Grèce: à Idomeni, les migrants dans le déni

O n essaie d’agrandir le camp au fur et à mesure mais c’est impossible à suivre, observe complètement abattu Babar Baloch, le porte-parole du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). Pour l’instant, l’infrastructure permet d’accueillir dans des conditions décentes entre 2.000 et 2.500 personnes ». Loin du compte. « Il faut déplacer ces gens ». La veille, il a plu toute la soirée. Les champs où les migrants ont planté leur campement de fortune se sont transformés en immenses mares de boue. Pour ceux qui n’ont pas de lit dans une des grandes tentes blanches du HCR, la pluie est impitoyable : il n’y a aucun abri. « L’eau était dans la tente, trempait tous mes vêtements, mes chaussures », raconte une mère syrienne. Il fait plus de 20º cette après-midi. Sous la tente, c’est une fournaise. Mais elle tremble encore, tousse et éternue à côté de sa fille adolescente. Pour se chauffer, les campeurs font littéralement feu de tout bois : bûches, tissus, déchets en tout genre. Des fumées toxiques se dégagent et sont inhalées à longueur de temps par des enfants, certains ont à peine quelques mois. La semaine dernière, 2.000 personnes ont sollicité la permanence médicale de Médecins sans frontières. « La majorité des cas sont des diarrhées, des toux, relativise Gema Gillie, la responsable locale de l’ONG. Ce qui est inquiétant en revanche, c’est que c’est une population de plus en plus vulnérable : des femmes enceintes, de jeunes enfants. Il ne faut pas que ça s’éternise ». Selon le HCR, plus de 60 % des migrants d’Idomani sont des femmes et des enfants. [scald=764811:sdl_editor_representation] Une surreprésentation qui participe pour l’heure au maintien d’une ambiance relativement paisible (qui doit beaucoup au travail colossal des ONG). Et amène une certaine gaieté dans le camp. Car pour l’heure, c’est comme si la nouvelle de la fermeture de la route des Balkans n’était pas parvenue de Bruxelles jusqu’Idomani. Par défaut d’information ou par déni, pour l’instant, l’espoir tient : la frontière sera rouverte. « Au compte-gouttes, probablement, comme les jours précédents », avance Hisham, qui est venu avec sa femme et ses quatre enfants. Le plus jeune à 1 an. « Il suffirait de deux jours aux Macédoniens pour laisser tout le monde passer dans les règles et en finir avec ce camp. » « Il n’y a pas de plan B » « Et vous, qu’est-ce que vous feriez ? Vous feriez demi-tour pour aller dans les camps grecs ou vous resteriez ici pour tenter votre chance ? » A 16 ans, Haya a vécu près du tiers de sa vie dans un pays en guerre. Les bombardements lui ont coûté un œil et des cicatrices marquées sur la moitié du visage. Elle en parle avec une certaine désinvolture, tout comme les hommes de son village décapités ou les nuits à dormir dehors aux frontières syrienne puis turque. « On va rester ici. On ne peut pas se laver et la pluie est mauvaise mais il y a mon père, mon frère, ma sœur en Allemagne. On ne peut pas abandonner. Il n’y a pas de plan B », finit-elle par trancher. Le plan B, ils sont pourtant plusieurs à penser le trouver à quelques kilomètres de là. « Quand les migrants arrivent à Lesbos, ils connaissent deux endroits en Grèce : Idomeni et l’hôtel Hara. Tous savent que c’est là qu’ils trouveront des passeurs pour franchir la frontière illégalement », explique Giannis Papanikos, un photojournaliste qui couvre le camp depuis l’été. L’hôtel, sinistre, est situé au bord de la route. Une dizaine de tentes ont été plantées à ses pieds, mais contrairement à Idomani, ici les silhouettes furtives essaient de se dérober aux regards. « Les passeurs leur demandent 3.000 euros avec la promesse de les emmener en Allemagne, affirme Christus, un riverain. La mafia macédonienne a établi ses quartiers dans la montagne. Les migrants qui suivent les passeurs y sont dépouillés et abandonnés ». « Ils ne peuvent pas retourner d’où ils viennent, ils ne peuvent pas avancer, ils sont coincés ici », résume Zakos, un bénévole de la Croix-Rouge. L’ONG essaie de combler les besoins primaires : couvertures, conserves, couches, etc. Toujours plus chaque jour pour faire face à l’augmentation dramatique du nombre de campeurs. « Pour l’heure, ce dont on a vraiment besoin ce n’est pas de la nourriture, mais qu’ils rouvrent cette frontière. »

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