Fashion Week de Paris: vous avez un message

C’est comme aux César, aux Oscars, etc. On est sur scène, vite il faut sortir quelque chose. Dire un truc important, qui va fédérer tout le monde, comme Miss France : « Je suis pour la paix dans le monde ! » Depuis un certain nombre d’années, les défilés de prêt-à-porter, c’est pareil. On a eu, dans un passé relativement proche, deux mariées chez Karl Lagerfeld pour sensibiliser au mariage pour tous, du Gaultier luttant contre le jeunisme, du Galliano donnant dans le sans-abri… Cette saison automne-hiver 2020/2021 semble avoir tout particulièrement soigné son propos. Maria Grazia Chiuri, pour Dior, avait ouvert la semaine avec un show ultra-féministe, Virginie Viard, pour Chanel, la referme avec un défilé sous le signe de la sororité. Mardi matin, dans un Grand Palais étonnamment sobre – fini les décors hollywoodiens de papa Karl ? –, les mannequins déambulaient deux par deux, ou par trois, bras dessus, bras dessous, comme une bande de copines qui sortent en ville, un gang de jeunes badass en bottes de cuir qui n’auraient pas déplu à l’ancien maître de maison. Envie de liberté Virginie Viard parle d’« un élan très simple, très pur. Du romantisme mais sans fioritures. Des sentiments mais pas de froufrous. Du mouvement, de l’air… Pas de cadre. Je n’aime pas ce qui encadre. » Et du film Les Biches de Chabrol « pour ses Parisiennes aussi féminines qu’amazones ». Son envie de liberté se révèle d’ailleurs dans ses emprunts à l’équitation – le cheval de course de Gabrielle Chanel s’appelait Romantica – avec des casaques, des jodhpurs, des costumes à rayures et des bottes de cavalières. Rien de révolutionnaire dans ses prises de position, mais une fraîcheur bienvenue qui tranchait avec le climat sombre et intense de cette semaine de la mode parisienne, marquée par les craintes liées au coronavirus. Mais c’est une autre menace qui a inspiré le directeur artistique de la maison Balenciaga. Le Géorgien Demna Gvasalia, diplômé de l’Académie des beaux-arts d’Anvers, a mis en scène un défilé qui restera dans les mémoires. [scald=27449609:sdl_editor_representation] A la Cité du cinéma à Saint-Denis, le créateur de 38 ans a délibérément inondé le centre de l’amphithéâtre pour sensibiliser le public à la crise climatique. Les fauteuils des deux premiers rangs sont entièrement sous eau, les modèles pataugent dans les flaques, et le ciel de LED s’anime de nuages, de flammes, de lave bouillonnante et d’inquiétants essaims de corbeaux… A la tête de Balenciaga depuis 2015, Demna Gvasalia, porté par une grande vague de pessimisme, signe une collection mixte de longues robes de velours noir, de manteaux à capuche, d’habits ecclésiastiques, des looks gothiques, hardcore et fétichistes où les yeux sont rouges et les ongles vernis de noir. L’inspiration, « c’est l’Espagne », explique-t-il, « les premières robes que Cristóbal Balenciaga avaient faites pour habiller la marquise à l’église », allusion à la marquise de Casa Torres, la toute première à avoir remarqué le talent du jeune couturier. « Pousser les limites, c’était le challenge », poursuit le créateur qui réinscrira cet été la maison Balenciaga au calendrier de la haute couture après 50 ans d’absence. Bestiaire rigolo Comme en écho, l’excentrique designer américain Thom Browne s’est montré lui aussi préoccupé par le déluge : son arche de Noé comptait 33 couples de mannequins, hommes et femmes vêtus de tenues identiques, défilant au cœur d’une forêt de bouleaux enneigée… Tailleur hors pair, il signe d’incroyables costumes-doudounes, des vestes asymétriques, des blazers aux épaules démesurées, le tout assorti de petits sacs à main en cuir grainé en forme de chiens, de tortues, d’hippopotames, d’éléphants et de moutons… Les animaux, nouveaux amis de la mode (il était temps). La Britannique Stella McCartney, pionnière de la mode « eco-friendly », a invité sur le podium du Palais Garnier un bestiaire rigolo pour rallier le grand public à sa cause (lire ci-dessous) : une vache, un crocodile, un cheval et un lapin aux allures de Looney Tunes ont ainsi distribué des boutures d’arbres aux convives. « Nous absorbons le CO2 émis par le défilé afin que son empreinte carbone soit totalement neutre. Planter cet arbre fait partie de la solution », pouvait-on lire sur l’étiquette. « Cloués au sol » « Il n’y a jamais eu un moment où nous ayons eu plus d’espoir de mettre fin à l’utilisation de la fourrure et du cuir dans la mode », confie la créatrice biberonnée à l’écologie par ses célèbres parents, « une pratique cruelle pour les animaux et nocive pour la planète. Depuis le premier jour, nous nous engageons à être une marque responsable et éthique. Nous sommes fièrement la seule maison de luxe au monde à ne pas utiliser de vrai cuir dans nos collections et nous invitons nos amis de la mode à nous rejoindre. » De fait, ce prêt-à-porter – inspiré par le travail de l’illustratrice franco-russe Etré (1892-1990) que Stella a eu la chance de rencontrer quand elle était enfant – mêle étoffes écoresponsables, traçables, recyclées ou régénérées. Elle le dédie aux « femmes qui n’ont peur de rien, ancrées dans la réalité mais à l’esprit libre, les pionnières, les disruptrices, les visionnaires ». A ses côtés lors d’une conférence de presse en amont du défilé, la Costaricaine Christina Figueres, ancienne secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, appuyait ses propos : « Ne pas croire au changement climatique, c’est comme dire qu’on ne croit pas à la gravité. C’est votre droit, mais vos pieds sont tout de même cloués au sol. » [scald=27449610:sdl_editor_representation]

Votre compte

Fashion Week de Paris: vous avez un message

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Mode

Coup de marteau sur la basket: une vente aux enchères d’un nouveau genre

2022, le passé recomposé

Ces odeurs de légumes qui titillent les narines des parfumeurs

Faudra-t-il un jour payer pour utiliser l’imprimé léopard?

Portrait Laetitia Casta: «On me croyait incapable d’interpréter du fait que j’étais belle»

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

La Commission européenne pousse la Belgique à adopter une grande réforme fiscale

Variole du singe: comment la propagation peut être stoppée

Bruxelles n’est plus l’épicentre de la gastronomie belge

L’Ukraine affirme que Vladimir Poutine a été la cible d’une tentative d’assassinat

Reportage Au-delà de la propagande, cette Russie qui est «à 100% derrière le Kremlin»

Roland-Garros: la tenante du titre Barbora Krejcikova éliminée d’entrée

« Nos collaborateurs sont des empereurs, les clients sont rois »

6 Belges sur 10 sont de plus en plus sensibles à la politique climatique de leur emploi

« Nous donnons de la valeur aux idées et encourageons à les transformer en projets concrets »

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel