RD Congo: la tension monte entre le clan Kabila et celui du président, Félix Tshisekedi

Gina Kabamba, jeune agent de la DGM (Direction générale des migrations) à l’aéroport de Kinshasa est devenue malgré elle le symbole du changement d’une cohabitation difficile. Deux « poids lourds » du régime précédent, l’ancien ministre de l’Intérieur Shadary Ramazani (dauphin malheureux de Kabila), et Marcellin Cishambo (ancien conseiller diplomatique de Kabila) se sont vus empêcher de prendre l’avion alors qu’ils voulaient se rendre à Bujumbura. Motif ? Leur passeport n’était pas en règle ! Les deux hommes avaient exhibé des passeports diplomatiques délivrés en vertu de leurs fonctions précédentes mais que la fonctionnaire de la DGM estima non valables. « Pourquoi ces passeports illégaux ? », leur avait-elle demandé. « Avec respect, vous n’êtes plus vice-Premier ministre et votre ami n’est plus gouverneur du Sud-Kivu… Messieurs, les choses ne sont plus comme avant ». Malgré les protestations des deux voyageurs peu habitués à un tel traitement, la jeune femme demeura inflexible : « Ici, c’est moi qui commande et je fais mon boulot. Je sers le pays et non un individu, le temps des passe-droits est passé. » [scald=27387462:sdl_editor_representation] Cet incident, tellement banal pour tant de voyageurs, a été largement diffusé sur les réseaux sociaux et commenté dans l’opinion. S’agit-il d’une simple péripétie, ou de la confirmation d’une « guérilla » au sein de la cohabitation entre deux groupes politiques, le CACh (Coalition pour le changement) qui soutient le président Tshisekedi et le FCC (Front commun pour le Congo), qui, au nom de Kabila, contrôle l’Assemblée et le Sénat ? Même si à Kolwezi, le gouverneur Richard Muyej a fait dresser de larges panneaux saluant, au nom de « Kabila for ever » la cohabitation « pacifique » avec Félix Tshisekedi, la tension entre les deux groupes est palpable et le premier anniversaire de cette transition négociée est célébré avec des sentiments mélangés. Entre deux feux Alors que les relations personnelles entre le nouveau et l’ancien président demeurent excellentes, les escarmouches se multiplient. Multipliant les voyages à l’étranger, Félix Tshisekedi est le plus globe-trotter de tous les présidents du Congo. Mais il subit aussi les injonctions de ses interlocuteurs qui le somment de prendre des distances avec son prédécesseur sous peine de perdre sa crédibilité sinon leur soutien. Relayant d’autres pressions, la Commission des affaires étrangères du Sénat américain a demandé au président d’enfin traduire en justice les auteurs de crimes économiques, tandis que de nombreuses voix dont celle du Dr Mukwege réclament la fin de l’impunité pour les crimes commis par des officiers de haut rang toujours en poste. [scald=27387461:sdl_editor_representation] Se voulant rassurant, le chef de l’Etat multiplie les promesses lorsqu’il se trouve à l’étranger. A Londres, il n’a pas hésité à menacer de « virer » ceux de ses ministres qui pourraient saboter son action. Mais au pays, il est confronté à une guérilla de plus en plus dure entre les deux forces qui l’ont porté au pouvoir. C’est ainsi que la présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, a sèchement recadré le chef de l’Etat, qui avait menacé de dissoudre l’institution parlementaire ; et elle n’a pas hésité à brandir la menace d’une destitution pour « haute trahison ». A toutes fins utiles, avant de célébrer le premier anniversaire de la « cohabitation », les membres des FCC ont été convoqués d’urgence dans la ferme de Kabila, à Kingakati. Le partenaire d’en face n’est pas resté inactif lui non plus : si l’on manque de respect au président, « les gens vont nager » a déclaré le secrétaire général de l’UDPS, le parti de Tshisekedi. Les menaces se multiplient… Chacun fait ses comptes A fleurets mouchetés, on semble se diriger vers une épreuve de force et chacun, discrètement, compte ses atouts. Si le président sortant contrôle toujours l’armée et le Parlement (sans oublier sa force financière), le président en exercice n’est pas démuni pour autant. La population semble avoir oublié les circonstances de son élection contestée et le crédite encore d’une évidente légitimité. Mais cette dernière, sous peine de s’éroder, doit aussi se fonder sur des éléments concrets. Si la mesure de gratuité de l’enseignement primaire représente un grand coup politique et si le climat de liberté est unanimement apprécié, tout le reste, c’est-à-dire le « social », demeure à construire. [scald=27387460:sdl_editor_representation] Gina Kabamba a donné un signal important : le temps des passe-droits se termine. Les artisans mineurs chassés de leurs zones d’exploitation, les élèves qui devaient quitter l’école tête basse, les petits propriétaires expropriés, les millions de citoyens sommés de « coopérer » avec des administrations corrompues n’ont pas - encore - perdu espoir. S’il restreint un peu ses voyages pour mieux s’atteler aux affaires du pays, Félix Tshisekedi garde encore des chances. A Kolwezi, le gouverneur du Lualaba Richard Muyej, ancien ministre de l’Intérieur de Kabila, prêche le calme : « Nous devons apprendre à vaincre la peur, rétablir le pont de la confiance, regarder ensemble dans la même direction… Personne ne nous pardonnerait un éventuel dérapage. »

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