Christian Benteke: «Un retour en Belgique? Je suis fait pour l’Angleterre»

Christian Benteke était en pleine bourre, lancé à toute allure avec Crystal Palace dans une fin de championnat prometteuse et, sur le plan individuel, dans un sprint final vers l’Euro 2020 lorsque la crise du coronavirus a débuté. Reclus chez lui à Croydon, dans la banlieue sud de Londres, non loin du complexe d’entraînement de Palace, le Diable rouge a accepté de faire le point sur de nombreux sujets. Christian Benteke, première question incontournable : comment se passe le confinement ? Ça va, on le vit avec les enfants, mais aussi mon frère (Jonathan, qui évolue à Aix-La-Chapelle, en Allemagne, NDLR) et ma sœur, qui m’ont rejoint ici. Autant le faire en famille ! Je ne dirais pas que c’est gai et amusant d’être dans cette situation-là, mais on sait les répercussions et le bien qu’on peut faire juste en accomplissant un petit truc, pas très compliqué à la base, qui est simplement de rester à la maison. [scald=27510069:sdl_editor_representation] C’est ce que vous faites ? Comme tout le monde. Je suis juste sorti pour me livrer à quelques séances de courses nocturnes, après 22 heures, quand il n’y a plus personne dans les rues. Le reste du temps, je ne fais que du vélo, ici à la maison, et dans le jardin un peu d’exercices d’étirement et de gainage, avec Jonathan. On est susceptibles de reprendre les entraînements d’ici quelques semaines et donc là, ça va être important de recommencer à courir, mais en prenant toutes les précautions d’usage et en ne faisant pas ça, par exemple, en plein après-midi. Quelle est votre situation exacte ? Comme c’est le cas dans plusieurs clubs en Belgique, Crystal Palace a-t-il recours au chômage économique pour force majeure ? Non, pour l’instant, on a une situation correcte, Palace n’est pas dans l’inquiétude financière. Je dis bien « pour l’instant » parce que je pense que si ça continue, on le sera. On n’est pas dans l’inquiétude, mais le club nous a demandé de faire des dons. Des joueurs en ont déjà fait pas mal, on dispose d’un organisme via lequel tout l’effectif va aussi en faire un. Dans cette très grave crise sanitaire qu’on traverse tous, c’est simplement normal… La Fédération anglaise de football a proposé de mettre le stade de Wembley à disposition de la Premier League afin de pouvoir terminer la saison, quitte à y jouer plusieurs matchs par jour. Quelle est la tendance en Angleterre ? Au club, ils ne savent pas dire, même à la grosse louche, quand on va reprendre les entraînements. J’ai lu pas mal de trucs, dont ce scénario qui passe par Wembley. Ils disent qu’on aurait besoin de 50 à 55 jours pour disputer les neuf dernières journées de championnat avec une cadence, en gros, de deux matchs par semaine. Il y a beaucoup d’hypothèses sur la table, mais il va falloir voir avec l’évolution de ce foutu virus. Le gouvernement va décider, mais il faudra, j’imagine, tenir compte des droits TV. C’est Sky Sport qui paie quasiment tous les clubs avec la retransmission de tous les matchs en direct. Et en Angleterre, on ne parle pas de petites sommes. Je suis optimiste. On terminera le championnat, ça, j’en suis sûr, parce qu’il n’y a derrière aucune compétition internationale. Ça prendra du temps, un mois, deux mois, mais ça reprendra. Sans cette crise sanitaire, le championnat se serait quand même achevé à la mi-mai. Vu qu’il n’y aura pas d’Euro, terminer la saison en juin ne changerait pas grand-chose. Êtes-vous d’accord pour dire que vous concernant, cette crise est tombée au plus mauvais moment qui soit parce que vous restiez sur cinq matchs de très bon niveau, entamés comme titulaire ? Bien sûr. Je me souviens que la première chose que j’ai faite lorsque le confinement a démarré, c’est envoyer un message à mon équipier Jordan Ayew pour effectivement le lui faire remarquer. J’étais bien individuellement. Et collectivement, on était bien aussi, Crystal Palace jouait bien, on faisait de bons matchs et je pense qu’on allait terminer la saison d’une belle manière. Sur un plan plus personnel, cela m’aurait permis de jouer à fond ma chance pour être dans le groupe pour l’Euro. Comment expliquez-vous ce retour au top après avoir traversé une période beaucoup plus délicate ? Je me sentais bien physiquement, j’étais en pleine possession de mes moyens et c’est souvent le cas quand j’ai la possibilité de jouer, d’enchaîner les matchs, a fortiori dans une compétition où le rythme est aussi élevé. Là, j’en avais l’occasion mais, malheureusement, il y a eu ce virus. Mais je ne vais pas me plaindre et commencer à râler. Quand on regarde sur un plan plus large, que ma belle série ait été ainsi stoppée ne pèse absolument rien par rapport à la perte de milliers de personnes. Après votre but inscrit le 8 février à Everton, qui mettait fin à près de 300 jours de disette, vous aviez déclaré avoir vécu les moments les plus difficiles depuis votre arrivée en Angleterre, à l’été 2012. À ce point-là ? Oui, parce que j’ai rarement connu des périodes aussi longues sans marquer. Cela a donc été compliqué, mais