Il a fait de Mouscron une bête de sport

Jean-Pierre Detremmerie est de ces bourgmestres qui ont laissé une trace indélébile de leur passage au cœur de leur cité, à l’instar de Guy Spitaels ou de Jean-Claude Van Cauwenberghe. Mais si certains hommes politiques ont misé sur la rénovation urbaine ou la culture, Detrem’ s’est lui focalisé sur le sport pour placer Mouscron sur la carte de la Belgique. Un peu comme Van Cau avant lui à Charleroi. 1. L’exemple carolo suivi puis dépassé Car pour faire oublier une activité économique morose, plombée par la mort à petits feux de l’industrie textile, l’ancien bourgmestre avait misé sur l’« Entertainment » et les vertus rassembleuses du sport. Alors que le Sporting de Charleroi, revenu en D1 par la grande porte en 86, et que La Villette entamant son règne sans partage sur le ping belge, soulevaient les foules du Pays Noir, sous le regard approbateur de Van Cau, Detrem’ sentit le bon filon. Mouscron serait le pendant occidental de Charleroi dans le Hainaut ! C’est alors qu’on vit ce qui était à l’époque la plus belle piscine de Belgique voir le jour, en 1989. Le complexe des Dauphins, fort de son bassin olympique, allait permettre aux clubs de water-polo et de natation de devenir des références nationales. Mais il ne s’agissait que d’un début. Le but ultime était bien sûr d’attirer les projecteurs à l’aide su sport-roi : le football. Même s’il n’en était pas encore le président lors de la fulgurante ascension de l’Excelsior de Mouscron, c’est déjà lui qui tirait les ficelles, qui ordonna la première rénovation du Canonnier en 1990. Vint alors la deuxième révolution industrio-sportive carolorégienne, avec l’événement des Spirous et des Dauphines. Cette fois encore Detrem’ emboîta le pas en accélérant la maturation de l’Excelsior, amenant le grand Georges Leekens à la tête de l’équipe qui allait bouleverser l’élite belge lors de la saison 96/97. Il acheva aussi la rénovation du Canonnier en 1999 en faisant construire une tribune sensationnelle, réunissant toutes les commodités nécessaires au football moderne… et une chapelle, pour permettre à ce fervent catholique de se recueillir en toutes circonstances. Cette fois, c’était sûr, plus personne n’oublierait Mouscron sur la carte de la Belgique. 2. Le Futurosport : l’œuvre inachevée Surtout que Detrem’ avait enclenché et réussi la troisième révolution sportive de la ville entre-temps. Le fleuron de sa vision, le joyau de la couronne hurlue était en train de s’ériger le long de la route express. Le Futurosport vit le jour à l’aube de la saison 97/98 alors que les jeunes de Charleroi continuaient à s’entraîner dans des conditions déplorables. En quelques mois à peine, 12 sublimes terrains et des infrastructures de haut-vol permirent à Mouscron de disposer du centre de formation le plus performant du royaume juste avant le passage au troisième millénaire. De la mégalomanie de Detremmerie conjuguée aux talents des footballeurs et des formateurs, naquirent des phénomènes comme Blondel ou plus récemment Lestienne, ainsi que des dizaines de bons joueurs professionnels. Une mégalomanie sans limite puisque le bourgmestre parlait lui-même sans tabou d’un budget d’un milliard de francs belges (250 millions d’euros) à atteindre pour que l’Excelsior de Mouscron parvienne à rivaliser avec les meilleures écuries d’Europe. Tout allait si vite, si fort ! Trop même pour les finances de la Ville et les subsides de la Région Wallonne. Jamais l’hôtel et l’hôpital du sport dont il rêvait ne sont venus compléter le site. Au contraire de l’école des Sport et de la piste d’athlétisme qui complètent un Futuro omnisports performant, mais qui s’est largement fait rattraper depuis par les centres de Neerpede ou l’académie Dreyfus. 3. Même la mégalomanie a ses limites La force de travail et les idées de Detremmerie étaient sans limite. Même les contraintes financières ne le refroidissaient qu’à moitié. L’homme, président de l’Excel jusqu’en 1995, était capable d’offrir des ponts d’or à des joueurs ou entraîneurs susceptibles d’offrir une sérieuse plus-value à son club, à sa ville. Mais l’argent plus, ou pas assez vite. La descente aux enfers était enclenchée alors que les Hurlus nageaient encore dans la gloire. Les prêts litigieux à l’Intercommunale d’Etude et de Gestion (Intercommunale économique regroupant les communes de Mouscron, Estaimpuis et Comines) se succédaient, le gouffre financier se creusait. Après s’être retiré officiellement de la présidence en 2005, Detremmerie perdit son poste mayoral en 2006 mais trouva une parade magistrale pour maintenir l’Excel sous perfusion en reprenant la présidence de l’IEG, dont les prêts rarement remboursés, permettaient au club de vivre sous respirateur artificiel. Lorsqu’il était en comité resreint, Detrem’ se plaisait à rappeler qu’il s’était assis sur le coffre-fort. Mais l’opinion publique et ses adversaires politiques ne pouvaient plus accepter ces mouvements financiers occultes, dont il n’a jamais profité personnellement, il faut quand même le souligner. Il dénichait malgré tout une dernière bouée de sauvetage pour l’Excelsior en 2007, en amenant Philippe Dufermont, riche homme d’affaires d’origine mouscronnoise aux commandes du club. Non sans lui avoir promis la vente d’un bâtiment communal à un prix défiant toute concurrence, pour une nouvelle manœuvre à la limite de la légalité ! Mais même un multi-millionnaire comme Dufermont dut se résoudre à jeter l’éponge et Detremmerie vit son bébé, criblé de plus de dix millions d’euros de dettes, placé en liquidation judiciaire en décembre 2009. Le premier clou de son cercueil assurément…

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