Ecolo: les leçons du passé, pour éviter le ressac

A Ecolo, les années sont porteuses de bons ou mauvais augures : 1999, 2009, 2019 résonnent comme autant de succès, suivis deux fois sur trois par de douloureux reculs électoraux ponctuant des participations gouvernementales. Les verts espèrent donc vaincre le signe indien dans cinq ans. Le nouveau duo de coprésidents pourra, pour cela, s’appuyer sur l’expérience d’anciens dirigeants du parti. A notre demande, ils se sont livrés à un exercice critique sur les erreurs à ne plus commettre ou les bonnes pratiques à préserver pour éviter un ressac en 2024. 1 L’ancrage communal « D’abord, il faut constater que les écologistes ne pâtissent pas des participations communales mais bien des autres participations », fait remarquer Olivier Deleuze, coprésident entre 2012 et 2015 et actuel bourgmestre de Watermael-Boitsfort. « Parce que dans les communes, vous êtes obligés d’être en contact avec la population et vous savez ce qu’elle vit. Vous avez donc la possibilité d’adapter vos positions. » Cet ancrage, désormais plus large et plus profond que par le passé, peut également servir en interne, estime Emily Hoyos, qui coprésida également le parti entre 2012 et 2015 : « L’apprentissage du compromis qui fait avancer a grandi avec nos participations communales », constate-t-elle. « Et il doit éclairer nos participations dans les gouvernements. » Car il finit par souder les partenaires de coalition. 2 La confiance Or ce ciment est essentiel. « La chose la plus importante est de construire la confiance avec les membres du gouvernement », estime Emily Hoyos. « Il faut que nos partenaires aient envie de réaliser leurs priorités avec nous ». « On ne convainc pas les autres en pensant qu’on a raison mais en étant capable d’établir des relations de confiance avec eux », complète Isabelle Durant, secrétaire fédérale (1994-1999) et coprésidente (2007-2009). [scald=26981704:sdl_editor_representation] « Vous êtes obligé de faire du win/win avec vos partenaires », insiste Evelyne Huytebroeck, secrétaire fédérale de 2002 à 2004. « Si vous essayez de gagner par rapport aux autres, cela ne fonctionne pas longtemps. Et la population n’aime pas que l’on ne joue pas en équipe. » Cette confiance n’a pas toujours existé par le passé : « En 2009, Ecolo énervait déjà tout le monde », se souvient Emily Hoyos, qui présidait alors le parlement wallon. « L’Olivier était porteur de beaucoup d’espoirs au moment de son installation. Mais ses fruits furent surtout ceux de la discorde entre partenaires. Ecolo était, comme aujourd’hui, le parti au détriment duquel ses partenaires pouvaient espérer se “refaire” électoralement. Mais il y avait aussi cette image que le parti dégageait, reconnaissent certains anciens responsables verts. Arrivé au pouvoir dans la foulée de scandales – la dioxine en 1999, la gouvernance en 2009 –, Ecolo leur est souvent apparu comme “un donneur de leçon”. Ce qui l’a très vite transformé “en parti à abattre” », se rappelle Emily Hoyos. 3 L’essentiel Ce sens du collectif ne doit pas empêcher les ministres verts de se montrer fermes sur certains points, insistent plusieurs anciens dirigeants. « Il faut un point d’équilibre entre consensus et fermeté », résume Evelyne Huytebroeck, ancienne ministre bruxelloise des gouvernements Picqué (2004-2014). « Il faut avoir des priorités sur lesquelles on avance et on communique. » Sans se disperser. « En 1999, on voulait gagner sur tout », se souvient Isabelle Durant. « Dans nos compétences mais aussi dans celles de nos partenaires. » [scald=26981706:sdl_editor_representation] « Prenez la F1 », ajoute Olivier Deleuze, alors au gouvernement fédéral. « On pensait que c’était bien de faire ch… Bernie Ecclestone. On s’est trompés et on n’a pas vu qu’on se rendait impopulaires en voulant devancer l’interdiction européenne de la publicité pour le tabac. Il faut éviter de s’attaquer à des tabous périphériques. » « Et la manière de communiquer sur nos réalisations est importante », complète Isabelle Durant, par deux fois à la direction du parti. « En 1999, nous n’avons cessé de nous tirer une balle dans le pied, donnant l’impression de ne jamais être satisfaits. » Un domaine sur lequel, insiste-t-elle, Ecolo a beaucoup progressé. 4 La patience « Nous avons la conviction que les problèmes planétaires sont importants », constate Olivier Deleuze, ancien secrétaire d’Etat à l’Energie de Guy Verhofstadt. « Nous constatons alors l’écart entre ce qu’il faudrait faire et ce qui est possible. Et ça nous rend impatients. Or l’impatience, ça fait peur. » Et quand ça coince, il ne faut pas partir, ajoute-t-il en connaissance de cause, car la Belgique reste une terre de compromis. « Or aujourd’hui, comme il y a urgence, le risque existe qu’Ecolo arrive pressé au gouvernement », s’inquiète Emily Hoyos. Car à ses yeux, un projet durable ne peut se construire qu’avec les citoyens. « On a parfois donné l’impression de vouloir aller trop vite. Et largué les gens qui auraient pu nous soutenir. » « Et puis, le profil de l’intransigeance n’est jamais bon », ponctue Evelyne Huytebroeck. « Il faut éviter d’apparaître comme arrogants et donneurs de leçon. » « Nos ministres vont devoir faire preuve de pédagogie », insiste Philippe Defeyt, secrétaire fédéral de 1999 à 2003. [scald=26981705:sdl_editor_representation] « Dans quelle mesure une victoire ou une défaite dépend de ce que vous faites au gouvernement ? Il faut relativiser ce lien », nuance Evelyne Huytebroeck. « Il y a un grand nombre de choses qui interviennent quand les gens vont voter et vous avez peu de prise sur cela. » Olivier Deleuze insiste néanmoins : « Il ne faudrait pas qu’Ecolo soit le parti de quand il fait soleil, appelé au gouvernement en période de croissance. Car même quand l’économie ralentit, la solution, c’est la transition, le durable. Mais la sociologie et les modes de raisonnement sont en train de changer. » « Et le temps joue malheureusement en faveur des thèses que nous défendons », constate Philippe Defeyt. « Et sur d’autres sujets comme la gouvernance, notre avantage, c’est l’opinion. »

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