Les exploits du Leader, le Dr. No de Michel Vaillant

Le Leader est né dans l’album Mach 1 pour Steve Warson, en 1967. Raymond Leblanc, patron des éditions du Lombard et fondateur du journal Tintin, avait suggéré à Jean Graton, le créateur de Michel Vaillant, de lui trouver un véritable ennemi dans le but de conquérir de nouveaux lecteurs. A l’époque, James Bond triomphait sur les écrans des méchants Dr. No, Blofeld ou Goldfinger. Jean Graton a imaginé le Leader, un mythomane dont l’objectif serait de devenir le maître du monde de l’automobile. Pour sa toute première apparition, il dévoile un visage énigmatique, allume une cigarette frappée à son logo, et prévient son invité, le pilote américain Chuck Danver, que leur conversation ne durera que le temps de cette cigarette… Plus tard, au fond du cratère de la Sierra del Burro, une des bases secrètes du Leader rappellera celle du redoutable Enst Stravro Blofeld dans On ne vit que deux fois. C’est au Japon, au fond d’un autre volcan oublié, que le numéro un de l’organisation SPECTRE, le pire ennemi de James Bond, avait construit son repaire high-tech. Jean Graton avait probablement vu le film, sorti en 1967, mais en dehors de la similitude du volcan, l’auteur a dessiné les installations du Leader en ne se fiant qu’à sa propre imagination. Au plan physique, le Leader ne tombe pas dans la caricature du « jaune » des albums de Tintin, de Buck Danny ou de Blake et Mortimer. « On le reconnaît à ses yeux verts légèrement bridés et ses longs sourcils, précise Philippe Graton, scénariste et fils prodige du créateur de Michel Vaillant. La couleur de sa peau est à peine différente de celle d’un Occidental. Il n’a pas non plus le nez caractéristique des Asiatiques représentés dans les bandes dessinées de l’époque. » Le Leader n’est pas non plus une caricature de méchant comme Olrik ou Axel Borg, les ennemis héréditaires de Blake et Mortimer ou de Guy Lefranc. Avec le Leader, l’affrontement est toujours viril mais correct. Ses sbires n’ont jamais tué personne, même s’ils basculent régulièrement dans des comportements inexcusables. On reconnaît aussi le Leader à son fameux « L » sur fond jaune, composé par Jean Graton avec un sens aigu de la calligraphie. « Le logo du Leader est si puissant que certains n’ont pas hésité à le détourner, nous confie Philippe Graton. Une chaîne d’électroménager française a repris le nom et le logo du Leader en le coloriant en blanc sur fond rouge. L’ancien pilote de Formule 1, Didier Pironi, l’avait repris, lui aussi, pour sa marque de bateaux offshore en lui donnant une couleur dorée sur fond bleu. Didier Pironi était, par ailleurs, un ami proche de mon père. Il joue son propre rôle dans l’album Un pilote a disparu. » Le Leader affiche par ailleurs un curieux rapport à la paternité. Il a une fille, Ruth, qu’il aime sincèrement, mais fait tout pour qu’elle ne sache jamais que son père est « un triste aventurier ». « Avec la famille, on touche à un point fondamental de l’œuvre de Jean Graton, explique son fils. Michel Vaillant est le seul héros de l’âge d’or de la bande dessinée franco-belge à avoir une vraie famille et ce, dès le premier album. Toute l’architecture narrative de la série s’articule autour du clan Vaillant. C’est une richesse d’inspiration inépuisable, que l’on retrouve jusque dans la nouvelle saison actuelle. Tout cela ne doit rien au hasard. Jean Graton lui-même avait perdu sa mère à onze ans. Pendant la guerre, son père a disparu pendant cinq ans. Devenu adulte, il se mariera trois fois. Voilà sans doute quelques-unes des raisons pour lesquelles il idéalise la famille et lui accorde une place centrale dans son œuvre. Sur ce plan, le Leader, qui incarne le méchant dans la série, adopte justement un comportement familial hors normes. Sa femme est morte dans un accident de voiture et il mène une vie déséquilibrée, au contraire des Vaillant. » Au départ, Ruth est une femme pilote amie et alliée des Vaillant. Dans