L’Intime Festival, c’est le pouvoir extraordinaire des mots

On vend de moins en moins de livre, les gens lisent de moins en moins. On connaît le refrain. Il est seriné à l’envi. On n’y adhère pas vraiment, néanmoins, quand on voit les longues files qui attendent de pouvoir entrer dans le grand théâtre à l’italienne, dans l’amphithéâtre, dans le studio du Théâtre de Namur pour entendre Jackie Berroyer, Valérie Bonneton, Jeanne Dandoy, Claire Bodson et d’autres et écouter des auteurs comme Charly Delwart, Joeroen Olyslaegers, Bérangère Cournut, Simon et Capucine Johannin, Samy Langeraert, Ahmet Altan, Patrick Corillon, Lisa Harding, Yamina Benahmed Daho parler de leur métier d’écrivain. [scald=26829862:sdl_editor_representation] « La littérature aujourd’hui est enfermée dans une culture de souffrance, de mélancolie », lance Gilles Collard, coordinateur pédagogique de l’atelier des écritures contemporaines de La Cambre. « Plus personne ne lit, dit-on. Moi je voulais aller à l’encontre de cette fatalité qui encarcanne un art dans un cadre figé. » C’est lui qui a créé ces ateliers de La Cambre, d’où sont sortis de jeunes auteurs comme Olivier El Khoury et Théo Casciani. La foi en la littérature, les abonnés à l’Intime Festival l’ont, assurément. S’enfermer dans une salle chaude et s’aérer à l’aide d’un éventail plutôt que de siroter un Spritz les pieds dans l’eau, il faut le faire. Quelque 5.000 personnes l’ont choisi, ce week-end. De mémoire de Patrick Colpé, le patron du Théâtre de Namur, on n’avait jamais vu autant de monde. De découverte en découverte « Je ne connais pas ça ailleurs », livre Claire, venue de Liège pour le week-end. « Ce qui est parfait à Namur, c’est la découverte, la voix, une façon de lire. C’est vraiment le coup de maître de Benoît Poelvoorde, ce festival. » « L’Intime », ajoute Nicole, de Bruxelles, « forme un tout, où tous les publics se mélangent, on l’on partage l’écoute, les découvertes, les voix. » [scald=26829861:sdl_editor_representation] Etre suspendu aux lèvres de Valérie Bonneton lisant Fuki-no-tô, d’Aki Shimazaki (Actes Sud), un texte intime où tout à coup elle fait un lapsus très révélateur, quand le livre dit : « Elle a disparu de ma vue » et que l’actrice prononce : « Elle a disparu de ma vie. » Vibrer avec Johan Leysen lisant le ravageur Trouble de Jeroen Olyslaegers (Stock). Trembler avec Mathieu Amalric et le terrible Lambeau de Philippe Lançon (Gallimard). Sentir l’Arctique en écoutant Marianne Denicourt et De pierre et d’os de Bérangère Cournut (Le Tripode)… C’est un bonheur partagé par toute une salle, qui vit chaque fois dans un autre monde, et adore ça. « C’est vraiment l’esprit de l’Intime, confesse l’écrivain français Pascal Herlem , aller de découverte en découverte, de région du monde en région du monde. » « Ce qui est génial dans ce festival », ajoute Clémentine, 18 ans, de Lillois-Witterzee, « c’est que la voix donne une autre dimension aux textes. Quand on les entend lus par les acteurs, ils prennent une intensité différente. Je ne suis par exemple pas fan de littérature japonaise, mais la lecture de Shimazaki par Valérie Bonneton m’a vraiment donné envie de plonger dans cet univers que j’ignore. Et que personne n’ait crainte : ce festival est accessible à tous. Les livres parlent à tout le monde. » Catherine et David, venus de Liège, surenchérissent : « L’Intime, c’est cool, c’est accessible, on se sent très à l’aise, c’est le partage, tous azimuts : la littérature évidemment, mais il y a aussi la BD, le cinéma, le théâtre, les arts plastiques. Et rien n’est une prise de tête. » « Il y a quelque chose de magique dans ce qui se passe quand on lit un texte à haute voix », dit Guillaume Sørensen, un jeune auteur belge dont le premier roman, Le planisphère Libski, vient de paraître (L’Olivier). Et lire l’émotion sur les visages de Lieve Joris et de Donal Ryan à la lecture de leurs textes en français, ce qui était pour eux deux une première, montre à tous le pouvoir extraordinaire des mots. La littérature n’est rien d’autre que cela.

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