la beauté du football, c’est que tu as une nouvelle chance tous les six jours. Quel dommage qu’il y ait eu ce coup d’arrêt ! [scald=27510068:sdl_editor_representation] Comment avez-vous accueilli les critiques qui, avant cela, s’étaient abattues sur vous ? Comme doit le faire un joueur dont on attend beaucoup, sinon ces critiques n’existeraient pas ou seraient moins importantes. Ce n’est pas un discours de circonstances, mais les critiques, je n’y fais pas attention parce que je suis le premier à me critiquer lorsqu’il s’agit de juger mes propres prestations. J’ai toujours été assez dur envers moi-même et j’estime que c’est plus important que ce que les gens ou les spécialistes du foot peuvent penser. Et puis, plus globalement, je continue bien sûr d’écouter, mais avec l’âge et avec deux enfants, on relativise beaucoup plus facilement et on voit les choses autrement. Et, même si ce n’est pas toujours facile, il faut rester positif parce qu’il n’y a que ça qui fait avancer. Dans ce milieu, il n’y a pas de magie, rien ne va tomber du ciel. Est-il plus difficile d’accepter certaines critiques lorsque, comme vous, on a inscrit 81 buts et délivré 28 assists en Angleterre ? Je sais ce que j’ai bien fait et je sais aussi qu’il n’y a pas beaucoup de joueurs qui restent aussi longtemps que moi en Premier League. Cela me permet de ne pas tout remettre en cause lorsque ça ne va pas ou dès que ça va moins bien. Cela aide aussi à savoir ce que je dois changer pour faire ce que je réalisais avant. Lorsque vous avez appris que l’Euro était reporté d’un an, quelle a été votre réflexion ? Et est-ce que cela change quelque chose pour vous ? Pas vraiment. Y aurais-je participé ? Peut-être. Il fallait encore prouver, bien prester sur les neuf derniers matchs. Avec des joueurs blessés, d’autres qui ne jouaient pas beaucoup, tout restait ouvert, je crois. Je n’avais pas le sentiment que la sélection de Martinez était déjà faite parce qu’il lui fallait encore des certitudes sur certains joueurs, dont moi. Le débat n’était pas tranché. Beaucoup ne vous donnaient aucune chance d’y aller… C’est pour ça qu’il faut écouter ce que Martinez dit, pas les autres, qui sont forcément plus subjectifs. Je le répète, j’ai la conviction que tout restait possible. Dans une sélection pour un Euro, il y a toujours une surprise, un joueur qu’on n’attend pas qui est repris, ou l’inverse. Je sais que Martinez voyage beaucoup, tout comme son adjoint, et qu’il voit les prestations des joueurs en live. J’entends ici et là qu’on remet ma participation en cause mais, à chaque fois, et je le dis en toute modestie, que le sélectionneur fédéral m’a retenu et m’a fait jouer, j’ai bien presté et montré ce que j’étais capable de faire. C’est, à mes yeux, un élément important du débat. Martinez sait très bien, et mieux que tout le monde, ce que chaque joueur peut apporter dans son système, son équipe et son animation. Lors du dernier mercato d’hiver, Tottenham, qui devait pallier la longue absence de Harry Kane, s’est intéressé à vous, tout comme Aston Villa, le premier club anglais pour lequel vous avez évolué. Malgré deux saisons plus difficiles, votre cote reste excellente en Angleterre… Je prends l’intérêt de ces deux équipes comme une reconnaissance. Ici, les gens sont corrects : ils savent que tu es un bon joueur, que tu peux apporter un plus. Chacun traverse des moments plus compliqués sans que ça ne remette en cause sa valeur. Parce qu’on voit plus loin que le bout de son nez ? C’est exactement ça. En Angleterre, tous les paramètres sont pris en considération. Ils dépassent largement le total de buts marqués. Le nombre de duels remportés de la tête, un domaine dans lequel je suis assez efficace, la pression mise sur la défense adverse, le jeu dos au but, l’expérience, l’engagement, le professionnalisme du joueur : tout cela est mis dans la balance en partant du principe que les qualités d’un joueur ne s’évaporent pas. Pourquoi avoir refusé d’aller plus loin avec Tottenham et Aston Villa ? Parce que j’avais besoin de stabilité, avec les enfants notamment. Et puis, je suis très bien à Crystal Palace. Après des formations turques et un club chinois prêts à mettre sur la table des montants énormes, c’est, en décembre 2019, le FC Bruges qui a voulu vous rapatrier. Vincent Mannaert avait fait le forcing pour vous avoir. En vain. Parce qu’il est difficile de quitter Londres et le championnat anglais ? L’intérêt de Bruges était vraiment concret, mais je n’étais tout simplement pas intéressé. Je suis fait pour l’Angleterre. C’est un pays qui me va bien, un championnat qui me convient et que j’adore. C’est le cas depuis que j’y ai posé les pieds. Et même avant… Pour l’instant, je ne me vois pas dans une autre compétition, même s’il ne me reste plus qu’un contrat à Crystal Palace. Quels seront vos objectifs pour les mois à venir ? Essayer de bien terminer le championnat et faire preuve de plus de constance la saison prochaine afin d’éviter d’alterner les bons et les mauvais moments.

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