Le Secret de Steve Warson , alors que Michel Vaillant, blessé au grand Prix de Zolder, doit déclarer forfait pour Indianapolis, elle prendra sa place sous le pseudonyme de Jo Barret. Ensuite, Jean Graton a l’idée d’un rebondissement sensationnel… « Mon père a fait de Ruth la fille du Leader malgré elle. Steve en fera les frais car c’est à lui que le Leader avouera être son père, tout en interdisant à Steve de le répéter à Ruth… Par loyauté envers Vaillante, Steve choisira alors de renoncer à toute forme d’idylle avec Ruth. Cette histoire donnera aussi des cheveux blancs au Leader. Cette image d’un homme vieilli d’un coup a été inspirée à Jean Graton par une anecdote vécue. Dans sa belle-famille, terrorisée par la deuxième alerte cardiaque de son mari, une dame d’une cinquantaine d’années avait, elle aussi, vu ses cheveux blanchir en une seule fois. » Dans la nouvelle saison des aventures de Michel Vaillant, mise en route au début de l’été 2012, scénarisée par Philippe Graton et Denis Lapière, cadrée par Marc Bourgne et Benjamin Benéteau, le destin de Vaillante et du Leader prend un virage inattendu. Le Leader est mort. A la faveur d’un thriller économique appelé à changer la face de l’histoire de l’automobile, Jean-Pierre, le frère de Michel Vaillant, tente de racheter son empire à Ruth, l’héritière du Leader. Mais l’homme d’affaires Ethan Dasz, qui sert d’intermédiaire dans l’opération, utilise Jean-Pierre dans l’intention de fusionner Vaillante et Leader sous sa propre marque : Slate Corporation. A la faveur de ce mortel thriller économique, les marques Vaillante et Leader vont devoir fusionner. Mais c’est une autre histoire… [scald=685489:sdl_editor_representation] Ruth, la fille du Leader Ruth pointe discrètement le nez dans les pages du journal Tintin en 1974. Elle accompagne Margareth Randson, la coéquipière d’Henri Vaillant lors de sa première participation aux 24 Heures du Mans en 1939. Dans cette histoire intitulée Des filles et des moteurs , la jolie blonde affirme s’intéresser davantage au violon qu’à la mécanique. La belle Anglaise semble du goût de Steve Warson. Le hasard la remettra sur sa route au Festival des pilotes de Villars-sur-Ollon, une station de ski de Suisse romande. Mais Ruth n’est pas une fille facile. Elle cherche un homme capable de la dominer. Ils vont se retrouver dans Champion du monde , à l’arrivée du Grand Prix d’Indianapolis, où la tendre musicienne va se révéler sous son vrai jour : celui d’une bagarreuse volontaire, nulle part aussi à l’aise qu’au volant d’un bolide de course… [scald=685490:sdl_editor_representation] Steve, le pilote amoureux Alors qu’il court pour Vaillante depuis 1959, Steve Warson tombe amoureux de Ruth. Sous son charme, il ira jusqu’à piloter des voitures et enfiler la cape du Leader. Ruth veut faire de Steve le nouveau Leader. Mais sa trahison ne sera que momentanée, tout comme sa relation avec Ruth, à qui il préférera plus tard sa rivale, Julie Wood… Entre-temps, il continuera de penser à elle. Dans Le Secret de Steve Warson, alors qu’il ne cherchait pourtant plus à la revoir, Jean Graton va la remettre sur sa route. [scald=685491:sdl_editor_representation] Julie Wood Julie Wood entre dans le monde de Michel Vaillant dans Paris-Dakar . C’est Michel qui la présente à Steve Warson et elle est immédiatement séduite. Au beau milieu de cet épisode, elle pleure dans ses bras et Steve lui claque la main sur les fesses : une manière bien à lui de marquer sa tendresse ? Julie est plus fine et sexy que Ruth. Les deux femmes pilotes vont devenir rivales. Julie est une battante chez qui la sincérité l’emporte toujours. Steve finira par tomber complètement sous le charme. En 1983, à la fin de l’album Steve et Julie , Warson lui fera une véritable déclaration d’amour. Mais Ruth ne s’avouera pas vaincue aussi facilement. Les deux femmes régleront leurs comptes dans Rendez-vous à Macao .

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