Israël: un gouvernement d’urgence qui sauve Netanyahou

Décidément insubmersible, Binyamin Netanyahou a une fois encore sauvé sa peau. Il n’avait pourtant pas réuni de coalition majoritaire évidente après les dernières élections, mais au bout du compte, l’accord conclu en fin de journée ce 20 avril à Jérusalem avec son grand rival l’ex-général Benny Gantz va lui permettre de rester Premier ministre pour au moins un an et demi. Il aura fallu trois élections législatives anticipées successives sans vainqueur net, les 9 avril et 17 septembre 2019 puis le 2 mars 2020, et de longues et laborieuses négociations pour en arriver à ce pacte scellant, sauf surprise, une alliance politique qui court sur trois ans. Et quel aura été le déclic décisif ? Le coronavirus, pardi ! La pandémie – près de 14.000 cas décelés et 181 décès confirmés en Israël ce 21 avril – se présente en effet comme ailleurs comme une menace grave qui met la santé des citoyens et l’économie en péril, ce qui a décidé Benny Gantz, selon ses dires, à revenir sur sa parole de ne jamais servir dans un gouvernement dirigé par un homme politique inculpé. Netanyahou, on le sait, doit affronter ses juges à partir du 24 mai pour répondre de trois chefs d’inculpation (corruption, fraude et abus de confiance), et pour nombre d’observateurs en Israël, son souci majeur reste celui d’éviter une condamnation pénale et, donc, la prison. Rotation du poste de Premier ministre dans 18 mois Quels ingrédients les deux hommes ont-ils décidé de mettre dans leur accord ? D’abord une rotation pour le poste de Premier ministre, Netanyahou s’engageant à céder sa place à Gantz en octobre 2021, chacun des partenaires bénéficiant du titre de vice-Premier ministre pendant le terme de l’autre. Le parti de centre-droit de l’ex-militaire, avec ses alliés, obtient l’exacte moitié des 32 portefeuilles ministériels, qui passeront à 36 après la crise du Covid-19. Avec les 16 vice-ministres également prévus, près de la moitié de la Knesset se retrouvera au gouvernement… Plus important : Gantz, qui sera aussi ministre de la Défense, obtient un droit de veto sur toute décision gouvernementale ou texte de loi déposé à la Knesset. De son côté, Netanyahou, qui garde un œil en permanence tourné vers son avenir judiciaire, aura le dernier mot sur la désignation de l’inspecteur général de la police, de l’avocat général et du procureur de l’Etat. Le Premier ministre sortant a aussi inclus une clause stipulant que, si la Cour suprême d’Israël devait jamais décider qu’il n’était plus apte à conserver son poste en raison de son procès, des élections auraient lieu dans les six mois. Annexer des territoires avant l’élection aux USA Mais si le gouvernement qui se met en place s’assignera comme mission première de lutter contre les ravages du virus, « Bibi » Netanyahou a tout de même arraché de lui adjoindre une priorité politique controversée : l’annexion de territoires palestiniens occupés, telle que prévue par le fameux plan Trump qui satisfait la majeure partie des exigences de la droite extrême israélienne. Ainsi est-il stipulé que, pour ce 1er juillet, le gouvernement va organiser l’annexion des colonies juives et de la vallée du Jourdain, pour autant qu’il reçoive l’aval de l’administration américaine. Le but est de clore ce dossier brûlant avant l’élection présidentielle américaine du 3 novembre, qui risque de mettre un terme au règne du fantasque locataire actuel de la Maison-Blanche. L’attelage Netanyahou-Gantz devrait obtenir une solide majorité à la Knesset, mais les veto mutuels prévus entre eux pourraient faire basculer la coalition vers la paralysie. Si ce gouvernement tient néanmoins jusqu’en octobre de l’année prochaine, Netanyahou quitterait ses fonctions pour la première fois depuis 2009. Il se passerait sans doute volontiers de cette perspective, mais la seule autre option, des élections – les quatrièmes de rang ! –, semblait trop difficile à imposer alors que le pays fait face aux assauts du coronavirus. « La fin de la démocratie israélienne » Les premières réactions après l’accord conclu par le duo Netanyahou-Gantz visaient d’abord l’annexion prévue de territoires palestiniens. Pour Saeb Erekat, l’une des principales personnalités au sein de l’Autorité palestinienne, « une coalition gouvernementale fondée sur l’engagement d’annexer plus de territoires palestiniens occupés est une menace pour la paix, la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient. L’annexion signifie la fin de toute possibilité de solution négociée ». Enfin, pour l’organisation israélienne La Paix maintenant, « les coûts de l’annexion seront beaucoup plus élevés que les coûts démoralisants de la crise du Covid-19. Surtout, annexer des territoires sans accorder tous les droits de citoyenneté aux millions de Palestiniens qui seraient laissés dans des enclaves nominalement autonomes sous la domination israélienne signifierait la fin de la démocratie israélienne ».

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