«Une université unifiée bruxelloise serait plus efficace»

Caroline Pauwels et Yvon Englert ont fait de la collaboration entre leurs universités l’une des priorités de leur mandat. Y.E. La confrontation des cultures, des modèles, des priorités, des structures permet d’avancer. C.P. On s’est aussi trouvés personnellement sur cette voie. Le clash des idées est enrichissant, pour l’institution et à titre personnel. Sans glorifier… Y.P. Dire que ça nous a permis d’avancer mieux que si on avait été seuls, ce n’est pas dire que tout est rose. Mais les difficultés, c’est quelque chose d’important, ça incite à la créativité. Après l’avoir expérimentée, nous sommes convaincus que la collaboration est la bonne voie pour nos universités. Si le paysage institutionnel le permettait, vous auriez envie de redevenir une seule université ? Y.E. Une université unifiée bruxelloise de 50.000 étudiants, ce serait plus efficace à tous niveaux. Mais les hommes politiques ont œuvré depuis trente ans pour que ce ne soit pas possible. Aujourd’hui, c’est donc inimaginable. Vous avez exploré la piste ? Y.E. Moi, oui. On en avait discuté, Caroline était plus dubitative que moi. Mais, de toute façon, la compétence constitutionnelle donnée aux Communautés, additionnée à l’évolution de ces dernières décennies, qui a vu les deux systèmes s’éloigner l’un de l’autre, font que ce n’est pas envisageable. Si c’était possible, on ne refusionnerait pas, on inventerait un nouveau modèle. On a plusieurs fois eu ce sentiment que ce qu’on fait ensemble n’est jamais une nostalgie du passé. Il y a eu une étape qui était sans doute nécessaire, surtout du côté néerlandophone, pour acquérir une identité, une place et une reconnaissance culturelles, sur le même pied. Aujourd’hui, elle est acquise et les enjeux sont ailleurs : à l’international, à la nécessité de trouver des ressources, des cerveaux. Dans une série de domaines, on voit que le fait de travailler ensemble est une force. on travaille ensemble pour l’intelligence artificielle, le big data, l’urbanisme… C.P. C’est vrai que j’étais plus dubitative. Tout ce qu’on a réalisé ensemble démontre les possibilités d’un fédéralisme de coopération, qui n’est pas encore vraiment exploité. Il faut être prêt pour des structures nouvelles et surtout éviter le retour en arrière. La dynamique flamande est importante, elle a apporté beaucoup de bienfaits. C’est à partir de l’égalité qu’il faut travailler. Les structures d’aujourd’hui ne suffisent plus pour une université européenne qui subit la concurrence d’institutions asiatiques, par exemple. Nous sommes chacun dans une alliance européenne, nous avons fait le choix de ne pas aller dans la même, pour ensuite fédérer nos alliances. Vous portez un projet d’écoles multilingues… Recalé par les négociateurs de l’accord gouvernemental bruxellois : Défi a mis son veto, craignant que ce soit l’amorce d’une régionalisation de l’enseignement… C.P. Mais l’accord de majorité à la Fédération Wallonie-Bruxelles prévoit le soutien d’écoles bilingues en Wallonie et à Bruxelles. Y.E. Et, à Bruxelles, ils s’engagent à soutenir le multilinguisme, il y a même un ministre du multilinguisme… Vous gardez l’espoir d’ouvrir une école multilingue, à Bruxelles, sous cette législature ? Y.E. C’est clairement notre objectif. Ce qui est important c’est de montrer que ça marche et puis on se posera la question de savoir où on l’inscrit dans le système. Ni Caroline ni moi ne voulons jouer dans un conflit institutionnel. On veut trouver les moyens financiers de démarrer, avec les partenaires qui trouvent que c’est important. On peut passer par une étape d’expérimentation. Ce qui pourrait permettre la contribution d’entités à une structure qui ne correspond pas obligatoirement entièrement aux règles d’aujourd’hui pour autant qu’il y ait un accord de reconnaissance des diplômes. C.P. Il y a trois pistes possibles : la collaboration entre des écoles flamandes et francophones sur Bruxelles, il faut voir comment localement l’organiser, sur un même site. On peut travailler avec la Ville de Bruxelles. Et il y a la piste des écoles européennes. Je pense que les esprits sont mûrs. Y.E. Il y a beaucoup de réticences qui peuvent être liées à des arrière-pensées politiques. A nous de créer une dynamique qui montre qu’on est en dehors de ce jeu-là. Imaginer que nous pourrions forcer la régionalisation de l’enseignement à travers les écoles multilingues, c’est leur donner beaucoup de pouvoir, ça veut dire que c’est un projet qui a une force. Un projet symbole de votre inscription dans la ville ? Y.E. On a été frappés, ces dernières années, par la dynamique qui s’est installée avec la ville, on a eu un écho et un intérêt, on a interagi de manière exceptionnelle. Avec une série de projets concrets. Et une perception qu’on peut apporter des choses aux problématiques bruxelloises. Et puis, deux grandes universités bruxelloises qui travaillent ensemble, c’est très confortable pour tous nos partenaires institutionnels.

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