En Belgique, le livre fait la Foire…

La Foire du Livre de Bruxelles ouvre ses portes – gracieusement – cette semaine sur le site de Tours & Taxis. Professionnels et amateurs vont s’y précipiter pour (re)découvrir que « le bonheur est à la page », entre deux rencontres d’écrivains et trois séances de dédicaces. Mais la dénomination « Foire » est-elle adéquate, pour de tels compagnons de route ? Certains feront remarquer que l’on parle de « Salon du livre » à Paris, Montréal, Beyrouth ou Alger. D’autres renchériront en opposant cette « Foire du Livre » au « Salon » de la voiture, de l’alimentation ou de l’habitat. Mais l’usage ne départage pas salon et foire en se fondant sur la nature du produit exposé. Et vous, préférez-vous que les livres fassent la foire ou qu’ils tiennent salon ? Postscriptum 1 Tant Foire du livre que Salon du livre sont d’apparition récente en français. Foire du livre s’inscrit dans la lignée des foires du Moyen-Âge, ces grands marchés exposant et proposant à la vente toutes sortes de marchandises. Avec, en prime, des fêtes et des réjouissances qui rappellent l’étymon du mot : le latin classique feriae « jours de repos ; jours de fête ». Le livre s’ajoute donc aux bestiaux, aux produits alimentaires, aux vins, d’où la locution foire aux livres qui semble la première attestée. Une variante foire des livres apparaît sous la plume d’A. France : « La foire des livres est pour Francfort une source inépuisable de richesse ( Rabelais , 1909, p. 10) » (Trésor de la langue française). Salon du livre est d’origine plus récente, puisqu’il se rattache aux salons organisés pour exposer des œuvres d’artistes vivants, et ce à partir du 18e siècle. Le premier d’entre eux eut lieu en 1737, dans le Salon carré du Louvre (d’où cet emploi de salon ). Au 20e siècle, les salons vont être associés à divers produits de l’industrie et du commerce : Salon de l’Automobile, de l’Aviation, de l’Enfance, des Antiquaires, des Arts ménagers et… Salon du Livre. Postscriptum 2 Les dictionnaires du français ne tranchent pas vraiment entre l’emploi de Salon du livre et celui de Foire du livre. Le Petit Robert (2016) définit salon comme une « exposition périodique (le plus souvent annuelle) où l’on présente des nouveautés » et foire comme une « grande réunion périodique où des échantillons de marchandises diverses sont présentés au public », avec renvoi réciproque d’un mot vers l’autre. Les exemples proposés permettent toutefois de percevoir une différence. Au mot foire , le Petit Robert (2016) associe des noms de lieu : « la foire de Leipzig, de Bruxelles, de Paris ». Quant à salon , il est accompagné de noms de produits : « le Salon de l’Automobile (1898), des Arts ménagers. Le Salon du Livre ». Ce n’est donc pas la « nature » du produit qui fonde la différence entre foire et salon , puisque tous deux sont susceptibles d’accueillir un large éventail de marchandises, allant du livre à l’automobile, en passant par les dives bouteilles ou les mets délectables. Reste que certains attribuent à salon des connotations positives, ce nom étant souvent associé à des activités artistiques, au bien-être, à la gourmandise. Tandis que foire apparaît dans des contextes moins séduisants, oscillant entre la foire d’empoigne et les larrons en foire . Postscriptum 3 Lors de sa création en 1969, la Foire du Livre de Bruxelles a choisi une appellation qui était « disponible » et qui a été également adoptée quelques années plus tard par une manifestation française similaire, la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde (Corrèze), dont la première édition remonte à 1973. Le même choix a été fait pour la Foire du livre de Saint-Louis (Haut-Rhin), créée en 1984. Quant au Salon du livre de Paris, il est postérieur à la Foire du Livre de Bruxelles puisque sa première édition remonte à 1981. Son appellation a sans doute influencé les initiateurs du Salon du livre francophone de Beyrouth, créé en 1992 sous l’impulsion de l’ambassade de France, de même que ceux du Salon international du livre d’Alger, créé en 1995, mais après l’organisation de quelques Foires du livre à Alger dans les années 1980. Toutes ces initiatives sont de loin plus tardives que le Salon du livre de Montréal, qui a vu le jour dès 1950. Son début modeste (une manifestation organisée à l’Hôtel Windsor) est sans doute responsable du choix du mot salon . Postscriptum 4 Une majuscule est très souvent présente dans Salon ou Foire (du livre), ce qui peut se justifier en raison du sens particulier pris par ces noms lorsqu’ils sont associés à un produit. Par contre, il y a beaucoup d’hésitation en ce qui concerne livre , mais l’usage actuel est de limiter la majuscule au premier mot de l’expression.

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