Levée de fonds canon de 82 millions d’euros pour Odoo

C’est une opération tout à fait hors norme pour l’industrie numérique wallonne. 82 millions d’euros viennent d’être investis dans le spécialiste du logiciel de gestion d’entreprises Odoo. 50 millions sont apportés par Summit Partners, un fonds de capital-risque américain qui gère plus de 19 milliards de dollars d’actifs. A ses côtés, un trio assure l’ancrage wallon : le fonds d’investissement SRIW – qui détenait déjà 6 % du capital et qui remet 10 millions, l’invest liégeois Noshaq (ex-Meusinvest) – qui rentre dans le capital en apportant 10 millions – et le management (cinq personnes) qui s’est endetté pour ajouter 12 millions. Malgré l’arrivée en force du fonds d’investissement Summit, cette pépite technologique wallonne ne passe pas pour autant sous drapeau américain. Odoo reste majoritairement dans les mains de Fabien Pinckaers qui détiendra un peu plus de 52,6 % du capital à l’issue de l’opération, nous explique-t-il. Et pour cause, il ne s’agit pas d’une augmentation de capital qui aurait dilué sa participation. « On n’a pas besoin d’argent frais. Nous sommes bénéficiaires et nos revenus grandissent assez vite pour financer notre croissance. Le rythme est tel qu’on n’arrive même pas à suivre en matière d’engagements », explique-t-il. [scald=27311453:sdl_editor_representation] Les 82 millions servent en réalité à racheter les actions de deux fonds de capital-risque français – Sofinnova et XAnge – qui ont décidé de vendre une partie de celles-ci. Summit et Odoo refusent de dévoiler le multiple sur lequel est basé le rachat et la nouvelle structure du capital mais il est clair que la valorisation d’Odoo a explosé depuis les deux levées de fonds qui ont eu lieu en 2010 et 2014 (3 et 7 millions d’euros). Odoo n’est pas encore une licorne (un milliard de dollars) mais sa valorisation dépasse les 300 millions d’euros évoqués jusqu’ici, nous confirme Fabien Pinckaers. Odoo a vu le jour dans un kot Odoo est une l’une des plus belles success-stories wallonnes du moment. Fabien Pinckaers a fondé cette société il y a quinze ans dans son kot, alors qu’il était encore étudiant à Louvain-la-Neuve. Son idée ? Démocratiser l’accès aux logiciels de gestion d’entreprises pour les PME en mettant à leur disposition à un prix abordable une suite d’applications simples permettant de couvrir tous leurs besoins : comptabilité, marketing, e-commerce, site web, gestion des stocks… A l’origine, le logiciel était entièrement gratuit. Odoo ne facturait que des services de maintenance. Ce modèle a montré ses limites et, en 2014, l’entreprise s’est muée en éditeur de logiciels. A côté de son logiciel gratuit open source, elle commercialise des applis basées dans le cloud. 80 % de ses clients utilisent la version gratuite et 20 % les solutions payantes. [scald=27311454:sdl_editor_representation] La société a beaucoup fait parler d’elle ces dernières années pour son taux de croissance fulgurant : + 60 % par an sur ces dix dernières années (chiffre d’affaires et effectifs). Elle compte aujourd’hui 4,5 millions d’utilisateurs dans le monde et réalise 63 millions de chiffre d’affaires avec des bureaux à San Francisco, New York, Dubaï, Inde, Hong Kong, Luxembourg et – à partir de janvier – au Mexique. Ses effectifs dépassent les 750 personnes, dont 400 basées en Belgique, principalement dans deux fermes hesbignonnes situées à Ramillies (Perwez). La croissance du nombre d’employés est telle que Fabien Pinckaers s’intéresse à une troisième ferme et a acheté 8.000 m2 de bureaux à Louvain-la-Neuve. Et on n’a pas encore évoqué l’emploi indirect généré par Odoo. L’entreprise est à l’origine de tout un écosystème. 20.000 personnes travaillent pour les partenaires officiels d’Odoo dans le monde et vendent des services autour de son logiciel. Renforcer l’ancrage wallon L’investissement conjoint de la SRIW et de Noshaq vise avant tout à renforcer l’ancrage wallon de ce fleuron. « C’est une opération assez originale », explique Gaëtan Servais, patron de Noshaq. « En général, quand les sociétés grandissent très fort, on les laisse souvent filer dans les mains d’investisseurs étrangers. Ici c’est l’inverse puisque la SRIW et Noshaq ont décidé de soutenir le management et de renforcer le pourcentage détenu par les acteurs wallons. Ensemble, on rachète un tiers des actions détenues par les deux fonds français. » Finalement, 75 % à 80 % des actions seront dans des mains wallonnes. « On veut démontrer que la cession du contrôle d’une entreprise wallonne qui grandit n’est pas une fatalité mais aussi que l’on peut réussir dans le digital en Wallonie », ajoute Olivier Vanderijst, patron de la SRIW. L’objectif est de soutenir une entreprise capable d’avoir un effet d’entraînement pour tout l’entrepreneuriat numérique en Wallonie. « Pour qu’une région se développe dans un secteur, il faut des locomotives, des modèles qui inspirent et encouragent d’autres à se lancer sur leurs traces. » [scald=27311455:sdl_editor_representation] Si la SRIW réinvestit plutôt que de prendre sa plus-value, c’est aussi parce qu’elle croit aux perspectives de développement d’Odoo. « Nous pensons que la société est loin d’être au bout de sa croissance et que le soutien de ce nouvel investisseur américain va lui permettre d’accentuer sa présence aux Etats-Unis (35 % du chiffre d’affaires aujourd’hui) », estime Olivier Vanderijst. Ce n’est pas Fabien Pinckaers qui dira le contraire. Selon lui, la croissance d’Odoo va continuer à « exploser » dans les années à venir. « Je ne vois pas ce qui pourrait nous freiner. On n’a pas de problèmes de produit, de cash, de taille de marché. Si on échoue, ce ne sera qu’à cause d’une mauvaise exécution. » Il estime pouvoir maintenir un taux de croissance de 50 à 60 % « quelques années encore », ce qui amènera Odoo à afficher plusieurs milliers d’emplois au compteur d’ici cinq ans. A plus long terme, il parie sur la consolidation du marché des logiciels d’entreprises pour PME. « C’est pour l’instant un marché extrêmement fragmenté. On n’a que 0,1 % de parts de marché. Mais, à l’instar de ce qui s’est déjà passé pour d’autres types de logiciels, il y aura une consolidation de ce marché colossal et quelques joueurs prendront l’ensemble du marché. On compte bien en faire partie. »

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