Israël: la crise du coronavirus renforce Netanyahou

Binyamin Netanyahou est à la barre. C’est le message que le Premier ministre israélien veut faire passer, non sans succès, alors qu’Israël subit comme les autres les assauts du coronavirus (529 cas diagnostiqués ce 19 mars à 10 heures du matin). Problème : certaines mesures sanitaires prises ainsi que la neutralisation de la toute nouvelle Knesset ont entraîné une levée de boucliers. [scald=27473856:sdl_editor_representation] Netanyahou a assez rapidement saisi l’ampleur du défi. Les entrées en Israël ont été restreintes (et même interdites depuis ce jour, sauf les retours de résidents), les écoles et les commerces non essentiels ont dû fermer et des mesures de confinement ont été fortement conseillées, mais pas encore ordonnées. Le recours au service de sécurité intérieure, le Shin Beth, s’est révélé plus controversé. Aussi appelé Shabak, ce service connu pour sa lutte « antiterroriste » pourra, sans autorisation de justice, procéder à la localisation des porteurs du virus et des personnes en quarantaine via les opérateurs téléphoniques. C’est ce qu’affirme la presse israélienne, car la mesure n’a pas été rendue publique. Elle a entraîné des protestations, comme celle, citée par le site TimeofIsrael.com, de Tehilla Shwartz Altshuler, du think-tank Israel Democracy Institute, qui estime que le fait d’impliquer un service de sécurité dans une crise sanitaire crée « un dangereux précédent ». « Nuire à la démocratie » Mais c’est toute la classe politique israélienne qui est ébullition depuis quelques jours. L’opposition, qui est… majoritaire, s’aperçoit en effet que cette crise est mise à profit par le Likoud, le parti de Netanyahou, pour, estime-t-elle, confisquer la démocratie. L’inamovible président du parlement (la Knesset) depuis 2013, Yuli Edelstein, figure de proue du parti du Premier ministre, a en effet décidé de… fermer cette Knesset au moins jusqu’à lundi prochain, une mesure unilatérale dénoncée par l’opposition. Même le président de l’Etat d’Israël, Reuven Rivlin, pourtant issu des rangs du Likoud, a fait savoir qu’il avait contacté Edelstein pour l’avertir : « Une Knesset qui n’est pas en activité, lui a-t-il dit, nuit à la capacité de l’État d’Israël de fonctionner correctement et de manière responsable en cas d’urgence. Nous ne devons pas laisser cette crise, aussi grave soit-elle, nuire à notre système démocratique ». [scald=27473857:sdl_editor_representation] La manœuvre du président de la Knesset répondait à une menace urgente, non liée au coronavirus. L’heure était grave pour Binyamin Netanyahou puisque l’opposition réunie, à savoir le centre droit de Benny Gantz, la liste arabe unie, la gauche et un parti d’extrême droite ultralaïc, avec 61 voix sur 120 à la Knesset, avait, malgré son caractère hétéroclite, recommandé que Gantz soit désigné Premier ministre, et Reuven Rivlin avait accepté de le désigner pour tenter de former un gouvernement. Cette opposition comptait donc commencer par changer la présidence de la Knesset, et mettre ainsi fin au règne d’Edelstein, ce qui lui était nécessaire avant de pouvoir prendre des mesures comme l’adoption d’une loi prohibant la désignation d’un Premier ministre inculpé. Or Netanyahou va bientôt être jugé pour corruption dans trois affaires distinctes (il a toutefois veillé à faire reporter le début de son procès en gelant les activités judiciaires pour cause de pandémie). L’opposition compte sur un recours à la Cour suprême pour donner tort à Edelstein dans son gel de la Knesset. « Seul responsable compétent » D’aucuns s’indignent de cette situation. Comme Anshel Pfeffer, chroniqueur du Haaretz, qui estime qu’« qu’Edelstein a suspendu la démocratie pour la première fois de l’histoire d’Israël (…) », pays qui « n’a jamais été aussi proche d’un coup d’État ». [scald=27473858:sdl_editor_representation] Il reste que nombre d’Israéliens ont sans doute pour l’heure d’autres préoccupations, liées à leur survie même. Et, à ce propos, des sondages indiquent que la gestion de la crise sanitaire par le Premier ministre, fût-il intérimaire et sans majorité, est bien acceptée par la population. Le politologue juif américain Evan Gottesman, du Israel Policy Forum, un think tank progressiste, admet d’ailleurs que « la gestion de Netanyahou renforce cette image qu’il a construite de seul responsable compétent pour la sécurité nationale d’Israël et le bien-être de ses citoyens ».

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