Vincent Debaty sur la Coupe du monde de rugby: «Le XV de France reste un outsider»

Vincent, en France on vous reconnaît dans la rue, on vous demande des selfies alors qu’en Belgique vous pouvez faire vos courses sans être dérangé ou presque. Ça ne fait pas bizarre ce relatif anonymat dans votre propre pays ? Bah, cet anonymat ne me dérange pas. Le rugby reste un sport assez confidentiel en Belgique. Et même en France, ça reste très sympa et assez confortable, je suis reconnu par les connaisseurs ! Peut-on dire que vous et le rugby, ça a commencé… par hasard ? Complètement ! A une brocante, des gars du Kituro (NDLR : club de Schaerbeek) ont aperçu mon petit frère, qui faisait déjà plus d’1m80 à 13 ans. Ils lui ont dit : « Allez viens jouer, tu vas voir le rugby c’est super ». Mais il faisait du foot à l’époque et il leur a répondu qu’il avait un grand frère de 15 ans vachement costaud, c’était moi. Et après, votre carrière, le monde « pro »… Avec le Kituro, on faisait un stage découverte à l’étranger chaque année, et cet été-là c’était à La Rochelle. Lors d’un des matches, on a pris une veste 112 à 12 mais j’ai marqué deux essais dans le match, je m’en suis pas trop mal tiré. J’étais jeune, ils ont voulu me revoir et eux ont vraiment détecté que j’avais les moyens d’aller jouer à haut niveau, j’ai passé les tests puis signé mon premier contrat, c’est allé très vite ! Je me suis dit « pourquoi pas moi ? ». J’ai toujours donné le meilleur, cherché à progresser et au final vous voyez ce que ça a donné (sourire). Vous avez commencé par avoir de grosses satisfactions en club, en passant aussi par Agen et Perpignan mais surtout avec Clermont-Ferrand, une des meilleures équipes d’Europe à cette période. Quels souvenirs en gardez-vous ? J’y ai gagné deux titres de Top 14 (championnat de France), dont le tout premier du club… Quand tu vois 120.000 personnes sur la Place de Jaude (NDLR : la ville compte… 150.000 habitants), tu comprends vite que tu vis un truc anormal ! Je me souviens aussi de matches gagnés au forceps et même les finales perdues restent des souvenirs inoubliables, même si j’aurais préféré les gagner évidemment ! On a l’habitude de voir les footballeurs pros en vacances à Dubaï ou Miami, faire des selfies, etc. C’est pas trop le cas des rugbymen la vie de star ? On a la chance d’avoir une super vie et de vivre de notre passion c’est déjà pas mal, non ? En plus, on n’a pas trop à subir le star-system, la notoriété parfois pesante, c’est très bien comme ça. Pour moi, les paillettes non merci, mais je ne critique pas, chacun sa vie et pourquoi pas si certains aiment ça ? Moi, je suis quelqu’un de simple et quand c’est arrivé parfois je me suis toujours dit que ça n’était pas ça ma vraie vie et que ça ne durerait pas. Est-ce que le Mondial était devenu un objectif dans votre carrière ? Après une première sélection en 2006, vous attendez 2012 pour les suivantes… On se réveille un matin en disant « je veux jouer la Coupe du monde » ? Voilà. En 2012, je reviens en sélection après plusieurs années et je joue le Tournoi des Six Nations. Là, je me dis que c’est possible, alors j’en ai fait un objectif personnel. Au début, ce sont les journalistes qui vous en parlent, puis vous y croyez vous aussi… le rêve n’est jamais trop grand ! On a joué cette Coupe du monde en Angleterre, le pays qui a inventé le rugby, c’était très bien organisé. Même en poules, les stades étaient combles, ça mettait vraiment une ambiance incroyable ! Vous avez dû en prendre plein les yeux… La compétition, une fois que tu es dedans ça va tellement vite… Pas le temps de lever le nez. Le dernier match contre la Nouvelle-Zélande en quart de finale se termine douloureusement (défaite 62-13), mais j’avais quand même bien conscience que c’était mon dernier match en bleu, alors forcément ça reste gravé. Vous êtes arrivé sur le tard en rugby et au plus haut niveau, vous n’avez aucun regret sur votre carrière ? Non aucun regret parce que j’ai eu la chance de jouer dans des clubs qui me correspondaient bien, qui me ressemblaient au niveau des valeurs. Avec un état d’esprit axé sur le travail, sur le jeu… Et puis quand même ce fut très réussi au niveau sportif, du palmarès, des équipes, je suis heureux et fier de mon parcours, quand je regarde en arrière. Vous ne regrettez pas de ne jamais avoir joué avec votre frère Christophe (ancien joueur du RFC Liège Rugby) en équipe nationale belge ? Eh bien non, pas trop. Car, même si ça aurait été chouette, je n’aurais pas eu ma carrière en équipe de France, pas de Coupe du monde non plus… Mais récemment, j’ai fait le rapprochement avec Guillaume Ajac (NDLR : entraîneur français de l’équipe nationale belge) pour intervenir en Belgique, boucler la boucle entre guillemets, reprendre et transmettre là où tout a commencé… À propos des Diables noirs, pensez-vous qu’il soit possible de les voir disputer une Coupe du monde, à court ou moyen terme ? Pourquoi pas ? Mon souhait c’est d’apporter des choses à cette équipe. Mais oui j’espère que c’est possible ! Pour ça, il faudra exporter des joueurs vers le monde professionnel, ça demandera beaucoup de travail, etc. Mais ça me semble atteignable dans le futur. On peut rêver grand ! Passons à cette Coupe du monde 2019. On disait la XV de France dos au mur lors de son match d’ouverture contre l’Argentine… Les Bleus ont vraiment sorti une grosse perf ! C’est une équipe qui progresse mais reste dans le doute après tout ce qu’ils ont vécu (NDLR : un changement de coach fin 2017 et un début d’année 2019 raté). Pour avoir joué et mené comme ça, on voit qu’ils sont dans le vrai, mais au moindre coup de moins bien ça peut déraper, c’est le propre des équipes en construction et qui parfois doutent d’elles-mêmes. Que pensez-vous des favoris : Nouvelle-Zélande, Angleterre, Afrique du Sud voire… d’autres ? Les favoris sont à leur niveau, on voit qu’ils ont tous fait une bonne préparation, ces équipes sont physiquement prêtes et sûres de leurs forces. On a bien vu l’Angleterre tout en maîtrise et qui connaît super bien son fonds de jeu, les All Blacks ont cette faculté d’accélération unique, même quand ils sont dominés, l’Afrique du Sud est incroyablement en place physiquement et très impressionnante… Et pour moi la France reste un outsider de choix, c’est vraiment l’équipe dont on se dit « on ne sait jamais » !

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