Coronavirus: l’horeca en plein désarroi

C’est une catastrophe, une situation inédite, incomparablement plus préoccupante que le lockdown suite aux attentats de 2016. » Pour décrire ce que traverse en ce moment son secteur, il ne mâche pas ses mots, Philippe Trine, le président de la Fédération Horeca Bruxelles. Et pour cause : dans la capitale, et à travers tout le pays, l’épidémie de coronavirus est lourde de conséquences pour les restaurants, les hôtels et les services traiteurs. [scald=27463527:sdl_editor_representation] Ces derniers souffrent tout particulièrement des annulations en chaîne d’événements privés. On ne compte plus les séminaires d’entreprises reportés, les congrès internationaux évaporés ou encore les loges VIP de rencontres sportives ou de spectacles désertées… Les restaurateurs spécialisés n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. « Comme tout est annulé, je n’ai plus aucune réservation confirmée jusque début avril », se désole Fabian Hermans à la tête d’un centre de séminaires à Ophain et d’un service traiteur spécialisé dans les événements d’entreprises. « Je viens d’apprendre que des matches de Coupe de Belgique de basket féminin n’auront pas lieu ce week-end. Nous devions assurer la restauration pour les loges VIP. Nous perdons donc 500 couverts. Cela s’ajoute à l’annulation de 800 couverts pour le secteur bancaire la semaine prochaine. » « Des pertes sèches » En conséquence, Fabian Hermans, par ailleurs administrateur trésorier de la Fédération Horeca Bruxelles, s’attend à « des centaines de milliers d’euros de pertes. » Dès ce jeudi soir, après avoir nettoyé les installations et le matériel de son entreprise, son personnel partira en chômage économique. « Comme je dépends à 99 % du B to B et que les événements de particuliers comme les mariages ne reprendront qu’en avril, nous sommes forcés de nous mettre à l’arrêt, tout comme de nombreux autres confrères. » Du côté de la Fédération Horeca Wallonie, le président Thierry Neyens confirme. Et il ajoute : « La particularité de l’horeca, c’est qu’il vend en temps réel. Lorsqu’un congrès est annulé et pas postposé, sans autre demande pour le remplacer, c’est une perte sèche. » [scald=27463528:sdl_editor_representation] Les traiteurs ne sont pas les seuls à souffrir, ajoute le représentant des restaurateurs et hôteliers wallons. Avec la raréfaction de leurs clients d’affaires mais aussi des touristes, de nombreux hôtels wallons enregistrent des baisses de fréquentation notables. « Depuis 15 jours, ils subissent 15 à 35 % de rentrées en moins, sans pouvoir se tourner vers les assurances qui ne couvrent pas les pertes à cause du virus ». Horeca Vlaanderen indique que la vague d’annulations et la raréfaction de nouvelles réservations concernent également le Nord du pays, suscitant l’inquiétude de ses membres. Plus de serveurs que de clients L’impact économique du coronavirus ne se limite hélas pas au catering et à l’hôtellerie. De plus en plus de restaurants sont également touchés. Ainsi, à Bruxelles, « depuis 15 jours, les grands restaurants tenaient vaille que vaille le coup avec des pertes de 30 à 50 % de leur activité. Mais depuis lundi, leur situation s’est encore dégradée, à tel point que certains d’entre eux, notamment ceux qui vivent de l’activité culturelle de la ville, envisagent de fermer temporairement », assure Philippe Trine. « Dans certains établissements, il y a plus de personnel que de clients. Ils réalisent à peine 10 % de leur chiffre d’affaires habituel ». A en croire le représentant de l’horeca bruxellois, une partie de la clientèle des grands restos de la capitale semble redouter à ce point le Covid-19 qu’elle préfère éviter les lieux publics, singulièrement ceux où l’on sert de la nourriture fraîche. Et ce, malgré des mesures particulières, comme l’écartement des tables et l’entretien fréquent des poignées de portes. « Pourtant, en matière d’hygiène, nos établissements sont les endroits les plus sûrs, vu les normes que leur impose l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), » plaide Philippe Trine. « Ils sont nettoyés trois fois par jour, leurs tables sont passées au désinfectant entre chaque client et, en cuisine, le personnel est équipé pour assurer une propreté parfaite. Puis, les gens ont besoin de manger et de se faire plaisir ». Demande d’un soutien rapide Pas sûr toutefois que ces arguments soient suffisants pour faire revenir les clients les plus apeurés. Quant à la livraison à domicile, elle ne semble pas, à ce stade, décoller au point de compenser les pertes de couverts en salles. « Des gens ont peur que les livreurs soient des vecteurs du virus, » glisse Philippe Trine. De nombreux restaurants seront donc confrontés assez rapidement à des difficultés financières. « Nous sommes capables de faire le gros dos durant 15 jours. Mais on n’effacera pas les blessures d’un secteur déjà exsangue, » regrette Thierry Neyens rappelant que sur 950 faillites d’entreprises en janvier-février, tout secteur confondu, 388 concernaient l’horeca, soit une augmentation de 9 % par rapport à 2019. « Il est donc temps que le gouvernement wallon prenne rapidement des mesures de soutien ». Même son de cloche chez son alter ego bruxellois : « Nous avons besoin que les pouvoirs publics prennent des mesures immédiates comme le recours sans délai au chômage économique et l’annulation – et non pas le report – des charges patronales ». A défaut d’aide, le secteur pourrait pâtir « de centaines, voire de milliers de faillites. » Le gouvernement bruxellois, qui a entendu la détresse de l’horeca, est en train de plancher sur des solutions de soutien au secteur.

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