«La croissance actuelle n’est pas soutenable»

La croissance est-elle l’ennemie du climat ? Comment réconcilier, selon l’expression consacrée, « la fin du monde » et la « fin du mois » ? Je vais vous parler avec franchise. Jusqu’à une période récente, je me disais que nous pouvions parfaitement combiner la croissance continue, due à la nécessité de satisfaire nos propres concitoyens qui souhaitent que leur niveau de vie soit préservé et augmenté, et les citoyens des pays émergents qui souhaitent légitimement quant à eux rejoindre notre niveau de prospérité, avec les impératifs climatiques. Je pensais que nous pouvions combiner ces deux aspirations, sociales et environnementales, en bénéficiant notamment de la digitalisation, qui tend à substituer les « bits » aux atomes. En bénéficiant aussi d’une électrification croissante qui tendrait à épargner la consommation des énergies fossiles. Je me voyais donc évoluer dans un univers assez cohérent mais je suis obligé de constater que la croissance actuelle dans le contexte technologique présent n’est pas soutenable à long terme. Vous avez donc changé d’avis ? La réalité est en effet beaucoup plus compliquée. D’une part, la croissance mondiale doit continuer à augmenter à un rythme de 3 à 4 % par an sur une très longue période, car c’est absolument nécessaire si on veut arriver à une égalisation des niveaux de vie à l’échelle mondiale. D’autre part, la digitalisation est elle-même fortement consommatrice d’énergie : les fermes de calcul, le cloud, entre autres. Et l’électrification pose elle-même beaucoup de problèmes, notamment sur le plan de la consommation des terres rares qui sont… rares par définition et dont l’exploitation génère elle aussi des pollutions très importantes. Autrement dit : la technologie n’est pas encore suffisamment développée, nous devons absolument faire des progrès considérables pour tenter de réconcilier tout cela… Vous n’êtes donc pas devenu un adepte de la décroissance. La solution reste bien, selon vous, d’ordre technologique ? Il est hors de question de laisser notre vaisseau spatial se dévorer lui-même, ce qui est le cas en ce moment. Mais il est aussi hors de question de dire aux populations des pays émergents qu’elles n’atteindront jamais le niveau de vie des pays avancés. Sous ces deux contraintes, nous devons travailler à l’obtention d’immenses progrès scientifiques et technologiques. Cela reste donc mon hypothèse de travail : nous devons parvenir, nous parviendrons à développer des solutions parce que nous n’avons pas d’autre choix.

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