Contre le {social distancing}, tout contre!
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Un je ne sais quoi dans l’air me pousse à vous proposer cette semaine un billet en mode « coronavirus ». Avec des doigts de plomb, toutefois, en pensant à la sentence de Malherbes : « Le bon poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles ». Un poète, cela se discute encore, mais un chroniqueur de langue, c’est flagrant. Vous lui dites « gilets jaunes », il vous sert un développement sur l’orthotypographie de cette locution. Vous évoquez les défis climatiques, il vous explique doctement la distinction entre brosser et sécher (les cours). Face aux urgences qui enfièvrent l’actualité, pourquoi passer du temps à scruter ces mots qui sont les nôtres, en les regardant par le petit bout de la lorgnette ?

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S'identifier Créer un compteQuelques règles de bonne conduite avant de réagir9 Commentaires
Vous avez tout à fait raison de soupçonner une "paresse intellectuelle" dans ce "recours à des anglicismes opaques", car effectivement, le risque, "c’est d'ajouter de la confusion à une situation qui requiert avant tout un maximum de clarté dans les messages à destination du public". ET D'AILLEURS, VOUS-MEME ne semblez pas avoir remarqué que très souvent, le terme de distanciation sociale ne sert même pas à qualifier un "éloignement" ou un confinement sanitaire", mais, PIRE ENCORE, ne sert qu'à qualifier ce qu'il faudrait appeler la "distance de sécurité" de 1,50 mètre à maintenir avec les gens étrangers à votre cercle familial. Et comme vous, je ne cherche pas à éviter systématiquement les anglicismes s'ils sont clairs.
Eh oui! La fainéantise qui consiste à ne pas chercher à traduire ou adapter les locutions anglaises (ou autres) aboutit souvent à des incompréhensions, voire à une forme de désinformation. Un exemple ancien? L'ancienne Première ministre anglaise parlait (avec rage et mépris!) de "rampant socialism" à propos du premier gouvernement français socialo-communiste de François Mitterand, d'où cette soi-disant "traduction" par "socialisme rampant". Cette "traduction" était évidemment totalement illogique en français. Les dictionnaires élémentaires enseignent d'ailleurs que "rampant" signifie "exubérant, luxuriant" (à propos de végétation), et "to be rampant" signifie sévir, régner (à propos de corruption ou de violence). La traduction "socialisme rampant" constituait donc un piège qu'un strict minimum d'attention et de logique suffisait à éviter.
Quel bonheur et soulagement de lire des articles journalistiques bien pensés et enfin correctement écrits ! Cela devient bien trop rare, et il n'y a pas que la langue française qui y perd (son latin). Je dirais la même chose des commentaires, réfléchis et d'un français correct, aux mots choisis. Ca fait du bien ! Je reprends le commentaire de Madame Ouwerx: Merci Monsieur Francard pour votre saine chronique !
L'anglais et le français sont mes deux langues maternelles, et je les adore au plus haut point. Mais parfois, leurs locuteurs me surprennent. Pourquoi faut-il qu'un francophone me parle d'un "has been" alors qu'un anglophone me parlera de "déjà vu" ; le premier d'un "putsch" et le deuxième d'un "coup" ; d'un "encore" ou d'une "standing ovation" ; quand il ne s'agit pas d'un "meeting" et d'une "reunion" ; et je n'oublie pas "émigré", "résumé", "façade", et "soufflé"...? (Tant de mots donnés sans équivalence mais comme exemples, et toujours en anglais dans le texte !)... Est-ce "risqué" ? Les plus grands auteurs français nous ont donné de l'anglais : Baudelaire et le spleen, Stendhal et le sentimental, Jules Verne et le railway, pourquoi est-ce condamnable ? Mais quand il s'agit de communiquer, d'informer, d'éclairer les francophones, alors décidément oui, il faut parler "français" : accompagnement pour coaching, identification pour badging, éloignement social pour social distancing, etc. Les Anglais eux-mêmes se rebiffent contre ce qu'ils appellent "appropriation", c'est à dire l'utilisation de leur langue par des gens qui n'y connaissent rien, pour ne rien dire, et pour que l'on ne les comprenne pas ! Ainsi, "screener, handy, mailer, beamer, etc." sont des mots purement inventés ou mal utilisés par les Hollandais ou les Allemands, et ensuite nos compatriotes flamands. Ce qui entraine, vu leur complexe d'infériorité, de nombreux francophones a adopté ces "ersatz" ! Un des mots les plus utilisés par la commission européenne est "to precise"... et malheureusement ce mot n'existe pas comme verbe en anglais ! C'est sans doute dommage, mais bon... il y a "clarify ou specify" et c'est déjà bien. Merci M. Francard pour cette excellente, instructive, et spirituelle rubrique "dédicacée"* à la langue française. * Terme employé par de nombreux représentants politiques à la région wallonne ou à la communauté française !!! Et merci encore de réveiller les flemmards qui sommeillent en nous !
Ah, si les journalistes du Soir (et les autres) avaient la bonne idée de lire votre excellent et réjouissant commentaire...