Grand format - Pourquoi le festival de lumières Bright Brussels attire tant

Ce sont des allées où la lumière, enfermée dans des lanternes de papier coloré, guide nos pas. Ce sont des laboratoires musicaux en plein air où l’on compose ses morceaux à l’aide de grands cercles lumineux. C’est un ciel où flottent des « Luminéoles », oiseaux imaginaires aux ailes de dragon. La façade gothique de Notre-Dame du Sablon, illuminée à coups de « chromolithe », éclat polychromatique. Un monument assemblé de quarante objets du quotidien toujours allumés, frigos, machines à laver, micro-ondes. La danse poétique du fantôme phosphorescent de la dernière baleine avant l’extinction de l’espèce. [scald=27418995:sdl_editor_representation] Saint-Valentin féérique Le festival Bright Brussels, c’est la ville qui renaît la nuit sous un autre jour, qui se transforme en un univers onirique fait de créatures fantastiques, de paysages géométriques et d’œuvres fascinantes et écarquille les yeux de ses visiteurs. L’an dernier, 250.000 déambulateurs, flâneurs, Bruxellois, touristes de Belgique et d’ailleurs ont découvert la capitale embellie au clair des quatorze installations réalisées par des artistes nationaux et internationaux. Un succès tel que Bruxelles a été élue « meilleure destination pour fêter la Saint-Valentin », sourit Patrick Bontinck, administrateur délégué de l’agence du tourisme visit.brussels. Alors, cette année encore, et pour la cinquième fois, le magique faisceau de Bright Brussels se répandra sur la ville à cette période de l’année, du 13 au 16 février, de jeudi à dimanche. Avec « la volonté de mettre en avant tout un secteur du “lightening” qui se développe très fort, aussi bien du côté des créatifs que des producteurs ». C’est que ce monde de néons, de rais, de projecteurs et d’étincelles mais aussi de « video mapping » et d’expériences audiovisuelles est celui dans lequel s’immergent désormais amateurs d’art et de culture, clubbeurs, mélomanes et promeneurs urbains. Une expérience augmentée de la fête Bien plus que les seuls DJ sets, le festival Hangar plonge les raveurs dans une « expérience de musique électronique », souligne son cofondateur, Marvin Weymeersch. « Et la lumière fait partie à 100 % de cette expérience. » Lors de la septième édition, le 22 février prochain, il y aura des projections vidéo d’images d’archives du bâtiment sur les parois du Kanal Centre Pompidou, un couloir de lasers au plafond, un show de lumière avec jeux de miroir derrière le DJ et puis, du « pixel mapping », petits tubes au-dessus de la tête du public sur lesquels défilent des formes et des vagues. [scald=27418996:sdl_editor_representation] Le but : éveiller tous les sens. De la vue, avec cette lumière omniprésente, à l’ouïe, à travers la musique électro, en passant par le goût, lorsqu’un grand chef cuisine pour cinquante convives au beau milieu de l’événement. Le tout dans des endroits à l’âme typiquement bruxelloise. « Si on veut lancer quelque chose de nouveau, il faut offrir autre chose que juste de la musique », remarque Marvin. « Il y a tellement d’offres de qualité à Bruxelles qu’on est obligé d’innover si on veut se faire notre place. » Et donc « apporter une nouvelle dimension à l’expérience de la fête », observe Dorian Meeus, organisateur des Garages numériques. « Une nouvelle dimension qui soit surprenante et agréable… et pas que pour les oreilles. » [scald=27419369:sdl_editor_representation] Alors, ce festival-là est avant tout une exposition. Une dizaine d’installations audiovisuelles, immersives, interactives, monumentales que l’on parcourt, admire, vit, contourne pendant une bonne heure et autour desquelles gravitent les différentes nocturnes, dédiées à la fête mais aussi à des thématiques comme l’art et les sciences. Avec la performance d’un artiste son à côté d’un artiste lumière, avec les traits architecturaux de la Bourse sublimés par le « lightening » d’un artiste visuel, avec encore l’exposé de chercheurs et de scientifiques à