Qualifications pour l’Euro 2020: le Kosovo, c’est du sérieux

La victoire face à la République tchèque (de 0-1 à 2-1) a donné un sens à l’invincibilité du Kosovo (dernière défaite en Islande, 2-0, le 9 octobre 2017) : la sélection du Suisse Bernard Challandes (9 victoires, 5 partages, 0 défaite sous sa houlette) a désormais plus un pied dans l’Euro 2020 qu’en dehors. À travers la 2e place du groupe ou encore par le biais des playoffs de la Ligue des Nations. Entre-temps, le Kosovo joue ce mardi soir la première place du groupe A en Angleterre. Bersant Celina (23 ans, milieu offensif, Swansea City) incarne bien le phénomène kosovar. Autant par sa rapide progression dans le concert footballistique européen que dans la complexité de l’identité footballistique du joueur kosovar. En septembre 2015, Celina avait déjà affronté l’Angleterre de Gareth Southgate. C’était dans le cadre d’une rencontre de U21, mais pas avec l’équipe nationale du Kovoso, à peine reconnue par la FIFA, mais bien avec les Espoirs de la Norvège où il avait abouti à deux ans… Le temps vole en football : l’Angleterre de Southgate (les « A » cette fois) est devenue « la meilleure équipe du monde » -dixit le Neuchâtelois Bernard Challandes, à la tête du Kosovo depuis mars 2018- et Celina et ses partenaires ont accéléré le processus de reconnaissance de leur pays à la vitesse grand « V » – « Je joue donc j’existe » en quelque sorte. Bien plus vite en tout cas que la diplomatie : la souveraineté de ce minuscule (10.000 km2) État, indépendant depuis 2008, est loin de susciter l’unanimité au sein des Nations unies, notamment dans le camp des alliés de la Serbie, en guerre contre les Albanais du Kosovo de mars 1998 à juin 1999. Que le Kosovo prenne part au premier Euro itinérant épouserait bien son histoire où la diaspora est supérieure à la population locale. Emporté par cette dispersion, Celina aurait pu suivre la filière norvégienne ou encore opter pour l’Albanie, mais il a rapidement choisi le Kosovo, en devenant, au passage, le plus jeune sélectionné la veille de ces 18 ans… L’histoire de Celina, c’est aussi celle, encore plus polyethnique, plus sang-mêlé, du Diable rouge Adnan Januzaj (24 ans) qui aurait pu encore opter pour le Kosovo, après avoir délaissé l’Albanie, la Croatie, l’Angleterre et la Serbie -aux ressortissants majoritaires dans le nord du Kosovo- au profit de la Belgique en 2014. Roberto Martinez l’a définitivement blindé en lui donnant du temps de jeu à la Coupe du monde. « UNE IDEE FOLLE » Toutefois, le Kosovo, ce n’est pas qu’un nœud politique -le Monténégro avait refusé dans un premier temps de l’affronter en juin dernier, ce qui avait coûté son poste au sélectionneur serbe –, mais aussi une trame difficile à défaire sur un terrain pour ses adversaires. Joueuse, à l’image du footballeur kosovar, entre les lignes de son 4-2-3-1, la sélection a aussi montré une solide résilience samedi après-midi dans son petit stade de Pristina (13.000 places) quand les Tchèques ont chassé de tous leurs muscles l’égalisation. « Les noms, la tactique n’ont pas d’importance. C’est la mentalité qui compte. Qu’on se laisse guider par une idée folle », a martelé, hier, le quasi-septuagénaire Challandes dans un anglais tout en onomatopées… Une idée folle. Comme celle qu’a eue le défunt père de cette équipe nationale : Fadil Vokrri, le seul joueur d’origine kosovare à avoir joué pour la Yougoslavie, décédé inopinément à l’âge de 57 ans en juin 2018. Buté, Vokrri a mis la charrue (la reconnaissance de l’équipe nationale) avant les bœufs (la légitimation de l’état). Et le Kosovo a creusé son sillon, même si c’est la charrue qui tire les bœufs en l’occurrence. Cette idée folle, Vokrri l’a eue un soir de 2012. Un soir de Suisse-Albanie. « 30 % des joueurs étaient kosovars ! » L’ironie a voulu que ce soit précisément un Suisse, Challandes déjà cité, qui se retrouve à gérer cette délicate question des bi- ou trinationaux. Les Kosovars courent partout : en Norvège, en Suède, en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Turquie… Nomade de la Ligue suisse et ancien de l’ASF, la fédération suisse -dont il perçoit une pension –, Challandes passerait presque pour un voleur en Suisse ; et les jeunes Kosovars réticents à rejoindre la sélection du pays de leurs parents pour des traîtres. « On ne harcèle pas les internationaux potentiels, on leur manifeste juste notre intérêt. Après, le joueur fait son choix. Et qu’on ne mélange pas tout, même si la question de l’identité nationale est très délicate dans un pays jeune et tourmenté comme le Kosovo, l’argument est sportif avant tout. Personnellement, entre la Suisse (11e au ranking FIFA) et le Kosovo (120e), je choisirais la Suisse, sauf si je n’ai aucune chance de jouer avec la Nati… Mais même comme ça, j’ai une sélection qui tient la route ! »

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