Kevin Borlée: «On a de la chance dans notre malchance»

Normalement il aurait dû, à cette époque de l’année, être en train de faire ses valises pour un stage à l’étranger, aux Etats-Unis vraisemblablement, pour se préparer avec le reste du « Team Borlée » en vue de la saison estivale. « C’est la première fois depuis 2007, si je ne m’abuse, que nous ne sommes pas partis », dit Kevin Borlée, le capitaine de l’équipe belge de 4 x 400 m, alias les Belgian Tornados, bloqué au pays par la crise du Covid-19 et ses restrictions sur le plan des déplacements. Alors, en compagnie de ses frères, et sous la direction de son père, il tente de s’adapter aux circonstances de la nouvelle vie imposée aux Belges en s’entraînant quotidiennement dans le tout nouveau hall d’athlétisme de Louvain-la-Neuve, laissé à la disposition des sportifs francophones de haut niveau par la Fédération Wallonie-Bruxelles. « On a de la chance dans notre malchance. Grâce à cette salle, on peut quand même optimiser nos entraînements et c’est un vrai plus. Par rapport à d’autres, on n’a vraiment pas à se plaindre. L’avantage de notre sport, c’est qu’il n’y a pas de contact physique et qu’on peut respecter les mesures d’hygiène qui nous sont imposées, avec prise de température à l’entrée et utilisation régulière de gel désinfectant. De plus, nous ne sommes pas très nombreux sur la piste, ce qui facilite la distanciation sociale. » « Il faudra être solidaire » Kevin Borlée passe l’autre moitié de son temps à son domicile bruxellois, suivant en cela les recommandations du gouvernement. « C’est un mode de vie dont on n’a pas forcément l’habitude, mais je suis moins impacté que d’autres personnes, c’est sûr. Il s’agit d’un effort collectif. Il faut laisser faire les experts et les gens responsables, leur laisser prendre les bonnes décisions en connaissance de cause. On n’a pas trop le choix. Il faut éviter de s’éparpiller là-dessus. Si on veut arriver à changer les choses à court ou moyen terme, ce n’est que comme ça qu’on y arrivera. » Il le fait en délaissant ses habituelles séances quotidiennes de kiné. « Il nous a été recommandé de ne nous rendre chez lui qu’en cas de vrai problème qui pourrait nous empêcher de nous entraîner. Pour lui, c’est une situation difficile également… » C’est en se rendant quotidiennement à Louvain-la-Neuve qu’il dit prendre le plus conscience de la gravité de la situation et des inévitables retombées économiques que la crise va engendrer. « Quand on prend l’autoroute et qu’il n’y a pratiquement aucune voiture là où, d’habitude, on est dans les embouteillages, on se rend compte de l’impact de cette crise. J’imagine qu’elle sera terrible pour l’économie du pays. Il faudra être solidaire dans les mois qui viennent. » « Trop-plein d’énergie » S’entraîner sans avoir de vraies perspectives, c’est le vrai problème actuel du sprinter qui avoue « avoir un trop-plein d’énergie » qu’il ne peut évacuer que quand il a deux entraînements quotidiens. Avec l’annulation de toutes compétitions, « ce qui pèse, c’est l’incertitude ». « Ne pas avoir de point de repère, c’est gênant. On ne sait pas vers quoi on va. Heureusement, on a une certaine chance de pouvoir continuer à travailler : il y en a qui doivent fermer leur commerce ou leur entreprise, c’est beaucoup plus compliqué. » Le point de repère, pour lui, c’était les Jeux olympiques de Tokyo. Même si le CIO s’arcboute sur les dates annoncées – du 24 juillet au 9 août –, la perspective de les voir reportés de quelques mois ou d’un an ou deux ne semble pourtant pas (encore) le tracasser. « On me demande souvent ce que j’en pense. Je suis quelqu’un de positif et j’ai envie d’y croire. Tant qu’on ne dira pas que c’est annulé, je vais continuer à m’entraîner en fonction de ça. C’est une situation qui nous dépasse, qu’on ne peut pas contrôler. Si les Jeux sont reportés en 2021 ? Jusqu’à présent, la préparation se passe très bien et ce serait un coup dur. Si c’est reporté d’un an, il va falloir se reposer, se ressourcer, se remobiliser et repartir pour un tour avec les Jeux en ligne de mire. Mais 33 ans (en 2021) ou 32 (aujourd’hui), cela ne fait pas trop de différence. On fera avec. De toute façon, on n’a pas le choix. »

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