propos des trous noirs et des aurores boréales illustrés par des œuvres lumineuses. L’art muséal s’intègre aux événements festifs. « Ce n’est pas “que” l’occasion de danser et découvrir des performances audiovisuelles, mais c’est aussi une exposition qui prend son temps », explique Dorian. « On a l’impression d’entrer dans un univers spécial et onirique, dans un monde parallèle à la réalité. C’est une expérience complètement augmentée de la fête. » S’évader, se réchauffer, se promener Aujourd’hui, on ne consomme plus l’art, la culture, les sorties comme avant. « Le public a envie de toujours plus, et pas que dans le clubbing, dans le cinéma aussi, par exemple », poursuit l’organisateur des Garages numériques. « Ce côté immersif doit faire du bien au public, parce qu’on travaille du lundi au vendredi et que le week-end, on a envie de se défouler, de vivre une expérience radicalement différente, qui n’a plus aucune attache à la réalité de ce que l’on vit la semaine. On veut se laisser transporter par cet événement et découvrir des choses. » [scald=27418559:sdl_editor_representation] Ce que Patrick Bontinck appelle « l’expérience totale ». « Ce type d’art éveille vraiment les sens, propose une expérience assez complète de l’art et est donc par définition très populaire », analyse Dorian Meeus. « Le côté sonore et lumineux va plaire aux enfants. Le côté monumental immersif fait qu’on peut se promener dedans, ce qui ajoute un aspect familial. La lumière par une météo morose de mois de février réchauffe les yeux et le cœur. Les gens y trouvent donc facilement leur compte et retrouvent avec plaisir des bâtiments emblématiques. C’est une autre façon de voir sa ville. » On cherche, physiquement, sur le territoire urbain, sur ses sites, dans ses clubs, ce que l’on trouve en ligne sur les réseaux sociaux et dans les images engendrées par le développement numérique. Et cela passe, bien sûr par la lumière et toutes ses déclinaisons technologiques. « Au tournant des années 2010, le public a commencé à apprécier le langage visuel des spectacles de “lightening” », analyse Koert Vermeulen, artiste belge connu sur la scène internationale. « Et comme les gens regardent les écrans, ce n’est pas grave s’il n’y a pas d’humains dedans. Il y a vingt ans, il fallait créer quelque chose qui dure au moins une heure pour que les gens fassent le déplacement. Aujourd’hui, ils partent après trente minutes. L’idéal, c’est même 18 minutes. Au-delà, ils partent avant la fin. » Art en mouvement Voilà l’art à l’ère du numérique. Ephémère, beau, technologique, onirique, immersif, lumineux. Pas étonnant que le « lightening », et les arts numériques en général, soit un secteur en pleine croissance. Un secteur qui évoluera en même temps que les technologies dont il se sert et dont le festival Bright Brussels est « une vitrine intéressante », affirme Dorian Meeus. « Pour mettre un pied à l’étrier et dire que ce type d’art existe. » Avant, si on le souhaite, de le savourer plus longuement – comme on peut le faire avec tous les arts – et de partir à la découverte de noms comme June Paik, Louise Bourgeois, Veronica Janssens, ajoute-t-il. Plus encore, de l’expérimenter à travers iMal, centre d’art dédié aux cultures et technologies numériques, FabLab de pointe, lieu de réflexion et de débat, dont le nouvel espace ouvrira début mars à Molenbeek. Ou de l’aborder de manière plus intellectuelle au KIKK Festival à Namur, qui « organise des événements et des projets didactiques, produit des œuvres artistiques et soutient des projets créatifs ». Car, si elles s’offrent à voir et à vivre un bref instant ce week-end dans la capitale, les technologies numériques et lumineuses ont définitivement fait leur entrée dans le monde des arts et de la culture. Où – c’est dans leur nature – elles n’ont pas fini d’évoluer, de se métamorphoser, de nous surprendre, simples promeneurs ou nouveaux aficionados en quête d’une autre dimension.

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