Pourquoi il ne faut pas créer sa société avec 1 euro

Plusieurs fois repoussée, la réforme du code des sociétés est finalement d’application depuis le 1er mai 2019. Il est désormais plus simple et moins coûteux de créer son entreprise. Frédéric Magnus, notaire à Namur et assistant à l’UC Louvain, nous explique les avantages et les risques induits par ces changements.
Maître Magnus, qu’est-ce qui a changé pour un entrepreneur qui veut créer son entreprise ?
Le législateur avait 3 grandes lignes directrices. La première était de simplifier le droit des sociétés. Jusque-là on avait une quinzaine de formes de sociétés, depuis le 1er mai 2019 on a quatre formes principales. Deuxièmement, on garantit plus de flexibilité, plus de liberté, dans l'organisation de la société. Ça passe par le fait qu'il n'y ait plus de capital minimum, qu’on puisse organiser les actions de la société en leur conférant des droits particuliers, etc.
Le troisième point de la réforme, c'est de pouvoir identifier aisément la loi nationale qui s'applique à une société. Si elle a son siège statutaire en Belgique, peu importe si des décisions sont prises à l'étranger, elle sera soumise au droit belge des sociétés. Avant, elle pouvait être soumise à un autre droit.
S’il n’y a plus de capital minimum, ça veut dire qu’on peut créer son entreprise avec 1 euro ?
Le droit des sociétés l'autorise, mais il ne faut pas le faire, parce que si je constitue ma société sans faire attention aux capitaux propres, je risque d'avoir un très gros souci. Au moment de la constitution, je dois remettre au notaire un plan financier qui reprend les capitaux propres qui ont été apportés. Si ma société tombe en faillite dans un délai de 3 ans, et que le juge constate que les capitaux propres étaient manifestement insuffisants pour pouvoir assurer l'exercice de l'activité pendant au moins 2 ans, je peux alors d’être tenu personnellement responsable, sur mon propre patrimoine, à l'égard des créanciers de la faillite. Donc même si ce n'est pas une obligation de recourir à un professionnel pour faire un plan financier, je le conseille vivement.
La réforme induit donc un risque ?
Je ne dirais pas ça. Avant, quand on constituait une SPRL, il fallait mettre 18.550 € de capital souscrit, c'est-à-dire de l'engagement d'apport dans la société. À côté de ça, il y avait le capital libéré, ce qu'on devait verser. Lorsqu'on était deux au moins, on devait verser 6.200 €. Seul, on devait verser au moins 12.400 €. Cette notion de capital minimum est totalement supprimée.
Mais à côté de ça, le plan financier comporte beaucoup plus de critères qu'avant. Ça veut dire que son élaboration requiert aujourd’hui plus de sérieux. Donc je pense que l'équilibre est maintenu. Je pense même que ça va éveiller les gens. Ceux-ci vont davantage se poser la question de savoir quel montant est suffisant pour constituer leur entreprise, et davantage pousser la porte d'un professionnel pour avoir un avis.
L’une des 4 formes de sociétés est la SRL (société à responsabilité limitée). C’est le modèle idéal ?
Dans la grande majorité des cas, la SRL a tous les avantages. Elle permet aux fondateurs et aux actionnaires d'avoir une responsabilité limitée, c'est-à-dire que si les créanciers ne parviennent pas à obtenir ce qu'ils veulent, ils ne peuvent pas en principe agir sur le patrimoine des actionnaires. On le disait, il n'y a plus de capital minimum, donc je vais pouvoir faire un apport qui correspond aux véritables besoins de la société.
Troisièmement, on a une très grande flexibilité au niveau de la rédaction des statuts. Auparavant, il fallait respecter toute une série de dispositions du code des sociétés. Désormais, dans la majorité des cas, on peut s’écarter des dispositions du code des sociétés et associations pour mettre en place des dispositions sur-mesure. On peut par exemple aménager le droit de vote, la manière donc on va se distribuer les dividendes, etc. Il n'y a même plus nécessairement de lien entre la valeur de ce que j'apporte et la contrepartie en termes d'actions.
Qu'en est-il de ceux qui possédaient déjà une SPRL ?
Il y a une obligation de se mettre en conformité avant le 1er janvier 2024. Il faut généralement compter entre 1200 et 1400 € en fonction du travail que cela représente. Jusqu'à la fin 2019, les SPRL qui veulent modifier leurs statuts, par exemple pour modifier leur capital, leur objet social, etc. peuvent soit le faire en restant soumises à l'ancien droit, soit profiter de cette modification de statut pour transformer leur SPRL en SRL.
Mais dans tous les cas, à partir du 1er janvier 2020, les dispositions qu’on appelle “impératives” du nouveau droit s'appliqueront à elles. La société devra par exemple utiliser l'appellation SRL dans ses communications officielles. Et pour les SPRL qui voudront modifier leurs statuts entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2024, elles seront tenues d'adapter leurs statuts au nouveau code.
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