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Procès Rwanda: Fabien Neretse a commis «son» génocide, a estimé le procureur fédéral

Fabien Neretse est accusé de crime de génocide et de crime de guerre commis au Rwanda en 1994.

Temps de lecture: 5 min

Le représentant du ministère public, le procureur fédéral Arnaud d’Oultremont, s’est employé à démontrer dans la suite de son réquisitoire, vendredi après-midi devant la cour d’assises de Bruxelles, que l’accusé avait bien commis le crime de génocide, celui des Tutsis au Rwanda, en 1994. « Je l’accuse d’avoir posé des actes personnels de participation dans ce génocide, avec la volonté de réduire à néant cette ethnie tutsie. Il a commis ’son’ génocide, sa façon à lui de s’inscrire dans cette entreprise générale », a-t-il dit.

Fabien Neretse, un Rwandais de 71 ans, est accusé de crime de génocide et de crime de guerre commis au Rwanda en 1994. C’est le premier à devoir répondre, en Belgique, du chef d’accusation de crime de génocide, définit comme le fait de poser des actes (des meurtres notamment) dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.

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Le procureur a exposé trois ensembles d’éléments qui, selon lui, démontrent que l’accusé a participé à un crime de génocide en connaissance de cause. « Il y a tout d’abord ses convictions politiques et idéologiques. Il était proche du MRND (Mouvement révolutionnaire national pour le développement), le parti qui, flanqué de deux autres, l’aile ’power’ du MDR (Mouvement démocratique républicain) et le CDR (Coalition pour la défense de la République), a construit le génocide, a propagé l’idéologie génocidaire », a dit le procureur. Il a notamment rappelé que le témoin Gérard Gakwaya avait dit avoir vu l’un des leaders de l’aile extrémiste hutu du MDR, Froduald Karamira, se rendre chez Fabien Neretse à Kigali. « C’est précisément au Stade de Nyamirambo (quartier de l’accusé) que, le 23 octobre 1993, deux jours après l’assassinat du président hutu du Burundi, Karamira a prononcé son discours le plus incendiaire », a ajouté le procureur.

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« Il y a ensuite les réunions et notamment celle de Mataba en mai 1994. Onze personnes ont dit que Fabien Neretse était assis à côté des hautes instances (le préfet, le sous-préfet et le bourgmestre). C’est un mode de participation. En s’asseyant à côté d’eux, il marque son accord avec ce qu’ils disent. Il était impossible que Fabien Neretse, considéré comme un maître à Mataba, se soit assis le derrière dans l’herbe comme le reste de la population. Plusieurs témoins disent aussi que les massacres ont redoublé à Mataba après cette réunion », a poursuivi le procureur.

« Enfin, il y a la création d’une milice d’Interahamwe. Là, je compte vingt témoins qui parlent du fait que l’accusé avait recruté des personnes pour garder l’école mais qui en réalité allaient dans les collines à la recherche des Tutsis. Et c’est bien connu qu’on renvoyait les élites du pouvoir à Kigali dans leur région pour accélérer le travail. Selon les témoins, ces miliciens de Mataba étaient logés sur la parcelle de l’accusé. Ils ont vu ce dernier les conduire sur des terrains d’entraînement, notamment à Muvuba. Les témoins disent aussi que Fabien Neretse a armé ces miliciens, expliquant que les armes distribuées dans le cadre de la mission d’autodéfense par le responsable de secteur avaient été remises aux gardiens de l’école. Fabien Neretse a aussi donné des instructions à ces Interahamwe, en leur disant entre autres qu’il fallait ’aller travailler jusque dans les collines’».

Fabien Neretse, ancien haut fonctionnaire au sein de l’État rwandais, qui avait participé à des grands projets de développement, construit une école à ses propres frais et protéger des Tutsis agressés dans cette école en 1993, aurait-il alors changé en 1994 ? « Moi, je pense que non », a déclaré le procureur. « Je pense qu’avant il avait mis du vernis. Après 1994, on a pu faire ’sauter’ le vernis ». Pour le magistrat, l’accusé « s’est reconstitué son histoire. Il ment à tout le monde et ne se rend pas compte qu’il se ment à lui-même. Il est pétri de son idéologie, persuadé d’avoir agi pour la bonne cause. »

Par ailleurs, concernant les faits de Kigali précisément, le procureur a estimé que seul Fabien Neretse pouvait être au courant des préparatifs de départ de ses voisins. « Tout s’est passé à l’avant de la parcelle des Sisi et donc l’accusé avait une vue sur ce qu’il se passait. De plus, ça a fait du bruit. Il y a eu des portes qui claquent, etc. Cela n’a pas pu lui échapper. Le témoin Gerard Gakwaya avait dit avoir vu Fabien Neretse ’lorgner’. Fabien Neretse voit ce qu’il se passe, il appelle les militaires et envoie un membre de son personnel de maison sur place pour vérifier le travail. La victime Régine Bategure vous l’a dit : ’quelqu’un de chez Neretse était là’».

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Les chefs d’accusation

Fabien Neretse, résidant en France, est accusé de crime de génocide et de crime de guerre pour avoir, en tant que co-auteur, tué un nombre indéterminé de personnes, dont treize ont été identifiées et dont certaines étaient d’origine tutsie. Les faits se sont produits au Rwanda en 1994, durant le génocide des Tutsis et le conflit armé qui a opposé les Forces Armées Rwandaises (FAR) et le Front Patriotique Rwandais (FPR).

Fabien Neretse est en particulier accusé d’avoir dénoncé, le 9 avril 1994 à Kigali, plusieurs personnes d’origine tutsie dans son voisinage du quartier Nyamirambo. Elles avaient été abattues par des militaires. Parmi les victimes figuraient des membres des familles Sisi et Gakwaya ainsi qu’une Belge, Claire Beckers, son mari, Isaïe Bucyana, et leur fille Katia.

Il est aussi accusé d’avoir commandité des meurtres, dont ceux des dénommés Joseph Mpendwanzi et Anastase Nzamwita, en mai et juin 1994, du côté de Mataba, son village natal au Nord-Ouest du Rwanda, où il s’était installé dès la mi-avril 1994. Selon l’accusation, Fabien Neretse avait créé, entretenu et financé une milice d’Interahamwe avec les gardiens de l’école ACEDI-Mataba, qu’il avait lui-même fondée en 1989. Cette milice aurait ensuite commis de nombreux meurtres de Tutsis et de Hutus modérés.

 

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