PS liégeois: le changement dans la continuité
Willy Demeyer se relance à la conquête de la présidence de la fédération liégeoise du PS. Frédéric Daerden a renoncé. Pourquoi ? Comment ? Coulisses et analyse.


Motivant mardi sa non-candidature à la présidence de la fédération, Frédéric Daerden a vendu la mèche, nous déclarant à la fin : « La logique du projet fédérateur l’emporte sur la logique conflictuelle »… Lisez : c’était ou la paix ou la guerre, il n’y avait pas de moyen terme, l’idée d’une saine et constructive compétition électorale était une illusion. Autrement dit : pour le « projet fédérateur », on demande à voir ; quant à la « logique conflictuelle », c’était écrit. Bienvenue au PS liégeois !
Or donc, Willy Demeyer est seul candidat à sa succession à la direction de la plus puissante fédération socialiste, au terme de tractations dont l’objet a consisté à répartir les rôles à l’avenir, à pactiser sur les conditions dans lesquelles le PS liégeois pouvait tenter de repartir en faisant l’économie d’une campagne fratricide et d’une élection déchirante.
Un enchaînement en deux séquences, confie-t-on.
La séquence Labille
Dans un premier temps, la vraie-fausse précandidature de Jean-Pascal Labille, qui avait fait mine de s’avancer en avril avant de renoncer en mai, avait donné à voir l’implacabilité du théâtre liégeois, où l’on ne joue pas pour plaire au public, encore moins aux critiques. Le président des Mutualités, ex-ministre fédéral, fort de ses potentielles ambitions politiques (certains le voyaient se hisser à la tête du PS liégeois pour viser à terme celle du PS tout court…), avait dit vouloir presser, bousculer les « équilibres » maison, menaçant l’ordre établi au centre duquel Willy Demeyer, président fédéral, député-bourgmestre de Liège, Stéphane Moreau, bourgmestre d’Ans, patron de Nethys (ex-Tecteo) et Alain Mathot, député-bourgmestre de Seraing, constituent une forteresse imprenable. Un tour de piste pour se rendre compte de l’impossibilité – sauf à voir la « fédé » exploser – de la compétition Labille-Demeyer, « et Jean-Pascal n’avait plus qu’à atterrir, commente un responsable liégeois, ce qu’il a pu faire quand Fredéric a rédigé sa “note pour un PS rouge vif”, il y a une semaine. »
Le déjeuner Demeyer-Daerden-Marcourt
C’est la seconde séquence : le président des Mutualités s’appuie sur la note critique et réformatrice du député-bourgmestre de Herstal, fils de « Papa », pour battre en retraite « parce que les lignes ont bougé », dit-il alors. Il n’a pas tort : vendredi dernier, 29 mai, Frédéric Daerden, Willy Demeyer et Jean-Claude Marcourt se retrouvent dans un restaurant liégeois. Le premier – « qui n’est pas l’ami du clan dominant, mais qui ne suscite pas l’hostilité radicale comme Jean-Pascal » – explique en substance que son document n’est pas à prendre ou à laisser, mais qu’il ne renoncera à défier le président en titre que si « Willy » assimile « les principaux points » à son propre projet de candidature. A la table, Jean-Claude Marcourt appuie : « Soutenant l’idée de la candidature Demeyer, pour ne pas déstabiliser l’édifice entier, aussi pour préserver son leadership, c’est lui qui pose les conditions minimales du projet fédérateur ». Les téléphones chauffent tout le week-end, Willy Demeyer « consulte » ses proches, évalue si, oui ou non, et jusqu’où, il peut ouvrir le jeu pour ce qui serait son quatrième mandat présidentiel.
La rencontre Demeyer-Daerden
Lundi Ier juin, Frédéric Daerden et Willy Demeyer se retrouvent à nouveau, à deux cette fois, dans le bureau du mayeur, à l’hôtel de ville, où le second fait part au premier des concessions qu’il est prêt à faire. Banco. De quoi parle-t-on ? Willy Demeyer s’engage publiquement à « ouvrir » le PS liégeois aux jeunes, aux femmes, aux militants – comme si cela n’allait pas de soi… –, aux débats, notamment dans le cadre du « chantier des idées » lancé boulevard de l’Empereur ; il renonce à plusieurs mandats : on nous rapporte qu’il quittera la direction de l’influent « GRE », le Groupement de redéploiement économique liégeois ; il lâche les commandes de ladite « coupole provinciale » (qui regroupe les fédérations de Liège, Verviers, Huy-Waremme et germanophone) ; il est flanqué de trois vice-présidents : Alain Mathot, Isabelle Simonis et Frédéric Daerden, dans un rôle de porte-parole. Un peu de changement dans la continuité, ou l’inverse. Un responsable optimiste : « Avec ça, rien ne sera plus pareil. » Un autre, pessimiste : « C’est cosmétique, une pétition de principe ; qui peut dire de quoi demain sera fait ? » Un troisième, au milieu : « Tout cela va dépendre de la sincérité des uns et des autres de vraiment vouloir mettre en œuvre le projet fédérateur dont parle Frédéric Daerden. »
Le défi électoral
Et si la « sincérité » n’est pas forcément un critère objectif en politique, le résultat aux élections en est un quant à lui, qui pousse (devrait pousser) le PS liégeois à « bouger » : le PS a abandonné deux sièges sur ces terres aux législatives de mai 2014, sur les trois qu’il a perdus à la Chambre. Lourd. Le PTB gagne du terrain ici, les socialistes laissent passer. Ajoutez que la fédération liégeoise a beau être la plus puissante sur papier, elle n’est pas pour autant la plus productrice en concepts, projets, engagements ou innovations théoriques ou programmatiques, ce dont le PS a cruellement besoin s’il veut ravir à la droite sa position d’« hégémonie culturelle », à lire Paul Magnette dans son ouvrage récent, La gauche ne meurt jamais.
Boulevard de l’Empereur ? Autonomie des fédérations oblige, qui n’est pas un mot en l’air à Liège, on a laissé faire, et percoler ce message : pas de vagues, c’est préférable, mais pas de réformes, c’est l’échec annoncé. Or, le PS ne peut pas se permettre de reculer aux communales de 2018 ni aux législatives de 2019 (au plus tard), convaincu que le « grand projet » libéral-réformateur consiste à l’écarter de Wallonie après avoir fait le ménage au fédéral. Allô, le PS liégeois ?
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