facilement un idéal physique (davantage de masse musculaire, moins de masse grasse ou encore une peau plus bronzée) ou renforcer les aptitudes sociales (via l’ocytocine, l’hormone de l’amour) ou faire office de médicament thérapeutique efficace, par exemple pour le traitement de blessures musculaires. Les utilisateurs n’ont aucune garantie quant à l’efficacité, la qualité et l’innocuité de ces préparations peptidiques injectables illégales. En effet, l’efficacité et la sécurité de la majorité d’entre elles n’ont pas été testées par des organismes reconnus, et elles ont souvent été produites dans des laboratoires clandestins sans les systèmes de contrôle et de qualité requis. » 5 Quel est le risque ? « Ces produits illégaux peuvent causer de graves problèmes de santé aigus ou chroniques, tels que le cancer, la méningite, la pneumonie, des amputations, etc. Sciensano met donc en garde contre les risques liés à l’utilisation de substances illégales à base de peptides et recommande vivement de ne plus s’en procurer sur les sites internet de pharmacies illégales », souligne Céline Vanhee.

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