«Vous ne vous imaginez pas le pouvoir de lobbying des opérateurs privés…»

En quoi votre éthique est-elle différente du privé ? Un jeu de hasard reste un jeu de hasard… Des jeux de Loterie sont, par nature, beaucoup moins addictifs qu’un jeu de casino online ou des paris sportifs. À la Loterie, quand tu donnes 5 euros pour un ticket d’Euromillions, la probabilité de remporter les 126 millions est toute petite. Mais c’est 5 euros que tu peux te permettre de perdre. Le modèle de nos collègues du privé est différent. Ils ont de temps en temps un pay-out proche des 100 % (soit le pourcentage de chance de récupérer sa mise, NDLR). Mais à la fin de la nuit, devant ton PC sans modérateur, tu vas perdre plus de 5 euros. Et tu vas rester avec une addiction au jeu. Chez nous, il n’y a aucun moyen de dépasser nos modérateurs. L’identification est à 100 % fiable. On a des systèmes qui vont t’avertir que tu es déjà en train de jouer depuis autant de temps. Notre modèle est différent. Des joueurs à haute fréquence et gros montants, on n’en veut pas. L’objectif devrait être de diriger la population vers les produits les moins dangereux ! Ces jeux en ligne qui redistribuent près de 100 % des mises ne favorisent-ils pas le blanchiment ? Quand tu peux participer à un jeu avec la garantie d’un pay-out de 95 % (c’est le cas de certains jeux de casino en ligne, NDLR), puis que tu peux enregistrer ces gains avec une attestation officielle, il faut être idiot pour participer à une régularisation fiscale. Pourquoi n’a-t-on pas dupliqué le modèle d’un monopole d’Etat aux nouveaux jeux en ligne, et aux paris sportifs ? En Norvège, la Loterie nationale a un monopole sur les jeux de paris sportifs, les machines à sous dans les cafés, la Loterie. Ils font tout. En Finlande, ils ont également renationalisé tout le secteur. Et les pays nordiques sont souvent cités comme exemple. En France, la Française des jeux a également le monopole sur tous les paris sportifs. Et les jeux de casino en ligne sont interdits. Ce modèle est-il meilleur ? Bien sûr que oui. Je n’ai pas peur de la concurrence, vraiment pas. Mais la Belgique a dérapé sur le volume de l’offre et la régulation du secteur. Un pays qui mise sur le développement des jeux de hasard pour son développement économique se trompe complètement dans sa politique économique. Les effets négatifs pour la société sont bien plus grands que les effets positifs. Pourquoi la Belgique a-t-elle ouvert à ce point la porte aux opérateurs privés ? Vous ne vous imaginez pas le pouvoir de lobbying des opérateurs de l’époque… Mais dans d’autres pays, ce lobbying n’a pas fonctionné… C’est vrai. Pourquoi ? Ça, je ne sais pas. Je me pose la même question presque chaque jour. On entend souvent qu’on a ouvert le marché pour contrer le développent de sites illégaux. Cet argument est faux. Il y a un rapport de la Commission européenne qui montre bien que dans les autres pays, comme en France, on bloque simplement les sites illégaux et les paiements vers ces sites, et les choses sont réglées. Le raisonnement qui veut qu’on accepte tout et n’importe quoi dans le secteur régulé, par crainte d’avoir des illégaux, ne tient absolument pas la route. Quand l’offre régulée est attractive et correcte pour la population, elle ne fera pas appel à des illégaux. Sauf à la marge. Votre mandat se termine en novembre, vous souhaiteriez prolonger ? Je suis très fier d’avoir été capable de diriger une entreprise dans un tel contexte. Avec une croissance modeste chaque année, grâce à une stratégie que j’ai pu introduire. Tout cela sans jamais toucher à notre raison d’être : une offre responsable pour la population. Donc vous êtes prêts à rempiler ? Si on m’en offre la possibilité, oui.

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