Vie féminine: «Décloisonner le civil et le pénal»

Céline Caudron est coordinatrice nationale de l’association Vie féminine. Inscrire le féminicide dans le code pénal, une bonne idée ? On nous pose toujours la question. Pour nous, dans le contexte actuel, ce n’est pas une priorité, juste un gadget. Cela ne changerait pas grand-chose en réalité. Ce qui est important, c’est qu’il y ait une reconnaissance du féminicide en tant que tel : une violence extrême faite aux femmes, le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme dans une société machiste. Un homme qui détruit une femme parce qu’elle est une femme, pour exercer sa domination. Il faut que les gens comprennent. Cela passe par les médias et par la justice. Mais ce n’est pas une affaire de code pénal. Vous dites que cela passe par la justice, mais pas par l’inscription au code pénal. Comment alors ? L’ampleur du travail en justice est phénoménale. Cela passe d’abord par la formation : comment peut-on demander aux juges de trancher s’ils ne savent même pas ce que c’est ? A ce jour, on n’évoque toujours pas les violences faites aux femmes dans les formations des métiers juridiques. Cela passe aussi par la définition des violences conjugales que la Belgique a adoptée (qui comprend les violences psychologiques, sexuelles, économiques, pas seulement physique) mais ne se traduit pas en justice. On continue d’envisager cela comme des coups et blessures avec la circonstance aggravante d’avoir lieu au sein du couple. Ce qui fait que les violences économiques, psychologiques et sexuelles, qui sont pourtant les plus importantes dans les violences conjugales, sont souvent ignorées en justice. Enfin, pour bien traiter, il faut décloisonner civil et pénal. Je m’explique : quand on veut divorcer, décider de la garde des enfants, ça se traite au civil. Pour la garde, en théorie, on doit prendre en compte les violences conjugales. Mais dans les faits, les juges mettent cela de côté car c’est considéré comme une affaire pénale, qui doit se régler dans ce cadre. On a des situations où le juge opte pour une garde alternée. Avec des femmes qui sont obligées de revoir leur agresseur. Alors qu’on sait très bien que les violences se poursuivent après la séparation. En Espagne, on a créé un tribunal spécial pour violences conjugales, qui traite aussi toutes les affaires liées au couple : séparation, divorce, garde des enfants. En Belgique, on n’est pas du tout là. Les seules condamnations qui arrivent jusqu’à la justice sont pour des violences physiques graves et répétées. Cette idée d’inscrire le féminicide dans le code pénal est portée dans des pays où les mouvements féministes sont plus forts qu’en Belgique. Ici, il y a une montagne de choses qu’on doit d’abord changer. Comprenez bien : une inscription dans le code pénal ne serait pas négative, juste… c’est un gadget dans l’état actuel des choses. Pour bien saisir ce qu’on entend par féminicide : est-ce que cela implique aussi de reconnaître le meurtre d’auteurs de violences conjugales comme de la légitime défense ? C’est encore une autre question, celle de la légitime défense face à une violence conjugale. Pour moi, c’est autre chose que le féminicide, mais ça souligne à nouveau qu’il faut que la justice reconnaisse la violence conjugale comme dynamique complexe inscrite dans le long terme, avec des cycles évolutifs. Pour juger correctement des personnes comme Jacqueline Sauvage par exemple, il faut comprendre que ce n’est pas une impulsion mais le fruit d’une vie. Pour l’instant, en cas de violences psychologiques ou économiques, il n’y a rien qui puisse être fait au niveau de la justice ? Il n’y a pas de réponse de la justice pour les violences non physiques : s’il n’y a pas de marque, pas de trace visible… Dans ce contexte, on peut inscrire le féminicide dans le code pénal, cela ne changerait pas grand-chose.

Votre compte

Vie féminine: «Décloisonner le civil et le pénal»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Belgique

L’homme suspecté d’avoir tué une femme et ses deux enfants a été retrouvé mort

Bruxelles: un enfant menacé lors du braquage d’une pharmacie

Plan de relance européen: moins d’argent pour les bâtiments scolaires?

Un homme, suspecté d’avoir tué sa femme et ses deux enfants, recherché par la police

La Belgique a perdu 320.000 bovins depuis 2016

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

USA: l’intrusion du ballon chinois était préméditée

Nucléaire: changer ou ne pas changer la loi, nouveau débat dans la Vivaldi

Alexander De Croo tacle Paul Magnette: «Le PS a tous les leviers en main pour faire quelque chose»

Vortex polaire: de l’air arctique pétrifie les habitants du Canada et des Etats-Unis

Guerre en Ukraine: de plus en plus isolée, Bakhmout est encerclée par l’armée russe

L’homme suspecté d’avoir tué une femme et ses deux enfants a été retrouvé mort

30 années au service d’une passion : le métier d’infirmière

Des soins intensifs polyvalents et à la pointe des technologies

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel