«Une situation extrêmement grave»: le Japon sidéré par la fuite de Carlos Ghosn au Liban
Carlos Ghosn a confirmé ce mardi se trouver au Liban. « Je ne suis plus l’otage d’un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité », a-t-il écrit dans un communiqué.

Comment Carlos Ghosn, l’un des hommes les plus connus et reconnaissables de la Planète, a-t-il pu quitter le Japon sans être repéré, quelles conséquences sur son procès ? Ce sont les premières questions qui se posent au Japon où la sidération l’emportait mardi.
► Carlos Ghosn confirme sa fuite au Liban: son avocat «abasourdi»
L’ex-magnat de l’automobile de 65 ans, qui possède trois nationalités (française, libanaise et brésilienne), est parvenu à sortir de l’archipel où il était en liberté surveillée sans que quiconque ne s’en aperçoive.
Alors qu’il préparait son procès avec assiduité, selon ses défenseurs, et semblait, selon des proches, se plier avec application à toutes les règles imposées (pas de séjour à l’étranger, ne pas voir ni contacter sa femme, rapporter toutes ses rencontres, ne pas quitter Tokyo plus de trois jours), cette fuite a surpris tout le monde.
« Inexcusable »
Son principal avocat, Junichiro Hironaka, qui a appris la nouvelle « par la télévision », s’est dit « abasourdi ».
« Bien sûr que c’est inexcusable, puisque c’est une violation des conditions de sa libération sous caution, c’est illégal au regard de la loi japonaise, mais pour autant, de là à dire que je ne comprends pas son ressenti, c’est une autre histoire », a-t-il déclaré aux médias, visiblement affecté.
Selon une source anonyme de la chaîne publique NHK, « l’Agence des services d’immigration a indiqué n’avoir aucune trace quelconque » (informatique, vidéo) d’un Carlos Ghosn quittant le pays.
Or, ses trois passeports officiels sont détenus par ses avocats japonais, garants du respect des conditions de sa liberté sous caution.
Ces sésames sont toujours en leur possession, a précisé mardi M. Hironaka, ce qui laisse supposer que M. Ghosn a fui avec un autre document ou en échappant à des contrôles.
« Il n’était pas censé partir. Si nous avions été informés avant, nous aurions prévenu l’autorité judiciaire », a de son côté indiqué, toujours à la NHK, un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères.
Sous le feu des critiques
Des critiques de parlementaires commençaient à fuser sur les réseaux sociaux, telle celle de Masahisa Sato, du Parti libéral démocrate (PLD) au pouvoir, jugeant « problématique qu’un pays laisse ainsi faire un départ illégal ».
En l’état, les procureurs nippons apparaissent bien démunis. Selon M. Hironaka, en toute logique, la libération sous caution va être annulée, l’argent versé (quelque 12 millions d’euros au total) gardé par la justice.
Mais en l’absence de traité d’extradition entre Beyrouth et Tokyo, M. Ghosn a peu de risque d’être renvoyé au Japon.
Dans tous les cas, même si les procureurs vont à coup sûr se démener, les charges à son encontre seront difficiles à faire valoir à l’étranger, surtout envers un Liban enclin à défendre son citoyen, a expliqué à l’AFP l’ex-procureur et aujourd’hui avocat Nobuo Gohara, extérieur au dossier mais qui en analyse depuis le départ les éléments.
« Nissan doit avoir peur »
« Une chose est sûre. Pour les procureurs, c’est une situation extrêmement grave. Nissan doit avoir peur. Les procureurs aussi », estime M. Gohara.
« L’équipe de défense a complètement perdu la face. Ils ont promis au juge que M. Ghosn resterait au Japon comme condition de sa libération sous caution. Ils ont conservé ses passeports mais il est parti à l’étranger », souligne-t-il.
Un procès en l’absence du prévenu n’est pas envisageable au Japon, selon cet avocat. Pour lui cette fuite est aussi le résultat d’un système judiciaire qui laisse peu d’espoir de s’en sortir.
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Compte tenu du contexte, il faut comprendre cet acte de survie posé par cet homme que tous avaient porté aux nues (rappelez-vous que General Motors souhaitait lui confier sa direction). Depuis son arrestation aussi surprise que son évasion, les autorités judiciaires japonaises n'ont aucunement démontré leur indépendance à l'égard des pouvoirs politique et (surtout) économique. Malgré les arguments de la défense de Ghosn, elles ont donné l'impression de toujours instruire à charge sans respecter les droits de cet homme. Nous en saurons certainement plus dans le futur, mais j'ai personnellement l'impression que cet événement peut arranger certains intérêts nippons et qu'il n'aurait pas pu être organisé sans des complicités locales en haut lieu.
Moi j’assimile cela a un aveux de culpabilité. Si on est réellement innocent on doit pouvoir en apporter la preuve pendant le procès. Ce n’est qu’un voleur de plus mais très friqué qui en profité pour prendre la tangente.
L'instinct de survie sans doute.
Et si les services secrets français s'étaient chargés de l'ex-filtrer...?
Je me pose exactement la même question. On saura la vérité que dans quelques années.