«Nos carillons wallons ne sont plus à niveau»

Si le savoir-faire des carillonneurs n’est plus menacé de disparition et se transmet désormais de génération en génération, il reste un point noir que souligne l’Association campanaire wallonne (ACW) : les carillons wallons sont dans un triste état, et il est bien difficile de faire comprendre à leurs propriétaires, autorités civiles ou religieuses, qu’il faut remettre ces instruments à niveau, sous peine d’obsolescence. De quoi parle-t-on ? « Les cloches s’altèrent très peu », note le président de l’ACW Serge Joris, carillonneur à Gembloux. « C’est du métal, c’est costaud. » C’est le carillon lui-même qui pose problème, à savoir le clavier, le pédalier mais aussi ce qui échappe à l’œil du profane : les tringles, les fils qui montent aux cloches, les ressorts de rappel, les contrepoids. « La majorité des claviers de Wallonie datent des années 70 ou 80. Ces claviers sont souvent en bois et les standards ont fort évolué vers plus de souplesse de jeu. On a tous l’image du carillonneur en petite chemise avec de gros poings pour frapper le clavier, mais on n’en est plus là ! Près de la moitié des carillonneurs sont des dames, qui jouent avec finesse à condition d’avoir un clavier qui soit au goût du jour. Les enfoncements de touches ne correspondent plus nécessairement aux normes. » En pratique, cela signifie que, dès qu’on touche le clavier ou le pédalier, il doit (au mieux) être réglé, (au pire) être adapté pour produire sans flottement l’effet mécanique qui produira le son, ce qui permet par exemple, en faisant osciller un bâton du clavier, de produire un trémolo de cloche. Autre problème : la distance entre clavier et pédalier. La taille moyenne des carillonneurs a changé. Ont également changé les normes d’écartement des touches entre elles, et des pédales entre elles. Ce n’est qu’un exemple, mais en festival, le carillonneur d’Ath Jean-Claude Molle est ainsi désolé de devoir présenter le clavier ancien à un carillonneur malvoyant qui peinera à trouver ses repères. Ce serait un détail si la Belgique n’était le berceau mondial du carillon, un lieu où viennent s’exercer les meilleurs musiciens du monde. Puis, il y a le plat de résistance : fils, tringleries, ressorts et contrepoids. « Il y a toute une tringlerie à entretenir », explique Jean-Claude Molle. Lorsque je suis arrivé à Ath en 1963, les fils de laiton du XVIIIe siècle n’existaient plus, les fils et crochets étaient en fer, tout rouillés. Puis nous avons utilisé du fer galvanisé, à présent de l’inox, mais malgré cela, en fonction des variations de température, le matériel casse. » Il nous montre un fil brisé, qu’il faudrait réparer. « Tout cela veut dire qu’il faut mettre de l’argent sur la table », note Serge Joris. « Aujourd’hui, les standards techniques actuels ne sont pas atteints sur le territoire wallon par manque de moyens financiers. » Un patrimoine à protéger L’Unesco protège la culture du carillon belge dans sa dimension immatérielle, et c’est la Fédération Wallonie-Bruxelles qui est à cet égard compétente. Mais lorsqu’il s’agit d’immeubles (ou, dans le cas des carillons, d’immeubles par destination), c’est la Wallonie qui est compétente pour les maintenances ou réparations. C’est alors l’Agence wallonne du patrimoine (Awap) qui intervient. Le premier mode d’intervention concerne de petits gestes de conservation ou restauration, subsidiés par le biais du Petit patrimoine populaire wallon (PPPW), nous explique Philippe Buxant, attaché à ce programme de l’Awap. Même des carillons privés peuvent être ainsi subsidiés, mais à hauteur de 7.500 euros maximum. De plus, leur modernisation est exclue des subsides. Une chance : beaucoup de carillons sont intégrés à des immeubles classés et, « par assimilation », peuvent bénéficier d’une intervention pour leur conservation ou leur restauration comme s’ils étaient eux-mêmes classés. Mais, à nouveau, la modernisation ne semble pas subventionnable. En outre, explique Philippe Buxant, le classement du carillon n’est pas systématique : « Certains arrêtés de classement, rares, mentionnent que le carillon qu’ils abritent est aussi classé. » C’est le cas de Tournai. D’autres carillons sont classés par assimilation (c’est le cas de celui de l’église Saint-Barthélémy à Liège, ou du carillon automatique de l’hôtel de ville de Huy). Par contre, « le carillon de la collégiale de Soignies n’est pas classé, pas plus que celui de la collégiale de Dinant car il s’agit d’un nouvel élément installé après le classement ». Vrai : le financement de la remise à niveau de nos carillons wallons est un défi.

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