A Wimbledon, faire la queue est une expérience à vivre… dans le respect du règlement!

Il fait nuit noire sur Wimbledon. Le moment choisi par les… renards qui rôdent dans le coin par dizaines pour s’en aller faire la tournée des poubelles ! A l’affût du moindre morceau de « sausage » ou de la plus petite couenne de bacon, ils se font un plaisir de traîner les sacs éventrés jusqu’au milieu des rues, donnant à celles-ci un visage si peu conforme à ce que l’on a pu voir dans l’enceinte du All England Club depuis le début du tournoi… Mais il n’y a pas que les renards qui sillonnent les rues de ce quartier paisible de l’ouest londonien à cette heure indue. Jaillis d’on ne sait où, en couples, seuls ou en groupes, quelques « zombies » se présentent aux grilles du parking nº10. Et surtout, à la queue de la « queue ». Cette file d’attente quotidienne, c’est une institution à Wimbledon. Le seul tournoi du Grand Chelem qui offre à tout un chacun la possibilité d’acquérir un ticket pour un court majeur le matin même de chaque match. Mais à une condition : faire la queue. Et pas n’importe comment. C’est bien simple : un fascicule de… 24 pages est remis à chaque candidat qui en fera la demande. Il aura la nuit pour s’en imprégner. Car la queue se commence très tôt, ou parfois plus tard donc, pour entrer dans sa phase « active » à l’aube. « En soirée, c’est toujours sympa, surtout si le beau temps est de la partie bien sûr, nous confie George, un habitué des lieux. En principe, une fois que vous vous êtes présenté pour faire la queue, vous ne pouvez plus la quitter. On vous a donné un numéro, et c’est celui-là qui va vous accompagner jusqu’au guichet d’achat, mais aussi vous donner une idée des chances réelles que vous aurez de décrocher ou non un précieux sésame. » Il y a généralement 8.000 places mises en vente de la sorte : quelques centaines sur les courts principaux, et le reste en accès général, ce qui donne droit aux plus petits courts qui proposent souvent de belles rencontres aussi. Ou alors vous permettent, pourquoi pas, de profiter de la moindre occasion d’entrer quand même sur le Central, comme samedi dernier, quand les derniers trainards ont soudain été invités, vers 21h30, à accéder gracieusement au Central pour y assister à la fin du match tragi-comique entre Gilles Simon et Gaël Monfils. « De toute façon, on se fout un peu de savoir où on va avoir accès, poursuit George. Le tout c’est d’entrer, d’être là, de vivre cette quinzaine exceptionnelle “intra muros”. Et puis le soir, l’ambiance est sympa dans la queue. Moyennant un petit signe de connivence avec vos voisins immédiats, rien ne vous empêche d’aller chercher à manger, par exemple. D’autres ont déjà expérimenté la livraison de pizza. Très facile : vous donnez votre numéro de queue lors de la commande, et le livreur n’a aucune peine à vous trouver ! » Pas question, en revanche, de faire la queue à la place de quelqu’un d’autre par exemple. Nous aurions voulu en faire l’expérience, mais un « honorary steward » nous a bien fait comprendre que cela n’était pas permis. Et énoncé avec la fermeté toute britannique qui accompagne ce genre de principe, nous avons compris que c’était non-négociable ! Nous avons alors quitté le camp endormi, chacun ayant planté sa tente qui sera dûment démontée à 5 heures du matin, peu avant l’arrivée du premier métro à la station toute proche de Southfield. « C’est impressionnant de voir les gens courir en masse pour vite intégrer la queue, tout en sachant qu’à cette heure-là, ils n’auront rien d’autre qu’un accès général… » Mais ils vivront le tournoi de l’intérieur, et ça, ça n’a pas de prix…

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