Tous testés à partir du 4 mai? Pas la peine d’espérer…

Le 16 mars, soit il y a une éternité, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) paraphrasait sans le savoir Charles Michel, avec son désormais célèbre « Test, test, test ». Une course folle s’était alors lancée, tous les dirigeants y allant de leur effet d’annonce. Le ministre fédéral Philippe De Backer (VLD), sorti de son placard par une Maggie De Block (VLD) visiblement dépassée, promettait alors que 10.000 personnes seraient testées tous les jours dès la fin du mois de mars. [scald=27513430:sdl_editor_representation] Un mois plus tard, on n’y est toujours pas. Loin de là. Le chiffre quotidien tourne plutôt autour des 5.000 tests, à peine 4.200 ce mardi. On parle ici des tests PCR qui permettent de détecter le virus via un prélèvement dans les cavités nasales, avant d’être analysé en laboratoire. On sait alors si une personne qui présente les symptômes du Covid-19 est effectivement contaminée. Jusqu’à cette semaine, ces tests étaient uniquement réalisés dans les hôpitaux (sur les cas suspects) et au sein des maisons de repos. Les critères viennent d’être fortement élargis. Désormais, tout nouvel entrant à l’hôpital ou dans une collectivité (maisons de repos, centre d’accueil pour jeunes, prison…) sera testé. Même topo pour tous ceux qui présentent des symptômes grippaux. Un test PCR peut être directement réalisé par le médecin généraliste. On parle d’un potentiel de 10.000 tests quotidiens supplémentaires qui pourraient être réalisés par ce canal. Testeurs et enquêteurs La distribution des kits auprès des médecins a déjà commencé, assure le cabinet De Backer, mais on s’attend tout de même à des problèmes logistiques. « Il faudrait une dizaine d’écouvillons (sorte de gros coton-tige qui permet de faire un prélèvement dans le nez, NDLR) par jour, par médecin », estime un membre de la task force testing. « Or, en Belgique, on peut en produire environ 15.000 par jour, ce qui est déjà un peu insuffisant. » Concrètement, que se passe-t-il désormais si je crois avoir les symptômes du coronavirus ? « Les généralistes équipés vont tester via un PCR », détaille Emmanuel André, virologue et porte-parole interfédéral de la lutte contre le Covid-19. « Si le malade ne doit pas être hospitalisé, il sera directement renvoyé chez lui. Le médecin notifiera ensuite le cas suspect en attendant le résultat du test. » Les fameux « enquêteurs » dont on parle beaucoup ces derniers jours entreront alors en action. A eux de contacter toutes les personnes ayant approché le cas suspect. Seront-elles confinées à leur tour ? Mystère à ce stade, mais cela semble probable. « La suspicion doit être l’élément central », poursuit Emmanuel André. « Pour prévenir l’expansion de la maladie, il ne faut aucun délai entre le moment de la suspicion et la mise à l’isolement de la personne contaminée. Le test n’est qu’un élément qui permet d’avoir une confirmation. En réalité, il faut surtout se focaliser sur le rapport entre le nombre de cas d’infections journaliers potentiels (estimé à mille par jour dans les scénarios pessimistes) et le nombre de tests disponibles. » 40.000 tests maximum en théorie, deux fois moins en pratique Selon les experts contactés par Le Soir, si tous les maillons de la chaîne fonctionnent parfaitement, on pourrait arriver en mai à 20.000 personnes testées par PCR chaque jour. Certains estiment que le chiffre de 30.000 est envisageable… Par contre, les 40.000 ou 50.000 promis par certains ministres ces dernières semaines semblent irréalistes. « Théoriquement, c’est possible », explique Fabrice Bureau, vice-recteur en charge de la recherche à l’université de Liège. « On a la capacité technologique et scientifique d’arriver à 40.000 tests par jour en Belgique. Sauf que la logistique sur le terrain ne suit pas. On aura toujours des tubes qui disparaissent parce qu’ils ne sont pas bien étiquetés ou des écouvillons cassés… » D’autres problèmes logistiques s’annoncent déjà à l’horizon car la stratégie de déconfinement passera aussi par des tests sérologiques à grande échelle. La principale différence avec les PCR est que ces tests indiquent qui a été ou n’a pas été malade, via la présence d’anticorps dans le sang. Ils ne sont pas encore utilisés en Belgique, à l’exception du personnel d’un hôpital flamand qui participe depuis mercredi à une expérience pilote. Anticipant le fait qu’ils joueront un rôle important au moment du déconfinement, Philippe De Backer a déjà passé commande à plusieurs entreprises, dont la liégeoise ZenTech. Les stocks sont donc en train de se former, en attendant des directives. Car actuellement, la Belgique navigue à vue. « Une stratégie existait, mais on a été pris de court par le revirement de l’OMS sur la question des tests sérologiques », confirme-t-on à bonne source. [scald=27513427:sdl_editor_representation] Controverse scientifique du moment Cette dernière a effectivement fait savoir, dès le 8 avril qu’ils n’étaient pas assez fiables. « C’est la grosse controverse scientifique du moment », confirme Eric Muraille, immunologiste (ULB). « Sur les virus Sras précédents (les cousins du Covid-19, NDLR), les personnes touchées développaient une immunité valable deux ou trois ans. Avec le Covid-19, on a vu des personnes testées positives aux anticorps être réinfectées, notamment en Corée du Sud. Peut-être qu’il s’agissait simplement à la base de faux positifs, mais la leçon est qu’on n’a pas encore assez de recul. » Tester dès début mai le sang de tous les Belges visés par les mesures de déconfinement n’aurait donc pas beaucoup de sens. Cela pourrait même donner un faux sentiment de confiance à ceux qui apprendront qu’ils ont développé des anticorps. A ce stade, le réel intérêt des tests sérologiques à grande échelle serait de nous donner des précisions sur le taux de personnes qui ont été infectées par le Covid-19. Pour l’instant, à cause du confinement, les experts estiment qu’à peine 5 % de la population a développé une immunité. Or, ce taux devrait être d’au moins 60 % – avec des anticorps performants – pour que « l’immunité collective » de la population nous permette de recommencer à vivre normalement. [scald=27513428:sdl_editor_representation] Une stratégie pour le week-end ? Il nous revient encore qu’il faudra attendre au minimum jusqu’à ce week-end pour connaître la stratégie fédérale en matière d’utilisation des tests sérologiques. Philippe De Backer compte l’implémenter en fonction des annonces vendredi du Conseil national de sécurité (dirigé par Sophie Wilmès), qui se basera sur le rapport du GEES (le groupe de travail dédié au déconfinement) pour déterminer les groupes cibles prioritaires. « Tout le monde se parle en permanence », glisse-t-on pour nous (se ?) rassurer. [scald=27513429:sdl_editor_representation] Bref, il reste une bonne grosse dose d’inconnues, tant politiques que scientifiques, concernant le testing. Sans jouer à se faire peur, on rappellera quand même qu’aucun des tests actuellement sur le marché n’est 100 % fiable. Ils ne sont qu’un outil complémentaire aux mesures barrières (masques, confinement, distance…).

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