Quinze ans requis contre les dirigeants de «la filière syrienne»

Les frères Othman et Mohamed A. étaient, selon le ministère public, deux maillons essentiels dans le réseau qui, entre 2012 et 2014, achemina vers la Syrie de nombreux candidats au djihad. Des jeunes qui s’étaient croisés « sur le chemin d’Allah » dont l’itinéraire, ici, passait très prosaïquement par « la cage aux ours » et quelques autres lieux de Schaerbeek : la salle de sport Queensbury, le snack « Andaluz », la librairie islamique qu’exploitait Redouane E., le beau-frère des deux frangins. Les jeunes radicalisés fréquentaient aussi les débats et les conférences du CRM – le Collectif de réflexion musulmane, aujourd’hui dissout – la mosquée Koubaa, rue Fraikin, ou la mosquée Ettaouba, rue Stuckens, à Evere – ici, les plus remontés d’entre eux se retrouvaient surtout dans l’appartement situé au-dessus de la salle de prière où l’imam Mohamed B., également poursuivi, haranguait « son fan-club », selon l’expression utilisée par un témoin : « L’imam, a-t-il raconté aux enquêteurs, était capable d’embobiner les gens et de leur retourner le cerveau ». « Team building » à la mer et en Ardenne Il arrivait aussi que ce petit monde se retrouve rue de la Charité, à Saint-Josse, dans l’appartement qu’un oncle de Majid A., un autre prévenu, avait laissé inoccupé après son départ au Maroc. Selon le procureur, Othman A. se multipliait en tout lieu au service de la cause. Son frère Mohamed était son bras droit. Ils étaient de toutes les réunions, de toutes les sorties conçues, paraît-il, comme autant de séances de « team building », sinon d’entraînement paramilitaire : week-ends à Bredene, à Hamoir, descente de la Lesse, parties d’airsoft et de paintball… Il y avait eu, aussi, cet étrange voyage au Maroc où certains parmi eux avaient rencontré « le savant ». Les frères, dit le procureur, organisaient les départs, convoyaient les partants, trouvaient de l’argent, contactaient les passeurs, assuraient l’intendance et les transmissions, achetaient le matos chez Décathlon. De nombreux départs et plusieurs voyages qui tournèrent court Eux, les frères, ils ne partaient pas. Mais ils avaient leurs contacts en Syrie : à commencer par Najim L., parti en février 2013, qui s’occupait d’accueillir les nouveaux arrivants. Il y en aurait beaucoup : les cinq partis de Düsseldorf en décembre 2012 (Le Soir de ce w-e), Khaled K dit « khalid-le-boss » parti avec un des frères Elouassaki, des Kamikaze Riders, en février 2013, Yassine Ch. et Sabri R., le 13 août 2013, Anas A., Brahim L., Ishak G. partis juste après, Mohamed A., arrivé en novembre 2013, Yassine Z et Boubaker A-M… [scald=736728:sdl_editor_representation] Sans parler des nombreuses tentatives qui tourneraient court en Turquie, en Grèce ou en Bulgarie. Faysal M., qui avait vainement tenté de rejoindre en Syrie son cousin Majid A., en juin 2013, avait conçu une telle déception de cet échec qu’il aurait, selon la Sûreté de l’Etat, formé le projet de se venger en s’en prenant à la mosquée chiite Reda d’Anderlecht (qui avait déjà fait l’objet d’un tragique attentat en mars 2012). Relative indulgence pour un « returnee » en thérapie de déradicalisation Parmi tous ceux qui prirent le chemin de « Cham » – la Grande Syrie dans la terminologie salafiste –, le procureur fédéral en épingle plusieurs qui, au sein du réseau, ont occupé « des fonctions dirigeantes » : Ishak G., singulièrement, qui aurait favorisé plusieurs départs – dont celui d’un gamin de 16 ans qui trouvera la mort en Syrie –, Khaled K., qui sera un relais essentiel du réseau en Syrie d’où il apostrophait et menaçait « les koufars » de Belgique, Majid A. qui fournit une aide financière et logistique importante, Younes C.qui présentera plusieurs recrues à Khalid Zerkani – le Molenbeekois, également prévenu dans ce dossier, fera l’objet d’un procès distinct – ou encore Mohamed A. à l’endroit duquel le ministère public fait montre d’une certaine indulgence dès lors qu’il a accepté de suivre « une thérapie de déradicalisation » (parti pour la Syrie en novembre 2013, il aurait fui le pays, « traumatisé », un an plus tard). Le procureur a requis des peines de 7 à 15 ans de prison pour ceux des prévenus qui, à son estime, ont occupé des fonctions dirigeantes au sein de l’organisation. Il a réclamé des peines de 2 à 5 ans pour tous les autres dont plusieurs, toujours en Syrie, sont jugés par défaut. Les plaidoiries des défenses débuteront jeudi.

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